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Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:51

GRACE A TSIPRAS, POUTINE TIENT DESORMAIS L'UNION EUROPEENNE A SA MERCI

Le premier ministre grec Alexis Tsipras est allé à Moscou le 8 avril et doit y retourner bientôt.

C'est un événement considérable.

Il n'est pas sûr que tout le monde ait mesuré combien l'accession au pouvoir de Syriza à Athènes bouleverse la donne européenne, en particulier à l'égard de la Russie.

Comme on pouvait s'y attendre la pression de la communauté européenne et sans doute des Etats-Unis, des milieux économiques et d'une partie de l'opinion grecque sont tels que le jeune premier ministre a renoncé à quitter l'euro.

Même si l'équilibre qu'il doit tenir entre le souci de la dette, ses engagements électoraux et les promesses d'aide des organes européens est éminemment fragile, Tsipras peut craindre que s'il en venait à claquer la porte de l'euro, son pays ne soit soumis à un boycott européen et occidental de première grandeur auquel ce qui reste de la Grèce ne survivrait peut-être pas.

Il n'en serait pas de même s'il pouvait, dans ce cas, se retourner vers Moscou et obtenir de ce nouveau partenaire à la fois des marchés, des fournitures et une aide financière. Même si la Russie est affaiblie par les sanctions et surtout la chute des prix du pétrole , elle aurait encore les moyens de porter à bout de bras le frère orthodoxe que constitue la Grèce.

Il n'est pas sûr que cette perspective enchante Poutine mais il tient là un moyen de pression sans précédent à l'égard de l'Union européenne. Il a même, n'hésitons pas à la dire, sur elle pouvoir de vie et de mort.

Pourquoi ?

Si l'union monétaire européenne était une construction "naturelle", un pays pourrait s'en retirer , surtout un petit pays, sans que cela remette en cause l'équilbre de l'ensemble.

Mais tel n'est pas le cas : l'union monétaire européenne n'est pas une simple coalition d' intérêts comme la politique classique en offre maints exemples. Elle est une entreprise idéologique qui vise bien plus que l'intérêt mutuel : instaurer un monde nouveau dépassant le fait national , prélude à une union politique de tout le continent européen et , qui sait ? de tout l'Occident. La plupart de ceux qui croient en l'euro n'hésitent guère à dire que l'étape suivante pourrait être une fusion de l'euro et du dollar, prélude à une union monétaire mondiale .

Dans une entreprise aussi grandiose, autant que l'était autrefois le socialisme, il n'est pas de retour en arrière possible !

C'est pourquoi la sécession de la petite Grèce suffirait à mettre en péril toute l'entreprise, comme le retrait d'une carte dans un château de cartes fait tomber tout le château.

Vladimir Poutine qui a passé sa jeunesse à l'ombre d'un projet eschatologique du même genre, le socialisme soviétique, lequel était marqué du même caractère d'irréversibilité et vulnérable à tout retour en arrière, comprend parfaitement ce mécanisme. Il a été vérifié à partir du moment où Gorbatchev a voulu réformer le système: c'est tout l'édifice qui s'est effondré.

Il ne tiendrait donc qu'à lui, s'il poussait un peu Tsipras, de faire éclater l'euro.

Même s'il ne le fait pas, il dispose désormais d'une carte majeure face à une Union européenne qui continue à l'égard de la Russie les gestes agressifs, comme la relance , dérisoire, par Juncker du projet d'armée européenne, explicitement dirigée contre elle.

Utilisera-t-il cette arme ? Il est probable que Poutine préfèrera , comme d'autres, comme les Etats-Unis par exemple , tenir à sa merci une Europe affaiblie qu'être directement à l'origine d'une turbulence majeure.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:50

GHETTO ? VOUS AVEZ DIT GHETTO ?

Manuel Vals n'a pas mâché ses mots à la suite de l'affaire Charlie en dénonçant l' « apartheid territorial, social, ethnique » à l’œuvre dans les quartiers populaires, en fustigeant « la relégation périurbaine, les ghettos », généralement musulmans .

Ghetto ? Rien que ça. Il faudrait y regarder de plus près avant d'appliquer un tel qualificatif aux banlieues françaises.

A Berlin , oui, il y a un ghetto turc : des quartiers turcs sans allemands et des quartiers allemands sans turcs. A Londres aussi, jusqu'à un certain point . Mais à Paris ? Dieu merci une certaine mixité demeure . Jusqu'à quand ?

Si ghetto immigré il y a en France , n'en déplaise à M. Vals qui préfère culpabiliser les Français que chercher les vraies responsabilités, c'est essentiellement en raison de la délinquance et de l'insécurité qui règnent dans quartiers où les immigrés sont nombreux , spécialement pour ceux qu'il faut bien appeler les indigènes, c'est à dire les Français de souche.

Tous ceux qui en ont les moyens s'évertuent désormais à quitter ces quartiers, ce qui rend d'autant plus dramatique la situation de ceux qui ne le peuvent pas, en particulier les Français sans ressources, notamment les personnes âgées. Mais l'insécurité est également pénible pour la grande majorité des habitants issus de l'immigration qui souhaiteraient eux aussi y vivre tranquillement.

Le premier moyen de réduire les ghettos est donc que les forces de police reconquièrent les "territoires perdus de la République". Si la sécurité représente 80 % du problème de la ségrégation, de nombreuses logiques administratives , parties des meilleures intentions, génèrent aussi un sentiment de ségrégation.

C'est le cas de la loi Boutin du 25 mars 2009 réformant le logement social. Cette loi tend à pousser hors du parc social tous ceux qui se trouvent au-dessus du plafond de ressources. On sait que les plafonds de ressources sont limitatifs à l'entrée, mais qu'une fois la famille logée en HLM, elle peut y rester même si ses ressources augmentent dans le courant de sa vie, ce qui est cas le plus général. Une grande partie des locataires , les plus anciens, généralement nationaux, se trouve donc au-dessus du plafond de ressources. La rationalité administrative à l'état brut impose que les subventions de l'Etat dont bénéficient les sociétés HLM ne profitent qu'à "ceux qui en ont vraiment besoin" et que donc que l'on chasse par différents moyens ( surloyers etc.) ceux qui ont atteint ou dépassé le plafond . Il est aisé de comprendre que cette politique , poussée depuis des années par l'Inspection des Finances, en éliminant les classes moyennes du parc social, tend elle aussi à renforcer la ségrégation, ce qui est fort dommage.

La perversité des zonages administratifs

Avec le meilleur intentions du monde ont été délimitées en 1981 des ZEP ( zones d'éducation prioritaire) , devenues ECLAIR , majoritairement peuplées d'immigrés et où les écoles reçoivent pour cela, des moyens supplémentaires. L'existence de ce zonage a , qu'on le veuille ou non , un effet psychologique disqualifiant sur les élèves du quartier et même sur leurs parents. Les jeunes qui y habitent n'étant pas plus bêtes que les autres savent qu'ils se trouvent dans une ZEP ; ils ont ainsi le sentiment d'une ségrégation même si elle apporte à leur école des avantages. D'ailleurs est-ce bien d'une pédagogie de luxe que les élèves en cause ont besoin , n'est-ce pas plutôt d'une discipline plus rigoureuse ?

Le zonage urbain dépasse largement la question scolaire . En matière de police, ont été ainsi délimitées 49 zones de sécurité prioritaire .

En matière de "politique de la ville" , il y avait jusqu'à une date récente 751 zones urbaines sensibles (ZUS), parmi lesquelles 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU), comprenant elles-mêmes 100 zones franches urbaines (ZFU), sans compter 2 493 quartiers ciblés par les 497 contrats urbains de cohésion sociale. Rien que ça !

Une réforme récente a tenté de simplifier ces zonages : en lieu et place des différents périmètres que nous venons d'évoquer , sont identifiés 1300 quartiers sensibles. Mais le principe d'un zonage subsiste.

Ces zonages s'ajoutent à d'autres, plus anciens, qui ont eu , eux aussi, des effets pervers moins connus . Ainsi les plans d'urbanisme qui tendent depuis longtemps à séparer les zones d'activité des zones d'habitation et, parmi celles-ci, en fonction du COS, les zones pavillonnaires et les zones d'habitat collectif.

Zoner, ça fait rigoureux, ça fait technocratique. Mais le résultat est , qu' on le veuille ou non, toujours psychologiquement désastreux.

Comment un jeune qui sait qu'il se trouve ans une ZEP, une ZSP, une ZUS, une ZRU et une ZFU ne se sentirait -il pas quelque part victime d'une sorte d'apartheid , au moins psychologique ?

Il serait tellement plus subtil de mettre fin une fois pour toutes à tous ces zonages , tout en demandant aux différentes administrations concernées de garder une différenciation des moyens et des actions mais de manière pragmatique, non systématique et surtout non écrite.

Combien de problèmes sociaux naissent ou sont aggravés par un excès de rationalité administrative ?

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:49

LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE A L'EPREUVE DE L'EURO

La France n'a assurément pas à rougir de la magnifique croissance qui a été la sienne depuis 1945.

Regardons les chiffres du PIB par habitant (en $ 1990) :

1950 5000

1968 10000

1980 15000

2000 20000

2007 24000

Pour mémoire, l'Argentine qui était à 5000 $ en 1950 y est restée. L'Allemagne, partie de plus bas, car elle avait beaucoup plus souffert de la guerre , rattrape la France vers 1960. Sur le long terme, la croissance de notre voisin allemand est à peu près parallèle jusqu'en 2005, la France connaissant un coup d'accélérateur sous le président Pompidou.

Mais les valeurs absolues auxquelles s'appliquent les taux de croissance ne sont pas les mêmes. Le PIB français se tient ainsi depuis 1960 dans une fourchette de 30 à 45 % au-dessous de celui de l'Allemagne.

Principalement parce que la population allemande a été tout au long de la période, et avant même la réunification, plus nombreuse que la population française.

La population de la France était en 1990 de 58,5 millions d'habitants (Mh); elle est en 1992 de 65,5 Mh.

Celle de l'Allemagne était en 1990 de 79,5 Mh ( 63,4 à l'Ouest, 16,1 à l'Est) . Elle est en 2012 de 80,5 Mh. Le rapport démographique Allemagne/France qui était de 1,35, s'est resserré à 1,22. Depuis 2000, il nait en France plus d'enfants qu'en Allemagne mais il faut une génération pour que cela impacte la population totale ( flux migratoires mis à part).

Les PIB/habitant, en 2014, sont égaux : 44 007 $ (2014) pour l'Allemagne , 44 111 £ (2014) pour la France, sous réserve de la surévaluation des données françaises dont il sera question plus loin et d'une fiscalité plus lourde en France qui , à produit égal, réduit le revenu disponible des ménages. Comparer leur évolution sur le long terme est difficile : le terme de comparaison avant l'euro, et même depuis, est le dollar dont le cours a fluctué. Jusqu'à l'entrée dans l'euro, les réajustements périodiques du rapport entre le franc et le mark donnent à cette courbe une allure en dents de scie alors que la réalité est à peu près linéaire: France et Allemagne ont grosso modo vogué de conserve tout au long de la période.

On confond souvent la production intérieure et la capacité industrielle. Celle-ci a été pour l'Allemagne, depuis la fin de la reconstruction, dans un rapport de 2 à 1 par rapport à celle de la France. Ce rapport ne s'est dégradé, à notre détriment, que récemment. La France avait toujours compensé, au moins en partie, son handicap industriel par l'agriculture, ce qui n'est plus le cas, et par les services, un amalgame d'activité diverses : tourisme, ingénierie internationale mais aussi activités commerciales et administratives à usage interne. Partant de ce rapport constant depuis plus de 50 ans de 2 à 1 entre le potentiel industriel de l'Allemagne et celui de la France, une dégradation de la position relative de la France s'observe depuis dix ans. Pour une base de 100 en 2000, la production industrielle est aujourd'hui de 115 en Allemagne et de 92 en France. Autrement dit la désindustrialisation est plus rapide en France qu'en Allemagne.

L'évolution est identique pour l'agriculture: la balance agricole qui avait toujours été favorable à la France est depuis 2005 favorable à l'Allemagne, principalement en raison de la divergence du coût des facteurs.

En parallèle, la part de la France dans les exportations mondiales qui avait régressé dès les années 90 a continué de le faire alors que celle de l'Allemagne semble s'être stabilisée :

Part dans les exportations mondiales (en % )

France Allemagne

1990 6,2 12

2000 5 9

2010 3,9 9

Le poids des dépenses administratives dans le PIB français résulte de la prise en compte des dépenses publiques (hors transferts) à leur prix coûtant , sans considération de leur efficacité. Presque toutes ces dépenses sont à usage interne. Beaucoup correspondent à de l'économie réelle : santé, éducation. On ne sera ainsi pas surpris de découvrir que les dépenses d'éducation sont plus élevées en France qu'en Allemagne, compte tenu d'une population plus jeune. De même, pour d'autres raisons, les dépenses de défense. Paradoxe : les seules dépenses publiques plus lourdes en Allemagne que chez nous sont les dépenses d'administration générale (6,1 % du PIB contre 5,9 %) ; les Français l'ignorent : le fédéralisme génère plus de bureaucratie que la centralisation !

Il est légitime de se demander si le mode de prise en compte des dépenses publiques ne survalorise pas quelque peu le PIB français.

Ceci dit, le rapport entre le PIB français et le PIB allemand n'oscille que très peu sur les 60 dernières années.

La France gagne du terrain entre 1970 (rapport A/F = 143) et 1980 (133) ; le rapport reste stable jusqu'en 1989. On pourra être surpris que la réunification n'ait permis à l'Allemagne que de regagner quelques points : 137 en 1990, 142 en 2000. Mais l'état de délabrement de l'économie est-allemande, le ralentissement de la croissance qu'a entraîné sa remise à flot , surtout dans les conditions monétaires où elle s'est faite[1], font que cette réunification, contrairement aux craintes qui se sont exprimées dans le reste de l'Europe n'a eu qu'un impact à la marge sur la puissance allemande.

Le président Mitterrand croyait compenser le renforcement de l'Allemagne dû à la réunification en lui imposant une monnaie commune, l'euro. C'est le contraire qui s'est passé : la réunification a été un facteur de faiblesse et c'est au contraire l'euro qui a apporté à l'Allemagne , on le verra, un surcroît de puissance. L'ignorance de l'économie ne pardonne pas.

Ce surcroit de puissance allemande n'apparait certes pas dans les chiffres du PIB , comme on le verra plus loin. .Au contraire, il semble que l'euro, instauré en 1999, ait renforcé la France sous ce rapport. En outre, la divergence des évolutions ne se voit pas immédiatement : de 1999 à 2005, la balance des paiements, le taux de chômage, les déficits publics demeurent, comme la croissance à des niveaux comparables des deux côtés du Rhin.

Les thuriféraires de l'euro se sont réjouis de ces données qui semblaient montrer que l'euro était une aubaine pour la France. Mais elles étaient complètement fallacieuses et cachaient , en fait, une grave dégradation de la situation française.

La cassure de 2005

C'est à partir de 2005 que la situation se dégrade rapidement pour la France, tandis qu'elle s'améliore pour l'Allemagne , un mouvement qui s'est poursuivi jusqu'en 2014.

Que s'est-il passé en 2005 ?

Admettons que les deux pays soient partis en 1999 dans des conditions de compétitivité égales, ce qui reste d'ailleurs à démontrer, il n'en est plus ainsi aujourd'hui.

Comment se dégrade la compétitivité d'un pays ? Pas en raison des données techniques qui évoluent peu à court terme; seulement par une hausse des coûts des facteurs de production: salaires, charges sociales, impôts ( et donc dépenses publiques), énergie, matières premières etc. supérieure à celle de notre partenaire. Dès l'entrée dans l'euro, la compétitivité de la France s'est dégradée un peu plus que celle de l'Allemagne, comme cela avait d'ailleurs toujours été le cas depuis 1948 ( sauf au moment de la réunification) et continue de se dégrader aujourd'hui. Mais au début , l'effet était trop limité pour avoir un impact sensible. Comme il s'agit d'un effet cumulatif, il a commencé à devenir sensible à partir de 2005. Et le différentiel de compétitivité est encore beaucoup plus important aujourd'hui qu'en 2005. Après quinze années de dérive, il n'est naturellement pas question de revenir en arrière.

Deuxième donnée : le remplacement à la tête de la Banque centrale européenne en 2003 du hollandais Wim Duisenberg par Jean-Claude Trichet , français certes mais avec une tête allemande. Très vite l'euro est passé de 0,9 à 1,3 ou 1,4 dollars. Ce renchérissement de l'euro implique le renchérissement de toutes les exportations européennes et la baisse des prix de toutes les denrées importées. Il constitue ce qu'on appelle un choc asymétrique car il n' a pas les mêmes effets sur tous les Européens : les plus compétitifs (l'Allemagne essentiellement) y gagnent car ils recevront plus de dollars pour les mêmes exportations. Les moins compétitifs (en fait tous les autres) vendront moins, y compris sur leur marché intérieur.

Ce changement a été considérablement aggravé par la politique du chancelier Gerhard Schröder (1998-2005): quoique issu de la gauche il a mené pendant cinq ans une des plus terribles politiques de récession sociale que l'Europe ait connue : baisse des salaires réels, des allocations de chômage, des prestations sociales etc. Il introduisit aussi un peu de TVA sociale. Le résultat fut , à l'entrée de l'euro, une baisse des coûts de production en Allemagne et en Allemagne seulement. On peut spéculer sur les raisons de cette politique mercantiliste ( une politique mercantiliste vise non à accroître la production d'un pays ou le revenu de ses habitants , mais ses seuls excédents commerciaux). L'Allemagne de l'an 2000 n'avait sûrement pas besoin de cette politique de rigueur pour soutenir le choc de l'euro. Frilosité d'un pays vieillissant et craignant l'avenir , qui veut "faire des réserves" ? Impérialisme et volonté d'écraser d'emblée ses concurrents de la zone euro ? Soumission à l'esprit de lucre du patronat allemand puisque dans une perspective mercantiliste où le développement est fondé sur les exportations et non le marché intérieur, il n'est pas nécessaire d'augmenter le pouvoir d'achat et donc les salaires, pour vendre davantage, ce qui est tout bénéfice pour le capital ?

Toujours est-il que la politique de Schröder devait porter un coup fatal au nécessaire équilibre entre les pays de la zone euro et donc, à terme, à la survie de la monnaie unique.

Les conséquences ont été particulièrement graves pour les pays du sud tombés depuis lors au trente-sixième dessous. Elles l'ont été aussi pour la France en faisant naître puis en aggravant un déséquilibre par rapport à l'Allemagne , tel qu'il apparaît dans les données suivantes :

Chômage ( catégorie A) , en % de la population active :

France Allemagne

2000 8,5 7,9

2005 9,3 11

2010 9,6 7,4

2014 10,5 4,9

Balance des paiements courants (en milliers de milliards d' €)

France Allemagne

2000 + 45 - 34

2005 +10 + 133

2010 - 34 + 194

2014 - 41 + 237

Déficit des finances publiques (en % du PIB)

France Allemagne

2000 - 1,3 + 1

2005 - 3,2 - 3,7

2010 - 6,8 - 4,1

2014 - 4,4 + 0,2

Endettement public (en % du PIB)

France Allemagne

2000 58,4 58,7

2005 67 64,2

2010 80 80

2014 100 76

Il ressort clairement de ces chiffres qu' à partir d'une date variable selon l'indicateur choisi, tournant autour de 2005 , les données de la France se dégradent toujours et que celles de l'Allemagne s'améliorent .

Pour la balance des paiements courants française, largement excédentaire à l'entrée dans l'euro, elle se dégrade dès 2000 mais n'entre dans le rouge qu'en 2005.

Le chômage croit à partir de 2002 sous réserve d'un redoux en 2006-2007.

Les finances publiques, presque à l'équilibre en 2000 , sont continument déficitaires ensuite, l'endettement public ne cessant d'augmenter à due proportion.

Faut-il dès lors se consoler que dans la même période, le PIB de la France se rapproche de celui de l'Allemagne ( A/F de 1,38 à 1,32) ?

PIB

France Allemagne Rapport A/F

2000 1372 1891 1,37

2014 2907 3820 1,32

C'est ce que disent les partisans de l'euro mais ce serait une dangereuse illusion. L'évolution favorable du PIB de la France par rapport à celui de l'Allemagne depuis leur entrée conjointe dans l'euro ne fait que refléter la hausse des prix intérieurs, plus forte de ce côté ci du Rhin. Loin d'être un signe de force, elle est un signe de faiblesse. Loin d'être un atout, elle est précisément la source des problèmes qui apparaissent à partir de 2005 : faute qu'une dévaluation soit venue compenser le différentiel de compétitivité entre les deux pays, comme cela avait toujours été le cas avant l'euro, l'euro se retrouve surévalué par rapport aux coûts français. Il en résulte pour la France des difficultés à exporter et donc des échanges déséquilibrés, des difficultés à produire et donc du chômage, des ressources fiscales en baisse et donc des déficits publics.

Questions sur une divergence

Cette dégradation des comptes de la France pose plusieurs questions :

Première question : n'aurions pas dû serrer dès le départ toutes les vis comme l'a fait Schröder ? Ce n'était sûrement pas le tempérament de Chirac ( ni de Jospin ) aux affaires à ce moment là. La France ne l'aurait sans doute pas supporté. Rappelons nous qu'en plein milieu de la période concernée se produisit le fameux 21 avril 2002 qui vit l'émergence de Le Pen au second tour de la présidentielle ! Mais surtout une telle politique aurait-elle été bonne ? Fallait-il ajouter la folie française à la folie allemande ? On critique à juste titre les dévaluations compétitives d'autrefois. Ne faut-il pas craindre à présent les déflations compétitives ? Et n'est-ce pas dans ce trou noir que l'Allemagne a engagé l'Europe ?

Hélas, il ne nous semble pas que quelqu'un ait dit, à l'époque, au gouvernement allemand, tout le mal qu'il faisait à l'Europe.

Deuxième question: n'est-il pas temps, après tant de retard pris, d'infliger à la France une purge analogue à celle que Schröder a infligée à l'Allemagne il y a quinze ans et que la Banque centrale européenne a imposé depuis aux pays du Sud ? C'était difficile au début des années quatre-vingt. Il est à craindre que cela ne le soit encore plus aujourd'hui. Et surtout à quoi bon ? Le temps perdu ne se rattrape pas. Le différentiel de compétitivité entre l'Allemagne et la plupart de ses partenaires est devenu tel que seules des années de pénitence, dont ce qui reste de notre industrie ne se relèverait pas, pourraient permettre de surmonter le handicap accumulé, aujourd'hui irrattrappable. La déflation féroce que préconisent certains vétérinaires tuerait la bête au lieu de la guérir . C'est une autre voie qu'il faut chercher.

Troisième question : jusqu'où ira cette évolution ? Pour l'Allemagne, il semble que le temps des vaches grasses s'achève : sa production industrielle a brusquement baissé à l'été 2014 . Son mercantilisme aveugle a épuisé ses voisins qui constituaient son principal marché; ses ventes s'en ressentent. Cela ne fera pas pour autant les affaires de la France qui, plus que jamais, continue de pâtir d'un déficit de compétitivité irrémissible : sauf à remettre en cause l'euro, le seul remède envisageable , une récession féroce tuerait la bête au lieu de la guérir.

A ce cercle vicieux , il est probable qu'il n'y ait d'autre solution qu'un démantèlement de l'euro permettant à la France de dévaluer sa monnaie courante de 20 ou 25 % par rapport à celle de l'Allemagne ( pas nécessairement à celles du reste du monde).

Ce sera une opération douloureuse: la France, avec une monnaie surévaluée vit au-dessus de ses moyens . Il est très périlleux en économie de jouer à la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ! C'est ce que fait la France aujourd'hui grâce à l'euro , qui gonfle son PIB apparent tout en entravant sa croissance réelle . La sortie de l'euro ne serait dès lors qu'une opération vérité. Après quelques mois difficiles, la France repartirait sur un bon pied et rattraperait vite le temps perdu.

Ainsi, après avoir fait jeu égal avec l'Allemagne depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la France a décroché à une date qui coïncide, qu'on le veuille ou non, avec l'entrée dans l'euro.

Cela parce que ses élites ont cru que, sur le plan de l'inflation au moins , on pouvait , à coup de volontarisme politique, transformer le tempérament des Français pour l'aligner sur celui des Allemands.

Parce qu'elle avait gardé sa liberté monétaire, et donc le moyen de gérer sa monnaie en fonction de son tempérament propre qui n'est pas celui de ses voisins, la France a su se maintenir et même parfois faire mieux que l'Allemagne au cours du dernier demi-siècle. Elle peut encore le faire , et cela d'autant plus qu'elle a désormais l'avantage démographique.

Ce n'est pas la première fois depuis 1950 que la France, par un mélange de volontarisme et de vanité surévalue sa monnaie par rapport à l'Allemagne , bridant ainsi sa croissance. Si elle ne l'avait pas fait, sa position industrielle serait sans doute meilleure aujourd'hui.

Le principal handicap de la France par rapport à l'Allemagne depuis 1945 (et même déjà en 1939-1940 !) n'est pas, comme le dit le dictionnaire des idées reçues, son indiscipline, sa moindre ardeur au travail, son inaptitude à la mécanique ou ses syndicats, c'est la vanité et l'incompétence de ses élites.

Roland HUREAUX

[1] Le Chanceler Kohl, pour des raisons politiques respectables posa qu'un mark de l'Est vaudrait un mark de l'Ouest, alors qu'à l'Est, les coupures étaient pléthoriques et sans valeur. Pour éponger ce supplément de liquidité, il dut hausser les taux d'intérêt et étouffer la croissance, non seulement en Allemagne mais aussi en France.

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:20

HOLLANDE CHEZ CASTRO : LA NOSTALGIE N'EST PLUS CE QU'ELLE ETAIT

Paru dans Marianne.fr

Il fut un temps où, dit-on, les tyrans tentaient de se rajeunir en buvant le sang de jeunes hommes, ou à tout le moins en les fréquentant.

François Hollande n'est pas un tyran. Son originalité n'en est pas moins grande : il tente de se rajeunir (et avec lui le socialisme français) en rendant visite à un vieil homme, malade de surcroît , Fidel Castro.

L'intérêt économique et politique de cette visite n'apparait pas avec évidence. Il semble plutôt que le président français ait voulu rappeler aux plus anciens de la gauche française les heures héroïques où , encore au sortir de l'enfance, ils s'enflammaient pour ce qu'on appelait alors le "modèle cubain" et pour la résistance courageuse que le lider maximo opposait à l'Amérique. Qui s'en souvient ? Les plus engagés sacrifiaient même leurs vacances pour aller y couper la canne à sucre.

S'il suffit d'un voyage pour se prouver qu'on est encore de gauche, pourquoi ne pas l'entreprendre ? Si Che Guevara était encore de ce monde, Hollande serait sans doute allé le voir aussi.

Prudent, le président fiançais ne fait cependant le voyage qu'après que les premiers pas d'une réconciliation entre Washington et La Havane aient été accomplis. Face au nouvel ordre mondial, François Hollande n'a jamais eu rien d'un provocateur.

Le Cuba de Castro est un petit pays pauvre proche de la côte de Floride qui résiste depuis 55 ans aux Etats-Unis. La France de Hollande est un grand pays, encore riche , qui s'assujettit aujourd'hui volontairement aux mêmes Etats-Unis, dont pourtant un océan le sépare. C'est dire que toute comparaison entre eux serait hasardeuse.

Au temps du général de Gaulle, la France, en se démarquant de la position de Washington, pouvait jouer les intermédiaires, comme, par exemple dans la guerre du Vietnam. Pleinement intégrée aujourd'hui au bloc occidental, elle ne cherche à se distinguer , en Libye, en Syrie, en Ukraine que par la surenchère. Dans l'affaire cubaine, c'est au pape François qu'on a demandé de jouer les intermédiaires. Le président Raul Castro s'est d 'ailleurs rendu à Rome pour le remercier.

Le socialisme cubain a été longtemps un mythe . Mythe très éloigné de la réalité non seulement sur le plan économique mais encore plus sur celui des libertés. François Hollande marie les homosexuels. Qui sait qu'au début, Fidel Castro les mettait en camp de concentration? Une dimension du castrisme passablement oubliée. Mais là aussi les temps ont changé.

François Hollande, rallié avec armes et bagages à la logique du capitalisme mondial, a un drôle d'air aux côtés du vieux lutteur de la Havane. En cherchant à rajeunir le socialisme français, il se peut qu'il montre au contraire combien celui-ci a, comme l'ancien chef de la Révolution cubaine, pris un coup de vieux.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:18

Paru dans Liberté politque

Un suicide pas tout à fait réussi

Eric ZEMMOUR, Le suicide français, Albin Michel, octobre 2014, 534 pages.

Au lecteur pressé qui n'aurait le temps de lire qu'une page de l'essai d'Eric Zemmour sur le "suicide français", nous recommandons celle qui traite de Louis Schweitzer (p.279), ancien PDG de Renault où est expliquée toute la cohérence entre la délocalisation de milliers d'emplois industriels, la multiplication par treize de son salaire et la présidence de la HALDE, sous-tendue par une conscience de gauche bien entendu.

Schweitzer apparait ainsi comme un personnage emblématique d'une génération où l'auteur tente de discerner les moments clef de ce qu'il tient pour le déclin de la France.

Une lecture en forme de chemin de croix : pour qui a suivi la politique française des dernières décennies et sait déjà l'essentiel , Zemmour , pour peu qu'il en partage un peu le regard, remue le couteau dans la plaie ! Mais il ne fait pas que cela : ses éclairages culturels viennent utilement compléter les développements politiques : le cinéma , avec le sinistre Dupont la Joie d'Yves Boisset (1975) qui renvoie pour la première fois depuis 1789 à l'homme du peuple français une image négative, des chansons prémonitoires comme celle d'Aznavour sur les homosexuels (Comme ils disent, 1972), le rôle du rap ou de Coluche ; les éclairages sportifs , quant à eux, révèlent une vraie compétence : ainsi est décrite la dénationalisation des équipes de football à la suite d' une décision dogmatique de la Cour de Luxembourg imposant aux vedettes du ballon rond le principe de la libre circulation des "travailleurs" qui a transformé les grands joueurs en mercenaires.

Sans doute aurait-il fallu distinguer, dans les étapes de cette "descente aux enfers" ce qui était inévitable , comme le déclin de la sidérurgie, les privatisations (pas toutes) ou une certaine mondialisation , de ce qui aurait pu être évité avec des politiques différentes, comme l'abandon du contrôle d'Airbus ou le droit du sol. Mais l'auteur a une thèse: la mondialisation ne pouvait être que particulièrement cruelle à la France dans la mesure où ses caractères historiques: Etat unitaire, héritage colbertiste , modèle social, lui étaient directement contraires. Il rappelle opportunément que l'initiative de l'Etat dans les années cinquante, soixante et soixante-dix est à l'origine de la plupart des champions de l'industrie française : aéronautique, espace, TGV, nucléaire etc. Il aurait pu ajouter "et européenne".

L'ouvrage, qui se veut une somme, s'attache à ne rien omettre de tout ce qui a contribué à raboter l'"exception française" et la France elle-même : mai soixante-huit suivi du ralliement des trotskistes au marché et aux logiques ultralibérales , l'essor du féminisme idéologique ( qui a sans doute le même rapport avec le bonheur des femmes que le stalinisme en avait avec celui des ouvriers russes) , le regroupement familial, le collège unique sacralisé par Haby, ministre de Giscard, les lois mémorielles, la revendication homosexuelle ,l'art contemporain, la création de SOS Racisme à l'initiative de l'Elysée qui , après le naufrage de la gauche sociale, a assis la nouvelle gauche morale, la réintégration de l'OTAN, l'adoption des normes américaines, la transformation de l'IEP de Paris sous l'impulsion de Richard Descoings etc.

A la création de Canal Plus devenu selon l'auteur le chien de garde de la haine de soi, il aurait fallu ajouter la privatisation ostensible par Chirac de TFI, chaîne de référence , alors que la deux et la trois restaient dans le domaine public; les enseignants datent de l'éclatement du PAF vers 1987 , la baisse de l'attention des élèves à l'école, la difficulté de plus en plus grande pour les adultes de les contrôler. Zemmour n'évoque guère la décision prise par une gauche viscéralement hostile au monde rural, d'abandonner les politiques d'aménagement du territoire à partir de 1990, au risque d'aggraver la concentration parisienne et le problème du logement. La réforme de la PAC de 1992 donna le coup du lapin à la vieille paysannerie française. L'auteur parle de "Paris et la désespérance française" .

Zemmour rappelle le rôle de la gauche chrétienne ou postchrétienne dans l'attrition de l'Etat supposé "jacobin": Rawi Abdelal , professeur à Harvard a montré dans une étude jamais traduite le rôle décisif tenu au cours des années 1980 par les Français de cette école, les "Delors boys", dans l'accélération de la mondialisation financière où Warren Buffet voit la grande revanche des riches contre les pauvres. Mais la gauche tout court a su elle aussi détricoter l'héritage de la Révolution française avec la décentralisation, l'encouragement au communautarisme, la dégradation de l'école publique, le tout-marché (et son primat sur la démocratie au nom de l'Europe).

Certaines innovations dont les effets devaient s'avérer décisifs sont passées inaperçues , personne sur le moment n'en mesurant la portée : l'introduction des préambules dans le bloc de constitutionnalité sous Gaston Palewski (1971), porte ouverte au gouvernement des juges ; la loi Pleven ( 1972) qui interdit toute discrimination sur la nationalité , votée à l'unanimité comme la loi Gayssot, comme la LOLF, comme toutes les mauvaises lois , la loi Giscard qui interdit à l'Etat de se financer par la Banque de France (1973) , loi sans laquelle la dette publique ne serait pas ce qu' elle est aujourd'hui.

La montée du gouvernement des juges a eu des effets fâcheux au cours de la période comme l'arrêt Motcho du Conseil d'Etat (1980) qui élargit le regroupement familial aux polygames ou l'avis de 1989 favorable au port du voile à l'école. La loi est heureusement venue corriger en ces matières la jurisprudence.

On pardonnera quelques erreurs ici ou là : le Royaume-Uni n'a pas de régions ; Machiavel n'a sûrement pas déniaisé une France sortant vierge du Moyen-âge : un Louis XI que Chateaubriand appelle le "roi-jacobin" était déjà passé par là . Auraient pu être évités les poncifs inexacts sur le général de Gaulle : son supposé maurrassisme, son pacte avec les communistes ; on ne l'a jamais appelé le Père, sauf après sa mort. Il n'est pas sûr que les centristes pro-européens qui appelaient de leurs vœux l'entrée de l'Angleterre dans le Marché commun aient été déçus par celle-ci : la contradiction entre leur volonté d'élargissement et leur ambition supranationale avait déjà été relevée par le général de Gaulle. Zemmour cultive selon son habitude l'art des formules dont certaines sont un peu rapides : "c'était l'Etat qui faisait le droit ; à présent, c'est le droit qui fait l'Etat".

Pudique sur le sujet , comme il se doit, l'auteur ne mentionne pas ce qui sous-tend sans doute les évolutions qu'il déplore: la déchristianisation, qui n'avait jamais été aussi ample que dans la génération en cause. Peut-on suggérer que , à côté d'un dérèglement des mœurs après tout pas si grave, elle aurait pu entrainer aussi, au moins dans les élites, une dérèglement des esprits ? Quand la foi se retire, comme le montre Emmanuel Todd, l'idéologie occupe l'espace et avec elle la déraison. On ne congédie pas impunément le Saint-Esprit.

Il a été reproché à Zemmour d'avoir voulu réhabiliter Pétain. Ce n'était pas son intention. Il défend non pas Vichy mais la France, livrée depuis quarante ans à une humiliante culpabilisation qui vise à saper la fierté nationale sans laquelle il n'est pas de nation vivante - et capable d'intégrer ses immigrés. C'est , non pas de la guerre comme on croit , mais de 1968 que date cette entreprise morbide; et c'est Jacques Chirac , non François Mitterrand, qui a identifié la France non plus à l'épopée gaulliste, mais à Vichy . La première attaque est venue d'un historien américain, Robert Paxton, d'un pays qui , après les ruades gaulliennes, avait intérêt à abaisser la France . Mais la dénonciation obsessionnelle du pétainisme avait une portée plus large , de nature véritablement nihiliste, puisqu' à ce régime était amalgamé de manière insidieuse la morale traditionnelle ( travail, famille, patrie) que la génération de 68 voulait détruire. Alors même que ces valeurs de toujours avaient été tout autant exaltées par la Résistance.

Si nous devons nous cantonner à l'essentiel, nous ne ferions qu'une objection : à l'égard de la vision qu'a l'auteur de l'Allemagne. En bon méditerranéen, il est, lui aussi , quelque part fasciné par elle. Il la tient pour une puissance sans cesse grandissante à laquelle la France aurait été contrainte au fil des ans , non seulement de céder le leadership en Europe mais de se soumettre. "La supériorité allemande est telle que la France ne pourra plus échapper sa vassalisation" . Est-ce si simple ? Il n'est de servitude que volontaire. La réunification n'a ajouté que 5 % de PIB à notre voisine , soit un an de croissance des Trente glorieuses, avec des montagnes de problèmes ( que nous l'avons aidée à régler au delà de toute mesure, au point de nous affaiblir plus qu'elle). Mais pour le reste , l' affaiblissement de la France, n'est ce pas nous qui l'avons voulu hors de toute exigence de notre voisin ? Déjà le préambule ajouté par le Bundestag en 1963 pour torpiller le traité de l'Elysée était l'œuvre d'un Français, Jean Monnet. Le franc fort puis la création de l'euro en 1993 résultent d'un mauvais calcul de Mitterrand qui ignorait tout de l'économie : il pensait que la réunification renforcerait l'Allemagne et que l'euro serait une compensation pour nous. Ce fut l'inverse: la réunification affaiblit durablement l'Allemagne et l'euro , tel qu'il a été conçu, c'est à dire un mark repeint, est à l'origine de l'affaiblissement de la France. Etonnante négociation de Maastricht où la France fait pression pour imposer à une Allemagne réticente une règle du jeu qui pourtant favorise celle-ci ! Si Airbus est issu d'initiatives françaises, c'est volontairement que le gouvernement Jospin-Strauss-Kahn en transféra sans vraie contrepartie la moitié à l'Allemagne. A Pékin, on considère aujourd'hui que l'Airbus est un produit allemand ! Il faut ajouter à ce tableau des capitulations sans défaite la guerre de Yougoslavie , règlement de comptes historique avec la Serbie, ennemie de toujours de l'Allemagne et amie traditionnelle de la France, où rien n'obligeait Chirac à s'engager. Si l'Allemagne paraît aujourd'hui forte et la France faible, ce sont les élites françaises, toujours prêtes à trahir et , ajouterons-nous , d'une incompétence rare, qui ont fait ce choix. Zemmour oublie cependant la fragilité de la prospérité allemande, fondée sur un appauvrissement sans précédent d'une partie de la population, la dégradation des équipements publics et une dénatalité qui épargne les dépenses scolaires. En définitive , une date nous parait plus importante que toute autre dans l'histoire de la relation franco-allemande: à partir de l'an 2000, et pour la première fois depuis 1870 , il y a plus de naissances en France qu'en Allemagne - et il ne s'agit pas seulement d'enfants d'immigrés ! Passée entre 1960 et 2015 de 46 à 67 millions d'habitants, la France est aujourd'hui le seul grand pays d'Europe à renouveler à peu près ses générations. Est-ce pour cela que , seule, elle a opposé quelque résistance à la vague du mariage homosexuel ? Il y a en tous les cas des suicides plus réussis.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:17

APRES LES ELECTIONS DEPARTEMENTALES : MALGRE UN BEAU SUCCES , L'UMP N'A PAS ENCORE GAGNE LA PARTIE

L'UMP a annoncé une grande victoire à la suite des élections départementales de mars 2015. Elle n'a pas eu tort mais les dangers ne sont cependant pas écartés pour elle.

L' annonce se fonde sur le fait que , réunie à ses alliés de la droite classique, elle arrive, avec 36,6 % des voix au 1er tour, à obtenir 2396 sièges et 67 présidences : la plus belle rafle jamais réalisée sur ce type de collectivités ( à un moment où on veut la faire disparaître ! ). La gauche dans son ensemble , au même niveau en voix : 36, 7 % toujours au 1er tour n' obtient que 1533 sièges et 30 présidences. Le FN, avec 25,24 %, n'a que 58 sièges et aucune présidence. La droite passe ainsi de 41 à 66 présidences tandis que la gauche chute de 57 à 30.

(Sur un total de 4108 conseillers, restent 45 à la couleur indéterminée qui ont aussi été élus).

La droite classique se trouve en même temps largement devant le FN en voix.

Mais l'essentiel de cette remontée de la droite classique en voix a un caractère optique : elle vient du fait que les résultats la présentent dans les résultats officiels comme un bloc , alors que l'UMP et l'UDI étaient candidates séparément aux européennes de 2014.

Même s'il n'apparait plus comme "le premier parti de France", le FN se maintient en pourcentage: 24,85 % aux européennes et 25, 24 % au premier tour des départementales, et gagne en valeur absolue 429 410 voix. Cela bien que ce type de scrutin où le facteur personnel et la connaissance des candidats par les électeurs du canton lui soit moins favorable. On peut considérer comme un exploit qu'il ait réussi, pour la première fois, à présenter des candidats dans presque toute la France, même si beaucoup n'étaient que des noms sur un bulletin.

Que le FN ait pâti de son isolement au point de ne remporter en définitive , à l'encontre de ce que certains de ses cadres attendaient , que peu de sièges et pas de présidence n'est pas vraiment une surprise.

La droite classique, et premier lieu l'UMP, que le mode de scrutin favorisait a remporté en sièges et quant au nombre de présidences, une victoire bien plus sensible qu'en voix.

Mais elle est toujours au coude à coude avec la gauche prise dans son ensemble, que le mode de scrutin, favorable aux sortants favorisait encore davantage que l'UMP-UDI.

Moins de la moitié des électeurs se sont exprimés lors des deux scrutins étudiés. On ne sait ce que deviendraient ces résultats avec une participation beaucoup plus élevée.

On ne saurait oublier non plus les divisions de l'UMP et du centre ni leur difficulté à faire un programme qui exprime un vrai renouvellement des idées. Les autres partis rencontrent il est vrai les mêmes difficultés mais c'est le principal parti d'opposition qui est d'abord attendu sur ce terrain.

Malgré un beau succès, et le rejet de la gauche par près de deux électeurs sur trois, l'UMP n'a pas encore gagné la partie.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:15

RESEAUX MEDIATIQUES ET IDEOLOGIE : L'EXEMPLE DE CRISTEROS

Après avoir été projeté dans près de 300 salles de cinéma, un peu partout en France, Cristeros, le film de Dean Wright qui relate la révolte des catholiques du Mexique contre un gouvernement persécuteur ( 1926-1930) aura finalement franchi le cap des 80.000 entrées, ce qui est un résultat honorable. Il s'inscrit ainsi dans le petit nombre de films amortis avant même leur sortie en DVD.

Pourtant sa diffusion en France aura été plus que laborieuse.

Les réseaux normaux ne voulaient pas en entendra parler . Il a fallu un lobbying intense des milieux catholiques , pour qu'une petite société se risque à en assurer la distribution

Première leçon : le catholicisme est politiquement incorrect en France. Un film qui relate leur persécution et leur révolte sent le souffre dans le pays des droits de l'homme , spécialement dans le milieu su show business et des médias. On en a eu une confirmation récente quand la direction de la RATP a refusé de diffuser une affiche mentionnant qu'un concert était donné en faveur des chrétiens d'Orient. Qu'elle ait été obligé de faire machine arrière ne change rien à la signification de l'incident. Le syndicat CGT de la Bibliothèque nationale a eu une réaction analogue vis à vis d'une exposition à la Bibliothèque nationale au sujet des chrétiens d'Orient.

Deuxième leçon : les réseaux du capitalisme médiatique sont tout sauf neutres. Du temps de la Révolution d'octobre, Lénine disait que les capitalistes étaient prêts, pour gagner de l'argent, à vendre tout , "même la corde qui servira à les pendre". On considérait , en ce temps là, que l'argent n'avait ni odeur ni couleur polique . Si une bonne affaire était possible, le capitaliste ne regardait pas à quel parti elle allait profiter, au risque même de favoriser les ennemis du capitalisme.

Mais les temps ont changé. Les publicitaires font aujourd'hui une sélection des médias auxquels il vont apporter la manne qu'ils gèrent . Cette sélection est politique et idéologique. Elle ne sera pas faite en fonction des intérêts directs du capitalisme mais de l'idéologie dominante "politiquement correcte". Dans ce cadre, un film faisant l'apologie de la religion catholique comme Cristeros est suspect. Il en serait de même d'un film qui serait critique du mariage homosexuel ou encore favorable à un pays auquel l'Occident est hostile.

Ce climat nouveau traduit une mutation très profonde de la société. L'intolérance est inséparable d'une idéologie à la fois manichéenne et prométhéenne , comme l'était le marxisme-léninisme , comme l'est aujourd'hui un certain libéralisme libertaire . Ceux qui s'attellent à l'entreprise de construire un monde nouveau acceptent mal qu'on se mette en travers.

Au XIXe siècle, la bourgeoisie dominante n'était pas idéologue, quoi qu'en ait dit Marx. Elle gérait la société en fonction de ses intérêts, certes, mais avec pragmatisme. C'est la gauche et l'extrême gauche qui avaient dû alors , pour résister à la classe dominante , s'arc-bouter sur une idéologie rigide, le socialisme.

Aujourd'hui, l'idéologie, libérale et mondialiste en l'occurrence, n'est plus à la périphérie de la société. Elle est au centre. Les classes dirigeantes sont devenues idéologues . Ceux qui contrôlent la planète ne le font plus seulement par le pouvoir de l'argent et de la force armée. Ils le font de en imposant un mode de pensée aussi exclusif et intolérant que l'était l'idéologie socialiste à ses débuts. Paradoxalement, c'est une idéologie de gauche fondée sur les bons sentiments : l'antiracisme, la promotion libertaire de l'homosexualité, la condamnation du nationalisme et de toutes les frontières. Idéologie très peu subversive en fait sur le plan social dans laquelle rien ne contredit la liberté d'action des grands groupes qui dominent le marché mondial. Comme toutes les idéologies , celle qui domine aujourd'hui est d'une manière plus ou moins ouverte hostile au fait religieux. Le contrôle des médias constitue pour les groupes dominants ou leurs truchements idéologiques un enjeu fondamental . La maîtrise des canaux publicitaires ou ceux de la diffusion sont un moyen essentiel de ce contrôle. Tout organisme qui se voudrait libre par rapport à l'idéologie dominante est tenu de renoncer aux ressources de la publicité et à trouver d'autres formes de financement.

Le fait d'être en position dominante dans la société donne toujours un prestige et des moyens que n'ont pas les opposants. Mais l'idéologie a une force propre, par son caractère de construction logique, sa promesse eschatologique (le progrès sous telle ou telle forme) et l'intolérance à toute forme de débat qui renforce beaucoup les positions de ceux qui combattent sous son pavillon. Cette force se conjugue avec la puissance que le progrès technique donne désormais aux médias. Que le mode de fonctionnement idéologique soit passé de la périphérie de la société où il était apparu, à son centre de commandement, est inséparable d'un contrôle sur la société globale par les forces dominantes sans proportion avec ce qu'il était dans le passé.

Ce qui est arrivé au film Cristeros qui, malgré son caractère éminemment rentable, a eu beaucoup de mal à être distribué , confirme que dans notre société mondialisée, le contrôle des opinions est plus étroit que jamais il ne l' été.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 19:12

Paru dans Boulevard Voltaire

REFUSER DE FETER LE 19 MARS N'EST PAS CELEBRER l'ALGERIE FRANCAISE

En attaquant bille en tête Robert Ménard pour avoir renommé à Béziers la rue du 19 mars 1962 rue du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, Manuel Vals n'a pas peu contribué à obscurcir la mémoire des évènements de la fin de la guerre d'Algérie.

N'était la personnalité exceptionnelle de celui qui a été ainsi honoré , condamné certes par le Haut Tribunal militaire en 1961, mais gracié dès 1966, unanimement respecté et , au soir de sa vie, couvert d'honneurs par tous les gouvernements, on pourrait certes tenir non le changement lui-même mais le nouveau nom pour une provocation.

Mais en ne voyant en Denoix de Saint-Marc que le participant du putsch d'Alger ( ou plutôt celui qui ne voulait pas trahir sa parole d'officier) , Vals ramène la question à un face à face absurde entre les tenants du 19 mars et ceux de l'Algérie française, comme s'il n'y avait pas d'autre position possible.

La pression du parti communiste

Est-il nécessaire de rappeler d'où vient que tant de rues en France portent aujourd'hui le nom du 19 mars ?

Les signataires des accords d'Evian n'y sont pour rien : le général de Gaulle aurait été le premier choqué que l'on appelât de ce nom une rue en France , a fortiori qu'on fasse de cette date une fête nationale. Tenant les accords d'Evian pour une douloureux pis-aller, il savait que ce jour là les Algériens fêtaient, non sans arranger l'histoire, une victoire . De même que le 1er novembre , jour qui commémore le peu glorieux assassinat d'un couple d'instituteurs français en 1954, tenu pour le début de la révolte du FLN, qui n'est certes pas devenu une fête française, encore heureux, mais que nos ambassadeurs honorent pourtant de leur présence dans toutes les capitales du monde. Ni Pompidou, ni Giscard n'envisagèrent non plus de fêter le 19 mars 1962. François Mitterrand lui-même résista des quatre fers à la pression de la base socialiste pour faire de ce jour une fête nationale. Jacques Chirac ne céda pas non plus à cette démagogie. Ni Nicolas Sarkozy. Mais l'Assemblée socialiste ayant voté un texte dans ce sens en 2002, il a été avalisé par le Sénat dix ans plus tard, délai d'ailleurs discutable sur le plan constitutionnel. François Hollande aurait pu s'y opposer ; il ne l'a pas fait.

Derrière tout cela , la pression inlassable du parti communiste et qui avait fondé le principal mouvement d'anciens combattants de la guerre d'Algérie, la FNACA. Beaucoup d'adhérents de celle-ci n'étaient pas communistes mais voulaient à toute force "leur" fête, frustrés que les poilus aient le 11 novembre, les combattants de la Seconde guerre le 8 Mai et eux rien. La FNACA organisa , bien avant que cela fut officiel, des cérémonies aux monuments aux morts le 19 mars. La plupart des élus, pas seulement de gauche, prirent l'habitude de s'y rendre. En même temps, cette association harcelait les municipalités pour qu'elles instaurent un peu partout des rues du 19 mars.

J'ai assisté à la réunion d'un conseil municipal de droite , qui vota à l'unanimité (sauf une voix , la mienne) , une motion demandant que le 19 mars devienne une fête nationale. Autour de la table, personne ne savait exactement ce qui s'était passé ce jour là et encore moins dans les tragiques semaines qui suivirent . On savait tout au plus vaguement que c'était le jour de la "paix en Algérie".

Pour le Parti communiste , grand amateur de symboles , la signification du 19 mars était beaucoup plus perverse: les aventures coloniales n'ayant été qu'une mauvaise chose de bout en bout , le jour où elles se sont terminées, qu'importe dans quelles conditions , devait être célébré. Les malheureux anciens combattants qui entrèrent dans ce jeu n'avaient, pour la plupart, pas conscience que cette fête disqualifiait entièrement leurs efforts et leurs souffrances.

Il est vrai que ni le mouvement concurrent, l'UNC , ni les hommes politiques qui refusaient d'entrer dans ce jeu, ne firent beaucoup d'efforts pour trouver un autre jour , rappelant tel ou tel fait mémorable de notre histoire coloniale, qui leur aurait donné satisfaction. On s'avisa bien tard de leur donner le 5 décembre, jour à la signification bien pauvre puisqu' il célèbre depuis 2003 l'érection quai Branly d'un monument commémoratif de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc.

Cette affaire illustre une fois de plus que , si l'on laisse de côté les questions économiques et sociales, si contraintes par l'extérieur qu'elles ne sont plus significatives, et ne considère que les questions de mémoire et de société , la France est aujourd'hui gouvernée à l'extrème-gauche.

Ro

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23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 23:05

L'UMP A L'EPREUVE DE LA MANIF POUR TOUS

Il y a un mois , l'idée que la droite revenue au pouvoir pourrait toucher à la loi Taubira instituant le mariage homosexuel n'était pas prise au sérieux dans les hautes sphères de l'UMP. Comme dans le passé, la droite , disait-on, ne saurait remettre en cause une évolution sociétale allant dans le sens de l'histoire. Et quel intérêt de se mettre à dos de puissants lobbies pour une question dont , au fond, tout le monde se fichait.

Nicolas Sarkozy se montrait irrité par la question. François Fillon avait dit au moment du vote, que "ce qu'une loi a fait, une autre peut la défaire", mais il n'était pas revenu sur ce sujet depuis.

Alain Juppé , en bon bordelais pragmatique, ne cachait pas son refus de remettre en cause la loi Taubira.

Bruno Le Maire, qui s'était abstenu lors du vote, encore moins.

Hervé Mariton, candidat à la présidence de l'UMP et décidé , lui, à abroger la loi, paraissant dans ce contexte isolé.

Commet s'étonner d'ailleurs de cette position puisque nul n'ignore que si la droite avait vraiment voulu bloquer la loi au Sénat, elle en avait probablement les moyens : ne l'ayant pas fait ,elle en partage à sa manière la paternité.

Et pourtant, n'était ce pas faire là bon marché de l'immense mouvement qui s'était levé pour combattre la loi Taubira. On a beau se gausser de la dominante catho, bcbg de la Manif pour tous, celle du 24 mars 2012 qui rassemblant près de 1,5 million et demi de personnes est sans doute la plus importante manifestation de l'histoire de France. Faire comme si elle n'avait pas eu lieu : telle était la tentation de l'UMP, tentation d'autant plus paradoxale que son électorat y était largement majoritaire.

C'es Nicolas Sarkozy qui, le premier, a rompu le tabou par son discours du 15 novembre 2014 devant le club Sens commun, tendance de l'UMP animée par des jeunes de la Manif pout tous , en admettant d'abord qu'il fallait réécrire la loi puis en concédant que cela ressemblerait "si l'on veut" à une abrogation. Le débat était ainsi relancé.

Nicolas Sarkozy a ainsi réussi une bonne opération, pas tant parce qu'il a fait immédiatement un bond en avant dans les sondages mais parce que le thème de l'abrogation de la loi Taubira lui permet de se replacer au coeur de la droite.

Le temps où les élections présidentielle se gagnaient au centre gauche est bien terminé. Il faut être désormais, comme disait François Hollande, le candidat "normal " de son camp. Avoir un programme sérieux et lisse, poliquement correct n'y suffit pas. Il faut un thème emblématique qui soit un marqueur fort . Ce thème doit correspondre au moment présent de l' histoire politique française: deux ans après les grandes manifestations, et compte tenu qu'il s'agissait là de la réalisation à la fois la plus importante et la plus controversée, celui du mariage homosexuel s'imposait. Et la position prise doit avoir du relief. Pour cela il faut quelle soit transgressive par rapport à l'idéologie dominante; sinon elle passe inaperçue dans l'immense bruit de fond médiatique.

François Mitterrand, le premier, avait compris cela en 1981 .En adoptant presque tout le programme de nationalisations du Parti communiste, malgré les réticences de beaucoup de socialistes et le risque du "mur d' argent" , il faisait une double opération: il gardait les électeurs du PC auquel Moscou demandait de voter Giscard ; il s'installait surtout dans le champ symbolique comme un vrai candidat de gauche. Qu'importe que, en dehors de France, le vent du libéralisme ait déjà à souffler ou que le parti socialiste ait été quelques années après le champion de privatisations. En 1981, cette stratégie lui réussit.

Nicolas Sarkozy n'a sans doute pas fait tant de calculs; mais son instinct lui avait dicté la même aux élections de 2007 quand il avait évoqué, de manière déjà transgressive l'identité nationale. Sa proposition d'abroger la loi Taubira se situe dans la même ligne.

Il ne faut naturellement pas se faire d'illusions sur cette proposition. Il l'a faite du bout des lèvres , sous l'effet de l'ambiance (comme le général de Gaulle prononça une fois dans le même environnement le nom d'Algérie française) et dès le lendemain s'attachait à en minimiser la portée.

En pratique, elle risque de s'avérer difficile à mettre en œuvre. Deux mariages, l'un bisexe , l'autre unisexe ? La masse des opposants à la loi Taubira , dans la mouvance de La Manif pour tous risquent de ne pas se satisfaire que demeure un "mariage homosexuel" ( au pire ils lui préféreront l'"union civile" chère à Frigide Barjot), et le lobby LGBT ne pardonnera bien entendu jamais qu'on remette en cause de quelque manière la loi actuelle , inspirée par la théorie du genre, en discriminant entre deux types de mariage. Ses protestations ont été immédiates et elles servent d'ailleurs Sarkozy dans la mesure où elles semblent prendre au sérieux ses propositions.

Sarkozy réélu abrogerait-il davantage la loi Taubira qu'il a nettoyé les banlieues au karcher entre 2007 et 2012 ? La question reste ouverte. Et , malgré la naïveté de beaucoup, les membres de Sens commun se la posent sans doute. Il reste que la percée symbolique de Sarkozy leur profite en les sortant de la marginalité où ils étaient enfermés il y a quelques semaines.

Si l'ancien président apparait sur le plan politique comme le gagnant de l'opération, on ne saurait oublier que la longue marche à laquelle il se prépare reste parsemée d'embûches : sans s'attarder sur les aléas judicaires possibles, il est clair que son retour a suscité au sein même de l'UMP moins d'enthousiasme que sans doute il en espérait. Et Fillon n'a pas encore dit son denier mot.

Cette de prise de position a aussi contribué donner un surcroit de crédibilité à Hervé Mariton, chaudement applaudi le 15 novembre. Jusque là peu audible, il présente cependant au gré de beaucoup de militants l'avantage de ne pas être candidat à la primaire. Son élection garantirait que le présidant du mouvement jouerait vraiment un rôle d'arbitre évitant une probable scission si le scrutin apparaissait entaché de partialité.

Bruno Le Maire, jeune et très talentueux, normalien et énarque, comme Alain Juppé et Laurent Wauquiez (alors que Hervé Mariton est polytechnicien et énarque) risque d'être, malgré les apparences, le perdant de l'opération "Sens commun" non pas tant parce qu'il s'est fait copieusement huer par ce public très particulier mais parce que sa position sur le mariage homosexuel se retrouve complètement décalée par rapport à ce qu'est aujourd'hui le centre de gravité de la droite. N'étant transgressif sur rien, il risque d'apparaitre, avec ses yeux clairs et son teint blanc comme incolore, inodore et sans saveur. S'il veut être le candidat de la droite en 1997, il lui faut un marqueur fort; pour le moment, il n'en a pas.

On peut en dire autant d'Alain Juppé dont les positions contre la révision du mariage homosexuel est dans la ligne centre gauche qui a toujours été la sienne.

Jacques Chirac engendra Juppé et Villepin ; Villepin engendra Le Maire. Leurs positions se situent clairement dans la ligne "social-démocrate" de Chirac.

On n'en sera pas étonné. Dans un milieu médiatique largement monolithique, son acceptation de la loi Taubira vaut déjà à Bruno Le Maire beaucoup plus d'invitations qu'à Hervé Mariton.

Juppé et Le Maire peuvent être confortés dans leur position par des sondages nationaux qui leur sont très favorables et qui les placent même tous deux avant Nicolas Sarkozy. Phénomène classique propre aux candidats d'un camp qui , par leur modération ou certaines positions décalées, reçoivent de nombreux suffrages dans le camp d'en face. Ils battent alors les records de popularité : ce fut le cas de Simone Veil, de Bernard Kouchner, de Jacques Delors : il n'est pas sûr que le destin de ces derniers soit vraiment l'ambition des deux précités.

L'un et autre risquent de s'ajouter à la longue liste des victimes politiques de la loi Taubira :Nathalie Kosciuszko -Morizet a sans doute perdu une part de sa légitimité à droite en s'abstenant sur ce vote ; la droite parisienne a certes voté pour lui mais sans enthousiasme et sans véritable mobilisation. Meme chose pour la sénatrice Fabienne Keller qui a perdu Strasbourg pour avoir voté pour la loi. Les deux grandes capitales internationales de France échappant à l'UMP à cause des ambiguïtés de ses candidats, ce n'est tps rien ! Une seule grande ville a été gagnée par le droite : Toulouse, où Jean-Luc Moudenc avait joué le jeu normal de la droite en participant à toute les manifestions et en votant contre la loi Taubira.

Jean-Pierre Michel, le sénateur socialiste ardent propagateur des droits des homosexuels et fondateur du Syndicat de la magistrature a été battu à plate couture dans le Haute-Saône.

Roger Karoutchi qui s'était , dit-on, entremis pour que la droite laisse passer la loi Taubira au Sénat a été battu à la présidence du groupe UMP par Bruno Retaillau , issu du villiérisme.

Il est temps que la drotite française reconnaisse le changement de paradigme de la politique occidentale. Dans un système bipartisan, on n'est pas élu à la limite des deux camps , pas non plus aux extrêmes, mais dans son camp. C'est ce dont avaient joué aux Etats-Unis Karl Rove auprès de Bush, et en France Patrick Buisson, son émule auprès de Sarkozy,

L'autre version de ce paradigme: il n'y a plus de sens de l'histoire. le temps où la droite venant au pouvoir ne pouvait qu'avaliser les réformes de la gauche , surtout d'il s'agissait de réformes sociales parfaitement utiles, est terminé. Une gauche idéologique de plus en plus délirante a beau se prévaloir du sens histoire , le peuple l'admet de plus en plus difficilement et ne prendra pas au sérieux un candidat de droite qui se proposerait de consolider ses acquis.

Roland HUREAUX

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23 mai 2015 6 23 /05 /mai /2015 22:52

EN UKRAINE, L'UNION EUROPEENNE APPLIQUE DES PRINCIPES OPPOSES A CEUX QU'ELLE PROMEUT D'HABITUDE

Publié par Marianne.com

Si l'on examine les motifs du contentieux entre l'Union européenne et la Russie au sujet de l'Ukraine, on voit que sur la plupart des points la position de l'Union est en contradiction avec les principes qu'elle promeut d'habitude.

C'est à l'évidence le cas de la révolution dite de la place Maidan qui a renversé le 22 février dernier le président Viktor Ianoukovitch et permis l'élection le 25 mai (avec tout de même 60 % d'abstentions) de son successeur Petro Porochenko. Pour impopulaire qu'il ait été , le renversement par la rue d'un président régulièrement élu comme Ianoukovitch est totalement contraire aux valeurs que l'Union européenne prétend défendre. Que dirait-on à Bruxelles si le président Hollande, très impopulaire aussi, devait se retirer de la même manière ? Ajoutons que le mouvement de Maidan avait une composante néo-nazie qui n'est pas précisément sympathique.

De même, le respect des minorités linguistiques est inscrit dans différents documents publics de l'Union européenne, notamment la Charte des langues régionales . Quand le Parlement ukrainien retire tout statut officiel à la langue russe en Ukraine, au bénéfice de l'ukrainien qui en est très proche mais qui demeure une autre langue, et cela alors même que le russe est parlé par presque toute la population et qu'il est la langue unique du tiers oriental du pays, comment ne pas y voir une provocation ? Mais elle ne gêne nullement l'Union européenne dès lors que la victime est la minorité russophone de l'Ukraine.

Le fédéralisme et la décentralisation sont au cœur de la doctrine européenne, non seulement s'agissant d'elle-même, mais aussi au sein des Etats membres, sur le modèle allemand, dit-on. Le Comité des régions d'Europe a un statut officiel . Le projet français de "grandes régions", susceptibles de recevoir le maximum des attributions de l'Etat central est issu, en partie, des courants de pensée dominants à Bruxelles. Les bons élève de l'Europe , comme l'Espagne ont poussé à fond la logique de la décentralisation. Rien ne laisse supposer à ce jour, que la Russie veuille annexer l'Ukraine. Aussi un grand pas en avant serait-il fait dans la solution du conflit, si Kiev acceptait un statut fédéral pour ses provinces russophones, laissant au russe le statut de langue officielle. Bien que cette revendication aille pleinement dans le sens des idées de l'Union européenne, Bruxelles, à l'évidence, ne pousse nullement son partenaire ukrainien dans ce sens.

On peut certes considérer l'annexion de la Crimée par la Russie comme une violation du droit international. Dommage que l'Union européenne ait montré l'exemple en ratifiant l'indépendance du Kosovo, décidée par les Etats-Unis en 2009, violation tout aussi flagrante de ce même droit et d'autant plus grave quelle créait, elle , un précédent.

D'une façon plus générale, le morcellement étatique ne semble pas gêner les instances bruxelloises qui savent bien que plus les Etats membres seront nombreux et faibles , plus elle a des chances de régner. Elle a joué le rôle que l'on sait, à l'instigation de l'Allemagne, dans l'éclatement sanglant de la Yougoslavie, elle n'a pas objecté à celui de l'Ukraine. Elle ne fait pas obstacle non plus à l'aspiration de l'Ecosse à indépendance.

Même si on peut contester sa valeur juridique, personne ne doute que le résultat référendum par lequel la Crimée a demandé son rattachement à la Russie ait reflété la volonté de l'immense majorité des habitants de la péninsule. Pourquoi dès lors refuser à la Crimée ce qu'on a accordé à la Slovaquie et au Monténégro et que l'on est prêt à accorder à l'Ecosse ? Certes, dans le cas de la Crimée l'aboutissement est le rattachement à la Russie, pas l'indépendance . Mais au regard du principe fondamental d'autodétermination de peuples, l'effet est le même. Quant au sort des minorités, gageons qu'il vaut mieux être Tatar en Crimée que Serbe au Kosovo !

On pourrait élargir le sujet et dire que tant dans le cas du Kosovo que de l'Ukraine, Bruxelles semble avoir une forte complaisance pour les Etats ouvertement mafieux! Ou encore évoquer le rôle des néo-nazis dans le gouvernement de Kiev. Mais c'est une autre histoire.

En tous les cas, il est clair que pour l'Union européenne, l'Etat unitaire et l' intégrité territoriales ne sont sacrés nulle part, sauf en Ukraine.

Roland HUREAUX

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