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Roland HUREAUX

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:25

Rarement notre pays a connu une échéance électorale aussi décisive que celle du  6 mai prochain.

Décisive par l’ampleur de la crise qui frappe la France, par l’étendue des sujets de mécontentement, par la gravité du fossé qui sépare les groupes sociaux et  les tenants des différentes  idéologies, principalement   ceux pour qui la France a encore un sens et ceux qui  répondent par des anathèmes  haineux  à  toute  évocation de son  identité.

Les  socialistes promeuvent une  France promise au métissage culturel sur fond de repentance et de dénigrement du passé national. Ils nous promettent, contrairement aux illusions de certains,  un assujettissement aggravé à Bruxelles et à l’OTAN. 

Est-il nécessaire de rappeler que, pris  un a un, les sujets de mécontentement des Français sont ,pour la plupart,  la conséquence directe  de politiques dont  la gauche est à l’origine :  dégradation de l’éducation nationale,  chômage de masse et   régression du pouvoir d’achat , effet du franc fort , cher à Bérégovoy  et des 35 heures,  laxisme migratoire,  lourdeur des impôts,   désastreuse réforme de la politique agricole commune ( 1992),  assistanat désordonné, dégradation du service public  etc.   La faute de la droite est surtout de ne pas avoir su remettre en cause ces politiques, voire de les avoir , faute d’idées,  poursuivies : la loi Raffarin de décentralisation  poursuit la loi Defferre, la loi Marleix sur les collectivités locales prolonge la loi Joxe. Au point que la droite en porte aujourd’hui la responsabilité devant l’opinion. Ainsi le contrôle chiffré généralisé par laquelle Sarkozy s’est gravement aliéné les fonctionnaires est l’effet directe de la  loi du 1er août 2000 ( dite LOLF pour les initiés) votée sous Jospin.

Ceux qui pensent qu’ à cette France gravement menacée d’un délitement fatal, l’application du  programme de Hollande porterait  le coup de grâce  n’ont pas tort .   

Tout ce qui fait encore la force de notre pays : politique familiale, armée moderne, programme nucléaire civil, siège permanent au conseil de sécurité est remis en cause. Ce qui reste de nos repères fondamentaux est promis à l’arasement : le mariage (qui serait ouvert aux homosexuels), la mort (euthanasie), le bien et le mal (légalisation du cannabis) la citoyenneté (droit de vote aux étrangers), la constitution (perspective inquiétante d’une VIe République). L’Etat  républicain lui-même  est  voué  à la dilution dans une « Europe socialiste des régions ».

L’immigration et la pression fiscale qui pèse particulièrement sur les classes moyennes,   seraient aggravées.

Mais  il est  des secteurs de la droite qui ne redoutent pas cette perspective. La victoire de Hollande se traduirait, croient-ils, par une « recomposition ». L’échec prévisible des socialistes entraînerait une réaction de rejet qui favoriserait l’accession de Marine Le Pen au pouvoir dans cinq ans.  Et alors, sur les décombres,  tout pourrait être rebâti.

De telles espérances sont  très blâmables.

D’abord parce que les prévisions à cinq ans, en politique plus qu’ailleurs, sont hautement conjecturales. Ensuite parce qu’en bon français, cette perspective s’appelle la politique du pire.

Pour un   vrai patriote, la politique du pire est  inacceptable.

Elle serait une  grave faute  contre la France.  

Le point de rupture est atteint. Plus qu’en 1981,  plus qu’en 2007, l’avènement des socialistes, plus égarés  par l’idéologie, plus éloignés des vraies préoccupations du peuple que jamais,  représente une menace pour  la survie de la France  en tant que nation.

Face à cette menace et, quelles que soit les erreurs, bien réelles, de la droite, l’abstention n’est pas permise.

 Ceux dont le souci de la France a,  d’une manière ou d’une autre, inspiré le vote du premier tour, doivent faire tout ce qui est en  leur  pouvoir pour que   le  candidat du parti socialiste soit battu.  

 

Roland HUREAUX

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:17

A en croire beaucoup de commentateurs, le second tour de l’élection  présidentielle serait, au vu des résultats du premier,  déjà gagné  pour François Hollande .

Cela ne va pourtant pas de soi  et l’espoir qui semble persister  dans le camp du président sortant n’est peut-être pas  sans  fondement.

Paradoxe : une analyse serrée des chiffres montre que la droite est en léger progrès  : de   45,29  % en 2007 avec   Sarkozy, Le Pen (père)  Villiers et Nihous ( Chasse pêche) à  47,12 %  en 2012  avec  Sarkozy,   Le Pen (fille), Dupont-Aignan et même  Cheminade ( qui, comme Nihous  capte aussi  des voix de gauche) .

La gauche  est, il est vrai, elle aussi,  et  bien davantage  en progrès de 36, 44 %  à  43, 75 %.

La  montée de l’une et de l’autre  s’expliquent  entièrement par la baisse de François Bayrou qui chute de 18,57 %   à 9,13 %.  

La montée du Front national  de 10,44 % à 17,90  %  est apparue comme un des principaux traits de ce scrutin et, pour une part, pur un désaveu du président sortant.

Il faut en revanche relativiser   la montée de l ‘extrême gauche ( à laquelle, à tort ou à raison, on peut assimiler les Verts) : en 2007,  11,38 %  (Besancenot, Voynet, Buffet, Bové, Schivardi),  en 2012, 15,12 %  (Mélenchon, Joly, Putois, Arthaud). Ce vote est surtout plus concentré autour de Mélenchon. 

Compte tenu de ces données,  l’électorat, dans son ensemble,  s’est plutôt droitisé.

Les deux transferts majeurs, qui résument presque tout le scrutin,  sont  celui  de  l’UMP vers le Front national et celui du MODEM vers le PS.   Aucun de ces transferts  ne permet de préjuger du second tour. Le  premier s’explique  par la crise et  par  la déception causée par le président sortant à  ceux que   son  discours  musclé de  2007 avait séduits, le second   par la situation particulière de 2007 :    la faiblesse relative de la candidate Ségolène Royal, très atypique dans une gauche où les valeurs machistes n’avaient pas complétement disparu,  avait attiré vers Bayrou une partie du centre-gauche: avec Hollande,  candidat « normal »,  les électeurs socialistes sont revenus au bercail.  

Les électeurs de l’UMP qui ont voté pour le FN,   après avoir donné à Sarkozy l’avertissement qu’ils pensaient devoir lui donner, reviendront probablement, pour une bonne part,  à leur point de départ.   L’électorat que Bayrou a perdu, c’est son   électorat socialiste de 2007 ; il a  gardé en revanche l’électorat centriste traditionnel qui, dans sa grande majorité, penche à droite : s’il existait en 2007, et encore un peu en 2011  un vote  Bayrou  « bobo », au fond des provinces, tout le monde sait que les centristes sont des « culs-blancs »   et non pas des « culs-rouges ». Il est donc probable que les reports du FN et du MODEM vers Sarkozy seront meilleurs que ce qu’ils furent en 2007 .  Tout le monde admet que les reports de l’extrême gauche vers Hollande seront bons, mais  pas complets pour autant. 

En 2007, la participation au premier tour avait été de 83, 7 %. Elle n’a été que de 79,5  % en 2012. Il reste une marge de presque 4  % des électeurs  dont personne ne sait ce qu’elle fera . On peut  supposer cependant que la perspective d’un scrutin serré la mobilisera au maximum.

La superstition selon laquelle le  premier tour est déterminant, que Sarkozy et Hollande ont  volontairement entretenue pour susciter le vote utile, a ses limites : si elle  avait quelque fondement, Mitterrand aurait été élu en 1974 et Jospin en 1995 !

Personne  ne sait  ce que fera Bayrou ( qui aura du mal à garder son siège de député, sans l’appui de l’UMP) ; il est connu que,  dans les hautes sphères du Front national, spécialement parmi les experts recrutés récemment par Marine le Pen, certains rêvent d’une victoire de Hollande, qui serait suivie, pensent-ils,   d’un quinquennat catastrophique des socialistes  , à la grecque,  où , l’UMP s’effondrant, la FN serait la seule véritable alternative ,  le tout  débouchant sur sa   victoire en 1997. Ce scénario inquiétant n’est pas invraisemblable, mais, du point de vue de la droite, il revient à   la politique du pire. Il n’est pas certain que   ces spéculations d’intellectuels rencontrent un écho très large chez  l’électeur de base du Front.

Compte tenu de ces données, les chances des deux candidats au second tour nous semblent  plus proches que ce que l’on croit généralement.

Le scrutin sera, en tout état de cause, serré. Dans un tel cas de figure, c’est généralement le plus déterminé qui l’emporte.

Roland HUREAUX

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:15

Le  vote  maladroit de la loi du 23 janvier 2012 tendant à  pénaliser la négation du  génocide arménien (il faudrait dire chrétien, car un tiers des victimes furent des  chrétiens non arméniens !) a eu au moins le mérite de montrer que la Turquie n’était  toujours pas  européenne.

Pas seulement par la géographie.

Seuls les naïfs se sont étonnés que, dans cette affaire, elle ne réagisse pas comme un pays européen « normal » : par la reconnaissance de sa culpabilité, la repentance, même hypocrite,  la  mauvaise conscience, mais qu’elle multiplie au contraire des manifestations d’orgueil outragé,  des  condamnations sans réplique de la France et des autres pays d’Europe qui voudraient se mêler de son histoire. Ce n’est pas, selon ses gouvernants, la Turquie qui est coupable mais nous qui faisons preuve, en rappelant ce qui  s’est passé en 1915-1916,  d’islamophobie et de racisme !

Aussi décalées sont les expressions de cette colère : manifestations monstres  couvertes de nuées de drapeaux turcs rouges  à Paris et dans plusieurs grandes villes.  Qui imaginerait  une manifestation d’une telle ampleur  d’Anglais contre la France en France, de Français contre l’Allemagne en Allemagne etc. ? Entre Européens, cela ne se fait pas.

Mais ce ne sont pas les bonnes manières qui font l’Europe, c’est la culpabilité. Culpabilité allemande en raison des crimes nazis,  au départ,  bien légitime,  mais qui, au fil des ans,  est devenue une culpabilité de toute l’Europe pour sa participation ou à tout le moins  sa passivité devant la Shoah, voire pour une culture qui y aurait tout entière conduit.  N’est-il pas significatif que la première manifestation d’européanité, si l’on ose dire,  qu’on a réclamé des pays des Balkans pour leur ouvrir la porte de l’Union, c’est la livraison de leurs présumés génocidaires au Tribunal pénal international de La Haye. Ce faisant, c’est  tout le peuple en cause qui  se reconnait coupable.

Inutile de dire que hors d’Europe, une telle mauvaise conscience n’a pas cours : on n’a jamais vu la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Algérie, pour ne retenir que des pays où ont été commis d’immenses massacres, se repentir de quoi que ce soit. Même si, à l’occasion, ils s’en préoccupent, les Etats-Unis et le Brésil ne semblent pas obsédés par le traitement infligé aux Indiens. 

Beaucoup voudraient que la Russie de Poutine batte sa coulpe pour les crimes de Staline comme les Allemands le font  sur ceux de  Hitler ; c’est oublier que les   victimes les plus nombreuses de Hitler n’étaient  pas allemandes, alors que la plupart de celles de Staline étaient soviétiques. En tous les cas, les dirigeants actuels de la Russie n’entendent pas, eux non plus, faire repentance de  quoi que ce soit.

La Turquie n’aurait guère de raisons de se plaindre de l’esprit de repentance européen, au contraire, aussi longtemps qu’on ne veut pas le lui faire  partager. Désireuse d’expier un passé supposé d’intolérance et de racisme, l’Europe  a pris parti dans les Balkans  pour les musulmans, alliés des Turcs,  contre les chrétiens orthodoxes. Elle fait les yeux doux à la Turquie, forte de son dynamisme économique et  méprise  la Grèce, pourtant matrice de la civilisation occidentale.  La  mauvaise conscience conduit à choisir presque toujours le   différent contre le semblable : la Turquie en  profite  aujourd’hui  largement.

Non seulement la Turquie a un comportement qui l’apparente à l’ensemble des puissances  non-européennes, mais elle se trouve à un tournant de son histoire. Pesant de plus en plus sur le plan tant  démographique qu’économique, elle ambitionne de  prendre sa revanche sur son passé d’ « homme malade de l’Europe » comme on la qualifiait  au  XIXe siècle; elle aspire à recouvrer le double héritage dont elle se sent dépositaire : celui du Khalifat, soit le commandement de tous les Musulmans, celui de l’Empire romain dont la dernière capitale fut Constantinople, d’où dérive Istanbul.  La révolte contre le président Assad  devrait lui  permettre de prendre pied en Syrie et donc de se rapprocher les Lieux saints qu’elle a dû abandonner en 1918.  Et cela avec l’aide des   Occidentaux ! Qui lui parle de repentance ?

L’Europe a  des racines chrétiennes, dira-t-on, c’est pourquoi elle se repent.  Mais la repentance moderne n’a pas grand-chose à voir avec le repentir chrétien. Le repentir chrétien, analogue au repentir juif tel qu’il est évoqué par exemple dans le psaume 103 : «  Comme est loin l’Orient de  l’Occident, Dieu éloigne de nous nos péchés  »  ne s’exprime qu’une fois ; la faute avouée  est pardonnée et on n’en parle plus.  Là où le  repentir met fin à la culpabilité, la repentance consiste au contraire  à l’entretenir.

Elle est une partie du mal européen contemporain, comme la récession démographique,   l’atrophie progressive du sentiment  national  et religieux, la réduction a minima des dépenses militaires et  une  désindustrialisation plus ou moins voulue.

La Turquie, elle, n’est évidemment  pas une civilisation aussi avancée. Elle ne se repent de rien, elle n’est  pas  encore européenne.

 

Roland  HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

La décision  du  Conseil constitutionnel du  27 février 2012 a  annulé cette loi sur des considérations qui touchent toutes les lois mémorielles , sans  rapport direct avec la réaction turque.

Les estimations les plus courantes du nombre des victimes sont de 1 à 1,5 millions d’Arméniens, 0,5 million de Grecs pontiques (orthodoxes) et 0,5 million de chrétiens assyriens. Furent épargnés les habitants d’Istambul et de Smyrne où les exactions eussent été top voyantes, les catholiques et les protestants, peu nombreux et protégés de fait par la France et l’Allemagne.

Les Etats-Unis se préoccupent   en revanche de  la mémoire de l’esclavage noir.

Les fameux « bains turcs » ne sont que les thermes romains.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:15

Le plus extraordinaire dans le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance  dans l’Union économique et monétaire » préparé par ce que les Allemands appellent la « Merkozie »,  ce n’est pas d’abord qu’on ne le trouve qu’en version anglaise.

Le plus extraordinaire n’est pas non plus qu’après sa ratification, les Etats d’Europe auront moins de marge de manœuvre que les Etats fédérés des Etats-Unis d’Amérique pour établir  leur budget, ou qu’ils pourront être mis à l’amende  en cas d’infraction comme jamais l’Etat français dit jacobin n’osa  mettre à l’amende ses collectivités locales. Excessivement lourdes, ces amendes ressembleront,  en bien pire,  aux agios que les des banquiers imposent  aux entreprises ou aux particuliers déjà en difficulté, comme pour les enfoncer davantage. Qui peut croire que ce dispositif  marchera jamais ?

Non, le plus extraordinaire dans ce nouveau traité, que le MES (mécanisme européen de solidarité, déjà voté par le Parlement français) vient compléter,  est qu’il ne sert à rien. Il ne  sert à rien en tous les cas par rapport à la finalité que les politiques et les médias lui assignent :   sauver  l’euro.

D’abord parce que les problèmes de la zone euro sont immédiats et qu’ils se posent en premier lieu à des pays en déséquilibre budgétaire grave comme la Grèce et le  Portugal : la perspective que ces pays retrouvent  l’équilibre dans deux ou  trois ans, au demeurant douteuse,   ne saurait constituer une solution.

Ensuite parce que ce traité ne règle nullement la question centrale de la plupart des pays de la zone euro : la perte de compétitivité due à une hausse des prix intérieurs sur dix ans supérieure à celle de l’Allemagne. Elle entraîne, pour les pays où la hausse des prix a été la plus forte, un déficit de la balance de paiements  qui ne cesse de  s’aggraver.

Rétablir l’équilibre budgétaire,  à supposer qu’on y arrive,   ne résoudrait  donc nullement  pour eux  la question de la compétitivité  ; il faudrait pour cela opérer une gigantesque déflation , diminuer brutalement et concomitamment  non seulement les dépenses publiques et les salaires,  mais aussi  les  prix, une opération qui n’a jamais marché comme l’a montré la France des années trente.

Avec ou sans déflation, des économies budgétaires féroces plongent les pays les plus touchés dans une spirale récessive  sans issue : baisse des dépenses publiques, basse de la demande intérieure baisse de la production intérieure (déjà affaiblie par la perte de compétitivité),  baisse des rentrées fiscales, nouveau déséquilibre etc. Une spirale qui pourrait être demain celle de toute l’Europe.

Que le  nouveau traité   ne règle nullement le problème de l’euro comme on le laisse accroire, les principaux responsables européens le savent sans doute. A quel jeu jouent-ils donc ? A cela plusieurs réponses possibles dont aucune  ne se suffit.

 

A quoi jouent les dirigeants européens ?

 

La première est idéologique : les classes dirigeantes des pays de la zone euro ont, depuis vingt ans engagé toute leur crédibilité dans la réussite de  la monnaie unique. Reconnaître l’échec de celle-ci la ruinerait. Il leur faut donc  gagner du temps et, pour cela, avoir l’air  d’agir   pour  la prolonger, y compris en prenant des mesures  inopérantes. Ajoutons que , intellectuellement, ils se sont si  longtemps habitués à penser dans l’horizon de l’euro que toute autre perspective les trouverait largement désorientés, un peu comme les apparatchiks communistes à la fin de l’ère soviétique, habitués à ne penser qu’à l’intérieur de la dialectique marxiste et qui, jusqu’à la chute finale,  ne pouvaient que colmater les brèches.

Mais les plus enragés de ces idéologues vont plus loin. Ils se fondent sur   la théorie du rebond : l’intégration européenne, disent-ils,  a toujours progressé en rebondissant sur les difficultés, en   transformant les obstacles en leviers. De manière cynique, l’oligarchie européenne profite donc de la crise de l’euro  pour centraliser encore plus l’édifice, dépouiller un peu plus les souverainetés nationales. Il est pourtant   clair que, dès lors  que le problème de l’euro ne  sera pas résolu par le nouveau traité, cet édifice renforcé sera encore plus  en porte à faux.  Si la fuite en avant consiste à élever encore le château de cartes, on devine la fin de l’histoire.

Mais on peut aussi bien se contenter de faire de cette fuite en avant un analyse politique : ce plan de rigueur général n’est qu’un signal de plus que Mme Merkel est obligée d’envoyer  à l’opinion allemande pour obtenir son consentement au sauvetage de l’euro. L’Allemagne veut qu’on  saigne un peu plus les cochons ( PIIGS) !   En échange de quoi ? D’un  transfert budgétaire,  comme le voudrait la théorie fédérale   selon laquelle il n’est pas de communauté politique sans solidarité interrégionale ?  Il n’en est nullement question.  En échange d’un   étalement de la dette grecque et surtout d’un consentement à ce que  la BCE ait  recours, au rebours  de l’orthodoxie financière si prisée outre-Rhin,  à la planche à billets ?  C’est ce que la BCE vient de faire  en débloquant 500 milliards d’euros. Mais au bénéfice de qui ?  Des Etats en    difficulté ?  Non, au bénéfice des banques, lesquelles  prêtent aux Etats, entre 3 % et 25 %,  des fonds que la BCE leur avance à 1 % !   

 

A qui profite le statu quo ?

 

C’est pourquoi, il ne faut pas négliger un troisième ordre de raisons. A qui le « crime »  profite ? Même si certaines  banques privées ont dû abandonner la moitié de leurs créances vis-à-vis de l’Etat grec, la situation actuelle profite globalement au système bancaire. La fin de l’euro pourrait en même temps  sonner le glas d’un système où  les banques empruntent à 1 % à la banque centrale et reprêtent à des taux sensiblement   plus élevés aux Etats, profitant au passage d’une rente qui s’apparente à un enrichissement sans cause.  Pour pouvoir exiger  d’eux des intérêts élevés, il ne suffit pas  que ces Etats  soient  en difficulté, il faut aussi qu’ils ne meurent pas  et entretiennent l’illusion  qu’ils rétabliront leurs comptes.  La monétisation directe des dettes publiques qui suivrait l’éclatement de l’euro  tuerait sans doute la poule aux œufs d’or.

D’autres grands intérêts sont en jeu : ainsi celui des multinationales qui achètent à moindre prix  des actifs dans des pays tiers en s’appuyant sur un euro fort , quitte à laisser se dégrader jour après jour le tissu industriel du continent.

Le traité de stabilité ne résout  pas, quant au fond,  le problème de l’euro mais il permet de   prolonger l’illusion. Une illusion qui rapporte beaucoup à certains.

 

Roland HUREAUX*

 

Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes,

Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

Et d’ailleurs des traités européens

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:13

Rien n’illustre mieux les impasses de la réforme de l’Etat telle  qu’elle est conduite en France depuis une quinzaine d’années  (disons depuis le rapport Picq) que les mésaventures du Pôle emploi, issu de la fusion  de  l’ANPE et des ASSEDIC. Additionnés, ces deux services comprenaient  39 000 emplois ; fusionnés dans le Pôle emploi, ils en comptent 10 000  de plus. Le  personnel bénéficie à la fois de la stabilité de celui de l’ANPE et des meilleures rémunérations de celui des ASSEDIC qui avait un statut privé.  Pour une  efficacité accrue ? Que non. La plus grande confusion  y  règne .

La fusion de directions ou d’organismes aux missions apparemment voisines (mais en réalité très différentes) est une des lignes directrices majeures de la réforme de l’Etat.  Sans le dire, elle  s’inspire du secteur privé : on fait des « fusions-acquisitions » avec l’arrière-pensée qu’on fera des  économies d’échelle. 

Or il est une grande loi, trop souvent méconnue,  de l’économie publique : la dimension n’y entraîne pas   des gains de productivité, au contraire.

Augmentation du coût global, désordre et souvent démotivation des agents : tel est, la plupart du temps, le résultat de la politique de fusion

Ainsi la fusion des  services des impôts et ceux du trésor : déjà très favorisés par rapport aux autres fonctionnaires, leurs agents le seront encore davantage. La vérité est que, ne voulant pas se déjuger face aux résistances, l’Etat a « acheté » le consentement des services en les arrosant de primes. La Cour des comptes a relevé que ces augmentations  dépassaient les économies escomptées de l’opération.

Police et gendarmerie, si elles n’ont pas  encore fusionné, ont été  rapprochées. Il faut s’attendre à ce que leurs avantages, qui sont différents d’un corps à l’autre, soient alignés sur le « mieux-disant ». C’est déjà commencé avec la multiplication des emplois supérieurs dans la police en tenue et la réduction des horaires dans la gendarmerie.  

A plus petite échelle, au 1er janvier 2010, la Cité des Sciences et le Palais de la découverte, qui ont des missions analogues,  ont fusionné. Les avantages du personnel de la Cité    étant sensiblement supérieurs à celui du Palais, le statut du personnel du second a été aligné sur celui  de la première : le coût de cet alignement dépasse très largement celui  des deux ou trois emplois de direction qu’on aura ainsi  économisés.

Non seulement ces fusions coûtent cher mais elles démobilisent les personnels.  Voyant leur spécificité et leur culture propre déniées, ils perdent en motivation, d’autant que, la logique de l’opération conduit à substituer  à la fierté  de corps, jugée à tort archaïque, selon la méthode anglo-saxonne, l’attrait de la prime, à partir de résultats chiffrés aussi manipulables que  fallacieux.

Dans certains cas on ajoute un échelon fédératif coûteux aux administrations existantes : ainsi les agences régionales de santé.

Et ne parlons pas de la volonté sournoise de fusionner nos 36 671   communes qui anime la plupart des lois votées depuis vingt ans  et qui est supposée, dans son principe, faire des économies: elle a abouti, tout au contraire, au   recrutement de plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires supplémentaires !

Il  se peut que les dégâts les plus importants aient été commis  dans les préfectures et autres services locaux de l’Etat.   Au nom de l’idée fausse qu’un  préfet devait, comme un chef d’entreprise , se reposer sur une équipe de 5 ou 6 grands directeurs (au lieu de la vingtaine existant jusque-là) , les services les plus hétérogènes ont été amalgamés pour le meilleur et la plupart du temps pour le pire : ainsi   un inspecteur de la  jeunesse et des sports se trouve sous  les ordres  d’un directeur des affaires sanitaires et sociales ( pôle social), un inspecteur du travail sous ceux  d’un conseiller du commerce extérieur (pole économie) etc. Le découragement devant ces réformes, généralement  confiées à de jeunes consultants sans expérience,  est profond.

Chacun de ces services a une réglementation très spécifique à  appliquer  et il n’a pas à recevoir des ordres du préfet tous les matins pour le faire.  Le rôle du préfet n’a rien à voir avec celui d’un chef d’entreprise.

Réglementation : voilà le maître mot.  Une réforme intelligente ne saurait être que patiente et analytique. Ce jeu  sur les organigrammes est  superficiel et  presque toujours contre-productif.  Regarder une à une les réglementations et les procédures que les fonctionnaires appliquent pour savoir qui fait quoi et essayer de les simplifier pour permettre ultérieurement une réduction des effectifs : voilà ce qu’il fallait faire. Si, au terme de cet examen, un service se trouve vidé de contenu : c’est alors qu’on  le supprime, pas avant.

En singeant les méthodes du secteur privé,  la réforme de l’Etat a abouti presque toujours à l’effet inverse de celui qui était recherché. Non point des économies mais des coûts supplémentaires. Il se peut qu’elle ait été,  paradoxalement, un des principaux facteurs de l’augmentation des charges publiques au cours des dernières années.    

 

Roland HUREAUX *

 

Auteur de La grande démolition, La France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012, 355 pages, 21 €.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:12

François Bayrou comptait sur  la grande réunion électorale qu’il a tenue à Toulouse le 10 mars pour lancer sa campagne, avec l’espoir de figurer au second tour de la présidentielle.

A-t-il réussi ? Il est  encore difficile de le dire.

A la Halle aux Grains,  2500 participants enthousiastes,  venus de tout le Midi. Un discours plein de tonus, déjà rodé car il ne diffère guère de celui de la veille sur France 2.  Très bon sur l’éducation nationale et la laïcité (avec une référence attendue à Henri IV),   sur la politique industrielle, la moralisation de la vie politique (même si personne ne croit qu’il suffira de rétablir  la proportionnelle et   de supprimer le cumul des mandats  pour l’opérer !).

 

Qui convaincre ?

  

Un premier motif de perplexité cependant: qui Bayrou veut-il convaincre,  et avec quels arguments ? A ce qu’il semble : les électeurs de droite avec des arguments de gauche et les électeurs  de gauche avec des arguments de droite !  

Du côté de la gauche, il oppose la rigueur gestionnaire et le réalisme de ses chiffres aux propos aventurés (mesuré dès  qu’il s’agit de critiquer Hollande, il ne dit pas démagogique) du candidat socialiste – les 60 000 postes d’enseignants, par exemple. Mais y aurait-il jamais eu une  gauche si la politique ne devait pas aussi faire  rêver  (et d’ailleurs Hollande le fait si peu !). 

Du côté de  la droite, il oppose sa  volonté de rassemblement  au propos agressifs et  clivants de Sarkozy. Mais est-ce en reprochant à ce dernier d’être à droite qu’il  lui enlèvera ses électeurs de droite ?

Il est beaucoup plus convaincant quand il lui reproche  de ne pas l’être, en tous les cas quand il dénonce les promesses non tenues et le  manque de crédibilité du président sortant. L’incompétence et la jactance.   C’est là ce qu’il devrait marteler. En prenant au sérieux  ce que dit Sarkozy  - surtout pour s’en indigner-,   ses adversaires  le crédibilisent : ce  fut la grande erreur de Ségolène Royal.

Cet angle d’attaque est d’autant plus important que le bloc que Bayrou doit entamer  n’est pas symétrique. C’est d’abord l’électorat UMP qui est sa cible ;   c’est de passer devant  Sarkozy et non  Hollande qu’il s’agit pour lui, d’autant que     le président sortant est   le plus vulnérable.

Dénoncer « la division et l’illusion »  est une  bonne formule. Mais   la posture  morale, budgétaire  ou  politique, dans une campagne déjà assez terne, ne suffit pas.  D’autant  qu’on  sait déjà  que  Bayrou est un honnête homme !  

 

Entre Peyrelevade et  Lassalle

 

Deuxième motif de perplexité : l’emprise technocratique sur le  candidat centriste.

Outre de venir, comme lui, des Pyrénées-Atlantiques,  Michel Camdessus et Jean Lassalle ont en commun de  soutenir  François  Bayrou.

Et en dehors de cela ?  A peu près rien. Et même,  ils  se situent, autant qu’on peut, aux antipodes de la société française.  Camdessus, tout    comme Peyrelevade,  experts ( ou du  moins réputés tels) de Bayrou, sont  des technocrates pétris de sérieux ,  uniquement soucieux  d’orthodoxie budgétaire, la même que le FMI , sous l’égide  du premier,  tenta d’imposer en son temps , pour son malheur,  à l’Argentine. Pour  ces gens- là,  déficit, dette, protectionnisme sont des gros mots.

Jean Lassalle est le député qui se signala en faisant une grève de la faim contre le déménagement d’une  usine  hors  de sa circonscription pyrénéenne. Agriculteur, profondément attaché à son terroir natal, il défend le monde rural menacé par le mondialisme  et par    les inventions technocratiques de ces dernières années, telles la fusion  des communes ou le retrait des services publics. A la différence des premiers, Lassalle, même s’il ne le dit pas trop, est,  comme l’immense majorité de ses électeurs,   discrètement eurocritique. Aux côtés de Lassalle, Philippe Folliot, député de la montagne tarnaise,    autre populiste rural  (ce qui pour nous n’a rien de péjoratif) : jeune député, dans  sa   première intervention à l’Assemblée nationale, il demanda  le rétablissement  du privilège  des bouilleurs de cru.

Un candidat aux appuis aussi contrastés dispose  de singuliers atouts à condition d’en faire la synthèse. Sarkozy, comme Hollande cherchent désespérément une vraie caution populaire.  Mais  tenir ensemble Peyrelevade  et Lassalle, est bien  difficile,  car c’est entre eux que se situe le vrai clivage de la société française.  Beaucoup plus qu’entre la droite et la gauche,  dont Bayrou se targue tant de dépasser l’opposition  et que, de fait, si peu sépare. Si cette campagne ennuie tellement les Français, c’est qu’ils l’ont compris.

 Mais la synthèse entre le pole technocratique et le pole populaire, pour le moment, on la cherche : l’influence prédominante, c’est   Peyrelevade   et Camdessus : la priorité à l’équilibre budgétaire  et au remboursement de la dette (avec au passage la promesse peu engageante  d’un alourdissement de la fiscalité), la sagesse gestionnaire de M. Prudhomme.  Il ne suffit pas de prononcer quelques phrases en gascon  pour faire droit  à la composante authentiquement populaire de son camp.  En rester là  serait, comme disait Vincent de Paul,   n’être  du peuple « qu’en peinture ». Le peuple,  que représentent Lassalle et Folliot,  mérite  bien  davantage.

On ne demandera certes pas à Bayrou de remettre en cause l’euro ou les abus  du système bancaire. Mais qu’attend-t-il pour bousculer tant de logiques réformatrices absurdes, qui depuis plus ou moins longtemps provoquent  l’exaspération des Français ;  politique agricole conduisant à la désertification,  réforme de l’Etat mal menée,  évaluation généralisée ( qui est en fait le mensonge généralisé, démotivant pour les fonctionnaires ! ), démantèlement  des  services publics, escalade normative folle,  fusions à tout va, y compris des communes , destruction des corps qui faisaient la force de l’Etat ( gendarmerie par exemple), déstabilisation systématique des repères de la société française.

Si Bayrou ne remet pas en cause  ces  logiques réformatrices  folles, il a peut-être ses raisons.  Leur exécuteur  le plus diligent en fut certes Nicolas Sarkozy, mais leur  origine  intellectuelle se trouve dans cette technocratie de  gauche supposée raisonnable à laquelle, vieille chanson centriste, il fait des appels du pied :     Rocard, Delors ou leurs disciples.     

Or, disons-le,  quoi qu’on en pense quai de Bercy ou rue de la Loi, sur  la plupart des  sujets que nous venons d’évoquer, c’est le peuple qui a raison et la technocratie qui a tort. Le peuple de France, le vrai,  attend qu’on le lui dise.

Trouver l’étincelle est pour François Bayrou  une nécessité, c’est même un devoir vis-à-vis  des  millions de Français qui ne veulent ni de  Sarkozy, ni de Hollande. 

Roland HUREAUX *

 

 

  * Auteur de La grande démolition  La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel – janvier 2012

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 08:08


Il est étonnant que, après l’âpre débat suscité par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 et les difficultés d’application qui en avaient résulté, la question du devenir de la commune, comme d’ailleurs beaucoup d’autres questions essentielles, se trouve absente de la campagne présidentielle.

Des trois candidats tenus aujourd’hui pour gagnants possibles, l’un, le candidat socialiste ne remet en cause que le volet région-département de la loi, le seul qui intéresse les grands élus, mais non le volet communal, l’autre, au centre, annonce sans autre précision une remise à plat de la décentralisation, et on ne saurait évidemment attendre du président sortant qu’il se déjuge au point de promettre d’abroger la loi qu’il a fait lui-même voter.

Il est vrai que le gouvernement a demandé, à l’approche de l’élection présidentielle, de relâcher la pression en vue du regroupement des communautés de communes sur lequel certains préfets avaient fait du zèle. Il est vrai aussi que le président de l’Assemblée des maires de France a fait in extrémis une proposition de loi destinée à atténuer à la marge certains effets de la loi.

Mais personne ne remet en cause dans ses fondements la mécanique implacable qui vise, de loi en loi, que le gouvernement soit de gauche ou de droite, la réduction progressive de l’autonomie et de la légitimité de l’échelon communal, avec, en perspective sa disparition pure et simple.

Le prix à payer, c’est l’affaiblissement progressif de la démocratie locale, la bureaucratisation croissante et l’éloignement du citoyen.

Personne ne parle non plus de remettre en cause la complication croissante des règles d’urbanisme et les obstacles croissants sur le doit à construire.

Rien de tout cela n’est pourtant une fatalité : en Allemagne, en Suisse, le vent de la résistance à l’intercommunalité contrainte se lève. La commune survivra car elle demeure une structure profondément enracinée. Mais au prix de quelles péripéties ?

Il est  urgent  de placer le devenir de la commune au cœur de la campagne présidentielle. Les maires qui disposent ( pour combien de temps encore ? ) du droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle, devront d’en souvenir.


Roland HUREAUX

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:13

 

Il n’était pas surprenant que le débat présidentiel ait porté sur la difficulté de se loger à Paris et dans les grandes métropoles pour les revenus modestes et même moyens.

La  mondialisation entraîne partout une stagnation  des revenus ordinaires, mais aussi des prix des produits de large consommation, largement  importés des pays émergents, l’un compensant en partie l’autre.  Au contraire se trouvent en hausse les très hauts revenus et toutes les valeurs d’actifs : actions (avec des fluctuations, bien sûr) ,   or,  mais aussi immobilier. Spécialement  l’immobilier des quartiers les plus recherchés des métropoles  internationales comme Paris. Dans une économie de plus en plus coupée en deux, entre une économie des riches où prix et revenus se sont envolés et une économie des pauvres où ils stagnent, l’immobilier constitue la zone d’interférence : bien de placement  pour les plus aisés mais aussi nécessité pour tous. C’est pourquoi la hausse de l’immobilier est si vivement ressentie par les classes populaires et même les classes moyennes des grandes agglomérations.

Cette difficulté à se loger entraîne une demande croissante de logements du secteur protégé, principalement HLM. Demande accrue par plusieurs facteurs :  la fragilité des couples qui fait que bien souvent, au lieu d’un logement, il en faut deux,  une immigration pas vraiment contrôlée depuis le traité d’Amsterdam (1997) et qui touche d’abord les grande villes ; cette demande se conjugue avec une offre insuffisante , du fait des restrictions de certaines municipalités conservatrices mais aussi de l’absence d’un volontarisme suffisant de la part des gouvernements qui se sont succédés (et que les candidats se proposent tous de rattraper !).

Mais la question ne se serait pas posée avec autant d’acuité si elle n’avait été compliquée par l’abandon de la politique d’aménagement du territoire au cours des dernières décennies . Quand exactement ? Il est  difficile de le  dire avec précision.

A la fin des années quatre-vingt-dix, nous dispositions d’un politique équilibrée. Le livre de Jean-François Gravier,  Paris et le désert français  (1947) faisait encore autorité  et la nécessité de desserrer la métropole parisienne au bénéfice de la province n’était pas discutée.  Elle avait favorisée l’ essor de plusieurs grandes villes de province.  A cela s’était ajoutée une politique des villes moyennes, des petites villes et aussi du monde rural destinées à étaler la population sur tout le territoire. A partir de la venue de  la gauche au pouvoir, la plupart de ces dispositifs, décentralisation oblige, ont été transférés aux régions qui ont eu,  chacune, des politiques différentes. Etroitement surveillée par Bruxelles,  au motif d’assurer la libre concurrence, l’action des régions  ne l’était guère par l’Etat central.

Mais à partir de 1990, la mode est  revenue aux grandes métropoles. Défendre le monde rural ou  les petites villes est devenu ringard, passéiste, voire, aux yeux de certains idéologues de gauche « pétainiste » ( on ne s’en était pas avisé entre 1945 et 1990 !). Il a été convenu, gauche et droite confondues que l’aménagement du territoire de papa était dépassé, qu « ’à l’heure de l’Europe » et de la mondialisation, la  France devait jouer moderne et tout miser sur la promotion de quelques grandes métropoles,  à  commencer par la principale, la  parisienne.

La stratégie du Grand Paris, lancée par l’actuel président, s’inscrit dans la même perspective[1].

Qu’il faille distinguer entre le rayonnement qualitatif de  Paris , sans doute nécessaire,  et son poids démographique, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre, était une théorie trop subtile pour une haute administration habituée  à agir  à partir de schémas simples.

On ajoutera les vieux dogmes de l’urbanisme à la française : refus du mitage et souci d’économiser  les  terres agricoles (et donc restriction du périmètre d’urbanisation),  nécessité de rapprocher autant que possible les lieux d’habitation des lieux de travail (dogme que le RER et le TGV auraient pu relativiser)  et toutes les conditions d’une pénurie de logement avaient été accumulées au fil des ans.

Comme il est à peu près impossible de faire baisser le prix de l’ immobilier parisien – même s’il connaît aujourd’hui un palier,  et bien difficile d’augmenter   les revenus , la solution à ce problème passe provisoirement par un volontarisme accru en matière de logement social.

Mais la solution à long terme ne saurait être, outre un contrôle sérieux de l’immigration, qu’une reprise hardie de la politique d’aménagement du territoire , scandaleusement remisée aux oubliettes. Après l’avoir perdu de vue pendant vingt ans, il est temps que nos gouvernements s’avisent que la France ne se réduit pas à ses quatre ou cinq plus grandes villes.

 

Roland HUREAUX*

 

·        Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

 

 



[1] Mettre tous les moyens sur 7 campus d’excellence à l’exclusion des autres procède de la même logique « concentrationnaire ».

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:10

 

 

Un récent sondage[1] a montré que si votaient seuls  les fonctionnaires, tous corps confondus, civils et militaires, d’Etat, locaux et hospitaliers, le deuxième tour de la présidentielle se passerait entre Hollande et Le Pen.

C’est dire le degré de discrédit atteint par l’actuel  président au sein de la fonction publique.

Normal, diront les esprits paresseux: c’est un président libéral, hostile à l’Etat ; il a mené une politique libérale,  il en paye le prix.

Si encore les choses étaient aussi simples !  Si Sarkozy avait été un vrai libéral, nous aurions vu les dépenses publiques baisser, les effectifs publics se réduire,  la fiscalité s ’ alléger.

Mais il s’en faut de beaucoup. C’est sous son quinquennat que les dépenses publiques ont atteint leur maximum historique : 56 % en 2011 ; trente et un impôts nouveaux ont été créés, sans compter ceux que l’on a  alourdis, tel  l’impôt sur les plus-values. Le nombre de fonctionnaires d’Etat a un peu reculé, en fin de période,  par l’application de la règle déjà  ancienne de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ( la fameuse RGPP !) , mais surtout au détriment de l’armée, et sans qu’on empêche la fonction publique locale de croître parallèlement.

 

Le prix de l’incompétence

 

Bien que l’actuel président n’ait jamais aimé les fonctionnaires,  il aura  été celui qui a augmenté le plus les rémunérations des fonctionnaires d’autorité et de certains  corps  déjà bien rémunérés comme la police ou  les finances ; cela sous prétexte  d’encourager une productivité  bien difficile à mesurer.

Bien plus qu’une politique faussement libérale, Sarkozy a payé le prix de son incompétence. Il s’est trouvé propulsé à la tête de l’immense machine  étatique sans vraiment  la connaître, comme le capitaine d’un navire qui  ne serait jamais de sa vie descendu dans les soutes.

C’est ainsi que, dans son prurit de réforme, il  a donné un coup d’accélérateur à toute  une série de réformes qui se trouvaient, soit déjà votées et non appliquées, soit en gestation.

Parmi les lois déjà votées, la plus importante est  la loi du 1er août 2000, dite Loi organique des lois des finances (LOLF pour les initiés) approuvée à l’unanimité au temps de Jospin. Les enseignants, remplis de ressentiment  contre le président actuel, et qui manifestent avec raison contre l’évaluation systématique de leur travail,  savent-ils que cette évaluation n’est que l’application d’une loi votée du temps de la gauche ?  Elle ne devait s’appliquer qu’en 2005 et le  temps de rodage passé, elle n’a  fonctionné  à plein qu’à partir de 2007.

Cette loi repose sur des principes hautement contestables : les fonctionnaires  sont corporatistes,  ne travaillent pas ; il faut donc affaiblir  ou supprimer les corps ( agrégés,  gendarmerie, professeurs de médecine, DDE, DDA , corps des mines etc. ) et leur inculquer  la « culture du résultat », c’est-à-dire  le « pilotage » à  partir de statistiques d’ « efficience » toutes plus contestables les unes que les autres, toutes propices à la tricherie et  qui font ressembler  de plus en plus  l’administration française  à  l’économie soviétique.

Ces reformes par lesquelles on prétend  pompeusement  introduire  «  les   méthodes managériales  dans l’administration » reposent sur des principes faux. Le premier est  qu’une administration  se gère comme une entreprise ( Ludwig von Mises,  libéral de l’Ecole de vienne , a démontré le contraire ! ), le second  que les fonctionnaires ne travaillaient pas et qu’il fallait les « secouer » :  qui s’est jamais plaint du manque de zèle de l’administration fiscale ? Il y a, comme partout, 20 % de tire-au-flanc mais les fonctionnaires ne sont pas responsables des procédures compliquées et souvent  inutiles qu’on leur impose d’appliquer. Les corps ont été tenus pour archaïques :   on oubliait tout ce qu’ils  avaient   accompli  au cours  des cinquante dernières années : les instituteurs d’avant la « rénovation pédagogique »   pour  diffuser l’instruction dans le peuple,  les ponts et chaussées  pour équiper la France, le génie rural  pour moderniser l’agriculture, le corps des mines pour développer l’industrie .  L’honneur professionnel dont ils étaient  porteurs  était une motivation bien plus noble que le réflexe pavlovien de la  prime par lequel on voudrait le remplacer. L’honneur professionnel : un gros mot  dans le climat de « modernisation de l’Etat » !

Autre  présupposé faux : l’idée qu’ on accroît  l’efficacité en fusionnant les structures : communes,  police et gendarmerie, antennes locales de l’Etat, Impôts et Trésor, ANPE et ASSEDIC etc.  Non seulement ces fusions se sont  traduites parfois par une immense pagaille ( pôle Emploi),  mais les résistances légitimes n’ont été surmontées que par une large  distribution de primes qui a  annulé et au-delà les bénéfices attendus.

Que le gouvernement  ait tenté de réduire les effectifs de la fonction publique, passe encore , mais fallait–il , pour tout compliquer, que cette réduction , déjà difficile en elle-même   coïncidât avec le  double traumatisme d’une refonte générale des organigrammes et  de l’introduction du contrôle chiffré  systématique ? Pour couronner le tout,    les procédures ont continué à se compliquer comme jamais :   le Grenelle de l’environnement a produit     plus de 100 pages de textes  !

L’immense découragement qui règne de haut en  bas de la fonction publique et qui s’exprime dans beaucoup de départs  à la  retraite anticipés, est sans doute l’   héritage  le  plus désastreux du quinquennat.

Mais ne chargeons pas Sarkozy puis qu’il ne le mérite : la plupart du temps, il n’a fait que donner un coup d’accélérateur à des réformes qu’une certaine technocratie tenait  en réserve depuis de nombreuses années. C’est moins son activisme qui est en cause que sa passivité face à des logiques technocratiques absurdes que   de vrais politiques auraient dû  corriger.

Même s’ils n’en ont pas  tous conscience, ce  n’est pas  pour son libéralisme supposé que Sarkozy est  rejeté par une large majorité de  fonctionnaires, c’est pour son incompétence.

 

Roland HUREAUX*



[1] Sondage CEPIVOF rendu public le 31 janvier 2012

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 19:08

 

Le plus extraordinaire avec la Grèce est que  rien de ce qui lui arrive aujourd’hui ne  se   dit   mieux  qu’avec    des expressions  que son génie nous a léguées.

Il est clair que réussissant à faire voter par le Parlement grec un plan d’austérité  rigoureusement  inapplicable, le premier ministre Papadémos  -  et l’Europe avec lui -,  n’a remporté qu’une victoire à la Pyrrhus.

Le pauvre peuple grec se révolte à juste titre contre le supplice de Tantale qu’on  lui applique.  

Vouloir imposer des normes  budgétaires allemandes à ce peuple indocile, n’est-ce pas le placer  dans  un lit de Procuste ?

Les commissaires européens qui leur sont envoyés veulent lui infliger  un régime  draconien.

Il est vrai que l’acceptation du plan de   rigueur est la condition mise par Angela Merkel à l’octroi  de nouveaux prêts. Mais à quoi serviront ces  prêts ?  Le budget grec n’est-il pas  le tonneau de Danaïdes ?

Pourquoi donc un petit pays qui ne représente que 2 % de la population de l’Europe et 1 % de son PIB, suffit–il à mettre en péril tout l’édifice européen ?  La  Grèce est  le talon d’Achille de l’Europe !  

Car si la Grèce tombe, l’Italie chutera à son tour.   Comme me le dit un ami facétieux : la roche tarpéienne est près de l’Acropole.

La Grèce, l’Italie !

11-11-11  n’est pas le nouveau  chiffre de la Bête de l’Apocalypse qui demeure 666.  Mais le 11 novembre 2011 restera comme  une date clef dans l’histoire : la démocratie s’est éteinte en Europe là où elle était née. Ce jour-là,  deux chefs de gouvernement  émanant du suffrage universel,    Papandréou  et, quoi qu’on en pense,   Berlusconi,   ont été remplacés,  à la demande du G 7,  par deux  proches de Goldman Sachs.  La fin de la démocratie.   Où ?  Par une singulière ironie de l’histoire à Athènes et à Rome, les deux villes qui en furent, chacune à sa manière,  la matrice. 

Ces Grecs, aujourd’hui si vilipendés, ont pratiquement  tout  inventé : la philosophie, l’histoire, la tragédie, la comédie , le roman,  les mathématiques ,  la physique,  la théologie chrétienne,  la gnose, la politique et en particulier la démocratie,  peut-être la musique notée, qu’ils  ont apporté des perfectionnements décisifs à  la poésie épique,  l’architecture, la peinture, la sculpture, la stratégie.  Ils auraient même, si l’on en croit la légende de Crésus,  inventé…la monnaie.   

Mais venus de l’Olympe, les voilà précipités dans l ‘Hadès !  

 

Roland HUREAUX*

 

 

  * Auteur de La grande démolition –  La France cassée par les réformes – Buchet-Chastel – janvier 2012

·                                                                                                                                  

 

 

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