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Roland HUREAUX

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24 août 2008 7 24 /08 /août /2008 21:10

Et si le palmarès olympique n'était pas ce que l'on croit ? La Chine a certes remporté  un grand succès - autant par l'organisation impeccable que par les performances -   mais peut-être pas aussi éclatant qu'elle     l'epérait.

Au décompte total des médailles, elle est devancée par les Etats-Unis (100 contre 110) même si elle mène pour  les seules médailles d’or (51 contre 36).

Des médailles d’or  concentrées dans certaines disciplines  traditionnelles (tennis de table) ou dans les concours faisant appel à une  jeunesse très disciplinée (gymnastique, plongeon). Malgré ses espoirs et  ses efforts, la Chine n’a pu décrocher de médaille d’or en athlétisme, la discipline reine des jeux.

A-t-on  noté que si l’URSS existait encore, elle devancerait très largement le reste du monde par le nombre des médailles : 171, dont  43 d’or. C’est le résultat auquel on arrive en additionnant ceux de toutes les ex-républiques soviétiques, Russie en tête,  un calcul que, n’en doutons pas, on aura fait à Moscou.

Toujours en comptant l’ensemble des médailles et pas seulement les médailles d’or, la France arrive à une 7e place   très honorable. C’est mieux que dans bien des jeux du passé, notamment au cours du passage à vide des années soixante et soixante-dix ;  c’est à peu près le rang qu’elle occupe dans la plupart des classements, économiques, militaires etc. (à l’exception du stupide classement de Shanghai des  universités !).

La surprenante quatrième place de la Grande Bretagne (47 médailles dont 19 d’or) reflète moins le redressement  économique du pays qu’un habile investissement dans des disciplines, comme le cyclisme sur piste (8 médailles d’or !), où la mise en œuvre de puissants moyens techniques et financiers permet de se hisser assez facilement au premier rang. Ne doutons pas que dans ce pays réputé libéral, cela  ne soit  le résultat d’une volonté délibérée. Investir  très fort  certaines spécialités, c’est curieusement la même politique que la Chine ! 

La France reste faible en athlétisme : il n’y a là aucune fatalité.  Le désordre qui règne dans cette fédération  appelle des réformes en profondeur. Notre pays reste mieux  placé  au nombre total de médailles (7e) qu’à celui des médailles d’or (10e). Pourquoi ? L’incapacité des Français à donner le coup de rein final qui permet de l’emporter ? On en  doute. Les arbitrages ? Parfois. Le stress  entretenu par une  presse chauvine qui transforme aisément en des vedettes de premier rang des  athlètes seulement bons ? Ou  moins de tricheries, pharmacologiques notamment ? Peut-être.

Moins que le résultat d’une politique, le palmarès français semble  une collection  de réussites  - et donc de passions - individuelles, dans les grands classiques  (100 nage libre, hand-ball) mais plutôt dans certaines spécialités attendues (escrime) ou moins attendues (BMX, VTT ). Nous remontons en natation, nous maintenons dans les sports de combat, mais n’existons plus guère en  équitation.

Au total la France défend un peu mieux son rang que l’Allemagne -  dont la réunification,  et sans doute le vieillissement démographique, ont  dégonflé les palmarès aussi sûrement que les biceps artificiels des nageuses de la RDA. -, l’Italie, le Japon, le Canada (largement devancé par l’Australie) ou les pays scandinaves (aucune médaille d’or pour la Suède, nation sportive s’il en est).

Le Brésil, la Thaïlande, les pays d’Europe centrale et orientale et même l’Afrique noire prise dans son ensemble  tiennent leur rang. La Corée du Sud fait beaucoup mieux.

Derrière les grandes nations pluridisciplinaires, les résultats confirment des spécialités régionales  déjà connues : l’Afrique le l’Est pour les courses de fond, les Caraïbes (dont la surprenante Jamaïque)  pour le sprint.

Si le classement olympique  reflète grosso  modo  la place des différents pays dans le monde, certaines nations pourtant importantes demeurent étrangement absentes des podiums : l’Inde et le Pakistan,  le Vietnam, Israël et  la plupart des pays arabes.  A quand les Jeux Olympiques à Bombay ?

 

                                                                         Roland HUREAUX


 

 

 

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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 11:43

L’ imbroglio  franco-chinois relatif à la participation de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques résulte d’une accumulation invraisemblable de maladresses.  

La première   fut de laisser  présenter cette participation comme un enjeu politique majeur. Le président français boycotterait-il  ou non les Jeux Olympiques  se  demandait-on il y a un an, sans que personne en haut lieu n’ait la prudence  de désamorcer la question ?  Le terme de boycott avait jusque là une signification pour les athlètes, on ignorait qu’il en eut pour les invités. Mais si les seconds veulent voler la vedette aux premiers...

Quand les Jeux Olympiques eurent lieu à Rome en 1964, le général de Gaulle, chef de l’Etat ne s’y rendit pas sans que cela ait revêtu une quelconque  signification pour les relations franco-italiennes. Voilà ce qu’on aurait pu rappeler  alors, le  président se réservant de se déterminer au dernier moment « en fonction de son emploi du temps ».

Or on ne l’a pas dit : soit-dit en passant, ceux  qui tiennent les Jeux olympiques pour une manifestation purement sportive noteront  que la question de la participation des autorités politiques à la  cérémonie d’ouverture ne se pose jamais quand les jeux ont lieu dans Etat démocratique, à Atlanta ou à Sydney. Ce n’est que quand ils  ont lieu dans un Etat non-démocratique que la question se pose : cela seul suffit à faire la différence entre les pays d’accueil.

Pour durcir encore l’enjeu, il se trouve que la France préside l’Union européenne cette saison et qu’à travers elle, c’est l’attitude de l’Europe entière qui semble en cause, alors même que le  gouvernement français décidera seul de sa position. Cela non plus n’a jamais fait l’objet d’une mise au point.

A cette première erreur s’ajoute l’incroyable  réaction de soumission lorsque le gouvernement chinois a élevé  la voix contre les manifestations ayant accompagné en avril le parcours de la flamme olympique sur notre territoire. Là où il eut fallu rappeler sèchement que dans un pays comme la France, à la différence d’autres,  les manifestations de rue ne sont pas téléguidées par le gouvernement, on envoya au contraire une délégation de haut niveau , le président du Sénat et un ancien premier ministre, rien de moins, pour  « renouer le dialogue ». Tout cela avait, qu’on le veuille ou non,  l’air  d’une  repentance. Alors même que notre police avait fait plus que du zèle contre les manifestants,  laissant même agir sur notre territoire, au mépris de toutes les règles de souveraineté, un obscur service d’ordre chinois. 

Enfin comment ne pas trouver insupportables les avertissements arrogants de Pékin mettant en demeure le gouvernement français de ne pas accueillir le dalaï lama , alors que   ce dernier a déjà  été accueilli à Washington, à Londres,  à Berlin  suscitant certes chaque fois  l’ire prévisible de Pékin  mais sans qu’on  ait osé alors parler  sur ce ton à ces pays pourtant plus impliqués  que nous dans le commerce avec la Chine ? Bernard Kouchner heureusement l’a rappelé mais en ne recevant pas le dalaï lama  après l’ avoir envisagé, on donne encore une fois l’impression de s’incliner.

Le résultat est une impasse totale : si le président n’allait pas  à Pékin, il provoquait ,  compte tenu des  postures prises, un incident diplomatique sérieux lequel , en effet,  n’aurait pas manqué   d’avoir un impact lourd et peut-être durable sur les relations franco-chinoises.

Allant  néanmoins à Pékin malgré  l’aggravation prévisible de la situation au Tibet ,  il  donne   l’impression , comme n’a pas manqué de le souligner Daniel Cohn-Bendit,  de céder au diktat  des dirigeants chinois , ce dont il est douteux que dans ce monde où on ne respecte que les forts , ce pays lui en soit vraiment reconnaissant.

 

 

                                                              Roland HUREAUX

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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 09:52

 

 

 

 

 

 

Il est exagéré de dire que l’affaire de l’ « Arche de Zoé » remet en cause toute la politique d’ingérence humanitaire chère à Bernard Kouchner. Il s’est bien passé des choses horribles au Darfour, plus encore qu’en Côte d’Ivoire,  et envoyer un contingent militaire ne se situe pas sur le même registre  qu’adopter quelques enfants.

Cette affaire un peu lamentable illustre en revanche la dramatique confusion des valeurs dans laquelle baignent trop de nos contemporains.

A supposer qu’il n ‘y ait pas eu   de but  lucratif chez les organisateurs de  cette peu glorieuse équipée, ce qu’on veut bien leur concéder au bénéfice du doute, l’affaire pose à la fois la question de l’adoption et celle de notre rapport au Tiers monde, deux questions qui ne devraient rien à voir entre elles et dont la conjonction en l’espèce est en elle-même suspecte.

Le désir d’avoir des enfants de la part de couples ( hétérosexuels bien entendu) qui n’arrivent pas à en concevoir  par les moyens naturels est évidemment respectable et, dans la mesure où existent à l’inverse  des enfants sans parents , il n’y a rien de choquant à ce que l’on recoure alors  à la vieille procédure romaine de l’adoption (1) .

L’adoption est beaucoup plus ambiguë chez ceux qui renoncent volontairement  à avoir des enfants. Les motivations de ce comportement rare mais  contre-nature ne sauraient être que fallacieux : ne pas aggraver la surpopulation, ne pas accroître encore la souffrance du monde, dit-on généralement . Elles   reposent  sur une vision entièrement négative de la société humaine : l’enfant adopté est alors, en même temps qu’un réfugié,   une sorte de refuge:  « au moins un qui sera heureux ».  

Même si , en l’espèce, les candidats à l’adoption ne sont pas majoritairement dans ce cas, cette idée d’un monde voué au malheur est sous-jacente dans la référence à l’Arche de Noé qui assimile implicitement l’ensemble de l’Afrique au déluge universel (2). Il est dans la nature de l’homme de chercher à se perpétuer par la procréation : le refuser volontairement procède non seulement de la haine du monde mais aussi de la haine de soi. Or il faut aimer les enfants comme nous-mêmes : comment aimer sainement un enfant adopté à partir de  pareilles prémisses ?

 

 

 

L’adoption n’a rien à voir avec l’aide humanitaire

 

 

 

 

Surtout le désir d’adoption, même si nous sommes dans le cas où il est légitime, ne devrait avoir rien à faire avec l’aide humanitaire.

Celle-ci  ne saurait être que désintéressée : elle doit donc être rigoureusement  séparée d’un désir d’enfant nécessairement  autocentré (même quand ce désir  est parfaitement sain) .  Désintéressement ne veut pas dire désintérêt, bien au contraire. Le premier acte de charité, avant de faire quoi que ce soit pour autrui,  est d’essayer de  comprendre  sa situation. De passer d’une préoccupation subjective à une attention objective à autrui. S’ils n’avaient pas été enfermés dans leur narcissisme pseudo-humanitaire, les promoteurs de l’adoption d’enfants du Darfour   auraient d’abord cherché à comprendre l’Afrique, ce que tout laisse à penser qu’ils n’ont pas fait.

L’enfant , pour un Africain, n’est pas une charge mais un don du ciel. Si ses parents naturels  ne peuvent pas s’en occuper, s’ils ont par exemple été massacrés à l’occasion d’une guerre, les liens claniques et tribaux permettent presque toujours de trouver une solution de remplacement au sein de la   parenté élargie. En tout état de cause l’enfant appartient à cette communauté, le prendre , même avec les meilleures intentions, sans le consentement de tout le groupe  est assimilable à un rapt. Des rapts certes il en existe  , au Soudan en particulier où le commerce des esclaves perdure,  ou dans les pays où prospèrent les milices d’enfants soldats. Mais ces pratiques odieuses sont tenues pour des crimes contre l’humanité pas pour des actions humanitaires.

Cela, tous ceux qui ont fréquenté l’Afrique le savent peu ou prou.

Il est à déplorer que l’humanitaire occidental ( collecte de fonds y compris) vive trop souvent  sur   un collection de clichés  qui   témoigne d’une profonde méconnaissance du continent africain et de ses habitants.  Il serait trop long de les recenser dans le présent article. Nous le laissons pour une autre fois.  La première méconnaissance est d’ailleurs de confondre  les problèmes spécifiques aux pays en guerre ( qui ne seraient pas très différents pour nous si nous étions nous-mêmes en conflit ) avec ceux du sous-développement en général,  lesquels ne sont pas du tout du même ordre.

Une autre méconnaissance est d’imaginer que tous les Africains  sont candidats à l’émigration, alors que cette propension est très variable d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre et qu’elle dépend  bien plus des tradition locales que du niveau de vie. Est-il nécessaire au demeurant  de s’appesantir sur ce qu’a de   désobligeant et de méprisant  le fait de ne plus considérer l’aide au développement que sous l’angle de la prévention des migrations,  une attitude qui tend à devenir la posture officielle ?  

Nous n’hésiterions pas à dire en outre, au risque de choquer,  que quand il n’y a ni guerre ni calamité agricole exceptionnelle, les Africains réels ont l’air bien moins tristes que nos foules citadines.

Oui, l’acte I de la morale est de chercher à  connaître son prochain et  non pas de projeter sur lui nos fantasmes, désir d’enfant y compris. Le moins qu’on puisse dire est que nous sommes aujourd’hui  loin du compte.

 

 

 

                                                 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

1.                     On rappellera qu’un plus large développement de l’accouchement sous X , comme alternative à l’avortement, permettrait  de trouver plus facilement  des enfants à adopter.

2.                     Cette vision catastrophique de ce « bas-monde », répandue chez les tenants de la deep ecology  a des antécédents dans la gnose et le manichéisme.

 

 

 

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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 09:50

 

 

L’année du cinquantième anniversaire du traité de Rome, vrai  point de départ de la construction européenne,   se termine sans que le rôle essentiel du général de Gaulle au départ de celle-ci ait été salué comme il convient.

Les partisans de l’intégration européenne se gardent de  mentionner son nom : il n’évoque pour eux  que le refus de la supranationalité,  la dénonciation des « cabris » et  la politique de la  chaise vide. Bref, le général  est le mauvais génie, un homme forcément « dépassé ».

Les souverainistes les plus radicaux, de leur côté,    réduisent son action à la défense de la souveraineté nationale. De manière un peu courte, tout ce qui va contre l’Europe est, pour eux, gaullien.

Seuls des hommes comme l’archiduc Otto de Habsbourg ont rendu hommage au rôle du général aux origines de la construction européenne.

Un rôle essentiel.

Il est même permis de dire que  l’Union européenne, telle que nous la connaissons pour le meilleur et pour le pire, n’existerait sans doute pas si le général de Gaulle ne s’était trouvé au pouvoir pendant  les onze  années qui ont suivi la signature du traité de Rome.

Ce traité, il n’en avait pas été, comment l’ignorer ? enthousiaste. Muré dans un silence hautain  au moment où il était négocié, il ne cacha cependant pas à ses proches les réserves que lui inspirait ce projet, au même titre que    toutes les initiatives des partisans de l’Europe intégrée.

Néanmoins, une fois revenu au pouvoir, il s’attacha à le mettre en œuvre avec ardeur.

D’abord parce qu’il mettait un point d’honneur à respecter la signature toute fraîche de la France.

Ensuite parce qu’il voyait dans ce traité instaurant le marché commun,    au départ   d’abord commercial,  un défi à relever susceptible de stimuler les Français. La baisse des droits industriels, que tout le monde redoutait, même accompagnée d’une importante dévaluation, devait, selon lui, stimuler notre économie et c’est bien ce qui arriva. On  ne saurait oublier que tout au long de la présidence de  ce  prétendu isolationniste, les tarifs douaniers industriels ne cessèrent de baisser : ils furent même  abolis le 1er juillet 1968, peu de temps avant sa retraite.

Les partisans de l’Europe, qui, en France et à l’étranger,  redoutaient  le retour au pouvoir du général, suspect de nationalisme, virent dans ces premiers pas une heureuse surprise.

 

 

La politique agricole commune

 

 

 

Le climat se gâta à partir de 1962, quand il s’agit de mettre en  œuvre le second volet du marché commun : la politique agricole commune, édifice plus complexe parce qu’il supposait toute une mécanique, coûteuse pour les budgets,  de  soutien des marchés et non pas seulement leur libre jeu.

Ce volet avait été signé avec beaucoup de réticences par certains de nos partenaires. Il était considéré d’un mauvais œil par les Etats-Unis qui craignaient le protectionnisme  européen et risquaient, du fait de la préférence communautaire, de perdre  une partie de leurs débouchés agricoles sur le continent. C’est pourquoi  Jean Monnet, toujours proche des intérêts américains, initiateur de la CECA et de la CED  avait été réticent devant le traité de Rome.

Nul doute que si une forte volonté n’avait appuyé la mise en œuvre du marché commun agricole, ce dernier eut été coulé par les pressions américains sur  les Européens les plus vulnérables.  Pour le général de Gaulle aucun  compromis  n’était possible : le volet industriel, favorable disait-on à l’Allemagne, devait être complété par le volet agricole dont la France serait  le grand bénéficiaire. C’est cette volonté qui s’affirma au cours des marathons agricoles successifs, du premier, fin 1961 à la crise de juin 1965 qui se traduisit durant sept mois par la « politique de la chaise vide » et au terme de laquelle   la France finit par imposer son point de vue.  

Comme toujours chez le général, les enjeux de la grande politique ne lui faisaient pas perdre de vue les   intérêts concrets des Français, en l’occurrence des agriculteurs.   

C’est ainsi que  le général imposa la mise en œuvre du marché commun agricole. Quand on sait que ce  dernier représenta pendant une vingtaine d’années environ 80 %  du budget communautaire, on mesure l’importance qu’il eut au démarrage de  la Communauté économique européenne. Jusqu’aux années quatre-vingt, l’Europe, c’est d’abord la politique agricole commune. Nul doute que sans la forte volonté du général,  celle-ci n’eut pas vu le jour.

 

 

Le  rejet de la  candidature du Royaume-Uni

 

 

 

Autre sujet contentieux : l’entrée de  l’Angleterre dans la Communauté. Pour nos partenaires, poussés par les Etats-Unis,  celle-ci allait de soi. Que le gouvernement britannique cachât à peine son intention  d’ y être le  cheval de Troie des Américains, voire de saboter l’entreprise de l’intérieur, leur importait peu. Paradoxalement, sur la scène française, les partisans de l’intégration la plus poussée, SFIO et MRP, qui,  n’en étaient pas à une contradiction près,  étaient aussi  les plus fermes  partisans  de l’entrée du Royaume-Uni. Même contradiction hors de nos frontières chez un Paul-Henri Spaak pour qui l’Europe sera supranationale ou ne sera pas », mais lui aussi fervent partisan de l’entée de l’Angleterre...

On sait comment le général mit son veto, à deux reprises en 1962 et 1967 à cette candidature. Le Royaume-Uni entra dans la  Communauté mais plus tard, après qu’elle ait été  consolidée ; on sait   le  rôle ambigu que ce pays  joua dans l’Union, une fois entré : sa manière propre de garder un pied dedans et un pied dehors, de tirer tous  les avantages et de refuser  les  inconvénients de l’Europe. Tout cela est, on ne le voit que trop, conforme au pronostic du général. Mais  dans les décennies qui ont suivi,  l’Angleterre ne cherchait plus  à démolir l’édifice. Nul doute que si, comme cela aurait  été le cas avec  tout  autre dirigeant que lui, l’Angleterre avait été admise d’emblée, l’entreprise européenne eut fait long feu.

 

 

La réconciliation franco-allemande

 

 

 

A cette Europe en construction, il ne suffisait pas de  se doter d’institutions, il   fallait une âme. Il fallait pour cela surmonter la principale source de conflit : le contentieux franco-allemand. Le traité d’amitié et de coopération  du  22 janvier 1963, passé entre de Gaulle  et Adenauer, acte historique s’il en est,  mettait un terme  à  un siècle d’hostilité entre les deux principales nations continentales de l’Europe de l’Ouest. Désormais la coopération franco-allemande devait être le moteur des avancées européennes, la négociation directe entre les deux grands partenaires permettant à chaque pas de prévenir ou de surmonter les crises.

Cette conception gaullienne de l’Europe fondée sur l’idée d’un bloc continental  solidaire à direction franco-allemande  et émancipé des Anglo-Saxons ne plaisait pas à Washington. L’Amérique tenta de saboter le traité de l’Elysée ou du moins de lui enlever sa portée en assortissant sa ratification par la partie allemande d’une déclaration destinée à  en amoindrir la portée. Le paradoxe est que cette déclaration fut préparée sous les auspices de Jean Monnet, fidèle à ses allégeances américaines et que  l’aveuglement idéologique conduisait ainsi à contrecarrer  l’acte de réconciliation le plus fondamental qui ait été passé en Europe depuis la guerre

Mécontent des positions prises par   la Commission , spécialement par son président Walter Hallstein, de Gaulle obtint au terme de l’ultime crise de 1965-66  qu’elle soit renouvelée dans un sens plus favorable à ses idées. Elle n’eut plus à partir de ce moment et pour quelques années la  prétention de  devenir un super-gouvernement. En même  temps que le rêve supranational était enterré, de Gaulle fit admettre en, janvier 1966  le compromis dit  de Luxembourg selon le quel aucune décision majeure ne saurait être imposée contre son gré à  un des pays composant le marché commun.

En outre l’Euratom était enterré.

Même s’il eut  par la suite quelques mouvements d’impatience hostiles aux institutions européennes, de Gaulle ne remit plus en question l’équilibre ainsi trouvé.

 

 

L’échec du plan Fouché

 

 

 

S’il  mit provisoirement fin au rêve supranational, le général de Gaulle ne parvint cependant pas à imposer sa vision d’une « Europe des patries » : « coopération organisée d’Etats en attendant d’en venir, peut-être, à une puissante confédération. » C’était l’objectif du plan Fouché (1961) refusé par nos partenaires sous la pression des Etats-Unis.

Mais même si  le principe supranational se trouvait  mis en veilleuse, ce que les adversaires du Général ne lui pardonnèrent pas, l’édifice institutionnel de la Communauté économique européenne  était  durablement consolidé. Il était  fondé sur une base solide, le marché commun agricole,  lequel devait être la matrice des futurs développements institutionnels. Il était  d’autre part  à l’abri des tentatives de sabotage anglaises et   se trouvait doté d’un moteur : le tandem franco-allemand au travers duquel la France pouvait imprimer largement sa marque.  Malgré l’éloignement de l’Allemagne au temps du docteur Erhard, successeur aussi médiocre qu’infidèle  d’Adenauer, le traité de coopération franco-allemand porta ses fruits.   

Comme on sait, c’est  le marché commun – et non la CECA ou toute autre initiative - qui est la matrice de tous  les développement    ultérieurs de l’aventure européenne. La formule arrêtée au cours des années soixante : coopération institutionnelle d’Etats, primauté de  l’agriculture, dura jusqu’aux années quatre-vingt.  Moins que l’élargissement, c’est l’inclusion de l’agriculture dans le laminoir du GATT (  aujourd’hui OMC) en 1984  qui  marqua sa fin. Privé de sa base agricole – et même industrielle du fait de l’érosion du tarif extérieur commun, la Communauté devait rechercher d’autres finalités : l’harmonisation des législations, l’union monétaire, la libre circulation des hommes (et des capitaux) , et à terme,  la relance du  projet d’union politique marquent , à partir de 1990 une nouvelle phase dont on peut imaginer sans peine combien le général de Gaulle l’eut désapprouvée .

Mais ces nouveaux  développements se sont greffés sur un édifice qui était au départ celui du marché commun. Nul doute que si  celui-ci, au cours des dix années critiques de sa mise en œuvre, n’avait été comme « mis en couveuse », protégé par  la forte volonté du général de Gaulle, l’entreprise eut  fait long feu.

                                                            Roland HUREAUX

 

 

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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 19:07

 

Ceux qui s’ enthousiasment aujourd’hui de la « rupture » intervenue dans la politique française  au cours des derniers mois se félicitent que notre diplomatie  soit enfin débarrassée de son « antiaméricanisme viscéral ».

Dès qu’il est question des relations de la France et des Etats-Unis, il est des bons apôtres  aussi prompts à dénoncer l’antiaméricanisme que Georges Marchais l’était autrefois à  couper la parole de ses interlocuteurs en disant:  « ne tombons pas dans l’antisoviétisme primaire ! ».

Il est permis de se demander à ce sujet : de quoi parle-t-on ?  Les Français sont-ils, furent-ils  jamais antiaméricains ?

 

Des divergences…

 

 

Il est vrai que depuis les années cinquante, certaines divergences sont apparues à plusieurs reprises entre les positions  de Paris et celles de Washington. Dès 1956, les Etats-Unis condamnèrent et firent cesser l’engagement militaire des Français et des Britanniques    aux côtés d’Israël  contre l’Egypte. Ils désapprouvèrent à la même époque l’aide discrète de la France à l’armement nucléaire israélien. Ils firent les yeux doux au FLN  algérien.

Mais c’est à la grande époque de la diplomatie gaullienne, entre 1964 et 1969,  qu’éclatèrent  les désaccords les plus fragrants : projet de force multilatérale (visant à contrer  l’armement nucléaire français qui irritait les Américains), reconnaissance de  la Chine de  Pékin, rôle du dollar, discours de Pnom-Penh contre l’intervention américaine au Vietnam, embargo sur les armes à destination d’Israël lors de la guerre des Six Jours.

Les points de friction ouverts furent par la suite bien moins nombreux Malgré les algarades de Michel Jobert, Pompidou et Giscard, puis Mitterrand prirent rarement l’Amérique de front,  d’autant qu’entre 1970 et 1985, la guerre froide s’était durcie. Les frictions principales portèrent sur les négociations commerciales (agriculture  et culture).

La France participa à la première guerre du Golfe, et participe encore aux côtés des Etats-Unis à la plus récente guerre d’Afghanistan. Même  si les efforts des Français à l‘OTAN pour éviter les bombardements de civils serbes irritèrent les Américains (le genre d’irritation que veut désormais éviter Hervé Morin !), la participation de la France à la guerre de Yougoslavie (1999) marque un alignement sans précédent sur l’OTAN: on ne peut oublier le conformisme  obtenu de l’opinion française pendant cette guerre  par une pression médiatique sans égale. Approuvée au Congrès à une courte majorité, cette guerre le fut à la quasi-unanimité au Parlement français.

Dans la période récente,  seul le désaccord du gouvernement Chirac vis-à-vis de la guerre d’Irak (2003) exprimé  avec panache par  Villepin à l’ONU marque une divergence comparable à celles des années soixante.

Tout se passe comme si   cette divergence avait  été d’autant plus mal ressentie qu’elle était devenue exceptionnelle.

Le plus remarquable est que, presque toujours, le gouvernement français ne faisait que partager l’opinion  d’une partie substantielle de l’opinion américaine : sur la guerre d’Irak, une majorité des Américains considère aujourd’hui que la France avait raison. La dissidence  serait-elle permise aux seuls citoyens des Etats-Unis mais pas aux Etats supposés vassaux, comme au temps de la guerre du Péloponnèse, les citoyens d’Athènes avaient voix  au chapitre mais pas ceux de  Délos ?  

Il est également remarquable que tout au long de ces soixante  années, les Etats-Unis n’ont pas eu dans les crises  majeures  d’allié plus solide que la France : ce fut le cas avec l’affaire  des missiles de Cuba , ce le fut avec celle des euromissiles en Allemagne ( au moins après que Mitterrand ait succédé à Giscard) , ce le fut aussi après le 11 septembre (1)  où la coopération policière de la France avec les Occidentaux ( la seule qui importe face à ce genre de menace) fut exemplaire.  Au passage, on notera le contraste entre la solidarité sans faille des Français (opinion publique comprise)   avec les Etats-Unis après les attentats  de New York et la désinvolture avec laquelle le gouvernement américain laissait  ouvert à Washington six ans plus tôt un bureau du FIS algérien au moment où ce dernier faisait sauter des bombes dans le métro parisien  (2) !

Les Etats-Unis devraient avoir appris les leçons d’  Autant en emporte le vent. Dans les véritables épreuves, c’est la fille rebelle, Scarlett O’Hara qui est  l’appui le plus solide du clan.

 

Mais pas d’hostilité de principe

 

 

Mais aux yeux d’un certain atlantisme débridé, même nos divergences passagères témoigneraient d’un antiaméricanisme viscéral.

Divergences on l’accordera, mais y eut-il, y a t-il en France un antiaméricanisme viscéral à quelque niveau que ce soit ?

Un antiaméricanisme comparable par exemple à la vague antifrançaise hystérique qui s’est déchaînée aux Etats-Unis, excitée  par  Fox news et autres média, durant la dernière guerre d’Irak – où l’on envisagea sérieusement de débaptiser les French fries en représailles de l’abstention française !

Nous savons qu’il ne faut pas confondre Anglais et Américains mais y a-t-il  un seul éditeur Français qui accepterait de publier, à l’encontre du monde anglo-saxon, les  tombereaux d’insanités antifrançaises à l’usage des touristes que l’on trouve à  la librairie anglaise de la rue de Rivoli ?

Cet antiaméricanisme viscéral, haineux, irraisonné qu’on nous impute, on le cherche.

Rien en tous cas  dans l’opinion française actuelle de comparable aux sentiments antianglais qui existaient sous   Napoléon ou au temps de Fachoda. Rien non plus qui s’apparente à l’antigermanisme qui a prévalu chez nous durant un siècle.

On peut même penser  que le sentiment antiaméricain était  plus vif dans les années soixante. Même si les événements de mai soixante-huit ont coïncidé avec le souhait américain de déstabiliser le général de Gaulle (3), le sentiment dominant des étudiants était alors, beaucoup plus qu’aujourd’hui, l’hostilité à l’Amérique : le mouvement de mai avait été   préparé, on l’oublie trop,   par une vague de manifestions de grande ampleur contre l’intervention américaine au Vietnam. Le Nouvel Observateur évoqua  une fois  une femme qui   ne pouvait regarder  John Wayne au cinéma car, disait-elle,  le grand acteur de western lui faisait penser  au président Johnson et aux cris des enfants vietnamiens sous le napalm. Qui aujourd’hui refuserait   de voir  une série américaine pour  pareil motif   ?

Entre temps, il est vrai, au cours de  la décennie soixante-dix, la gauche soixante-huitarde fit le pèlerinage Greyhound outre-atlantique et découvrit fascinée, l’Amérique underground. Cette fascination, vite étendue à l’Amérique officielle, a produit la « gauche américaine » de Libé à Bernard-Henri Lévy.

Il est vrai qu’il existe aujourd’hui une extrême gauche antiaméricaine et anti-Bush virulente. Mais nos altermondialistes n’ont jamais été aussi violents que ceux d’Angleterre ou d’Italie. L’Amérique qu’ils haïssent est une Amérique abstraite, tenue pour le symbole du capitalisme mondialisé (à tort car les Etats-Unis sont beaucoup moins mondialistes qu’on le croit dès que leurs intérêts en  jeu), bien plus que l’Amérique concrète que généralement ils ignorent.  Et le déclin du parti communiste a globalement affaibli cette mouvance.

Différent est sans doute le sentiment des pro-palestiniens virulents,  violemment hostiles  à Israël et à l’Amérique de Bush mais ces milieux débordent-ils de beaucoup la sphère de l’islam de France ?

L’antiaméricanisme d’extrême droite tel qu’il  avait pu être cultivé  par le régime de Vichy et la collaboration, n’existe pratiquement plus. Le Pen n’a, à notre connaissance, jamais joué de cette corde.

Il reste un nombre considérable de Français  qui,  tout en ne considérant pas les Américains comme des ennemis,  n’approuvent pas telle ou telle de leur politique. Certains vont jusqu ’à  se méfier, non sans quelques raisons, de  leur ambition hégémonique,  naturelle à toute  grande puissance :  dans la jungle internationale  le petit animal ne regarde pas sans appréhension  le gros, quel qu’il soit,  même s’il est supposé bienveillant.  Mais cela ne veut pas dire que ces Français aient aucune hostilité de principe   vis-à-vis de ce qui vient des Etats-Unis. Certains aiment les westerns et la country. On peut tenir la guerre d’Irak pour une grave erreur et même pour une agression injustifiée et en même temps    reconnaître que le cinéma américain est meilleur que le cinéma français. Cela n’empêche  d’ailleurs pas  non plus de soutenir l’exception culturelle qui permet à ce cinéma français d’exister encore.

La défense de la langue française, comme la défense de l’ensemble de nos intérêts essentiels,  n’implique aucune haine de l’Amérique. Il ne s’agit d’ailleurs nullement d’un  débat transatlantique mais un débat franco-français. L’adversaire, ce ne sont pas les Américains qui se moquent comme une guigne de la langue française (n’hésitant pas à emprunter sans complexes autant de mots  français que nous d’anglais) mais une lutte contre la veulerie de certaines élites françaises qui se refusent  aux obligations  élémentaires  qui furent celles de toute élite en tous temps et en tout lieu : défendre les intérêts et la  culture  de son pays. Quand le baron Seillière parle anglais dans une réunion européenne où figure Jacques Chirac, ce n’est pas l’Amérique qui se montre méprisable, c’est le baron Seillière.

Il est donc parfaitement légitime que des Français et même des dirigeants français (s’il s’en trouve encore d’assez courageux) formulent des divergences vis-à-vis de la politique américaine, ni plus ni moins que les citoyens américains ne le font.

Mais  il convient de rejeter catégoriquement cette rhétorique perverse qui tendrait à culpabiliser les Français pour leur supposé antiaméricanisme viscéral ; c’est les culpabiliser de  leur liberté. C’est le début de la servitude.  Il y a là, qu’on le veuille ou non quelque chose de l’attitude de Big brother  tendant à « purifier le cerveau des mauvaises pensées ». Ceux qui dénoncent le fantôme de l’antiaméricanisme cachent mal une  volonté d’assujettissement total inacceptable pour une nation libre.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

1.                    Et même avant s’il est vrai que les services secrets français ont prévenu les américains de la menace d’attentats.

2.                    Et ces attentats étaient tranquillement préparés à Londres dans l’impunité.

3.                    Au point que certains imaginent que ces événements auraient été, sinon fomentés, du moins excités par les services  américains.

 

 

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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 19:07

 

 

Ceux qui s' enthousiasment aujourd?hui de la « rupture » intervenue dans la politique française  au cours des derniers mois se félicitent que notre diplomatie  soit enfin débarrassée de son « antiaméricanisme viscéral ».

Dès qu'il est question des relations de la France et des Etats-Unis, il est des bons apôtres  aussi prompts à dénoncer l'antiaméricanisme que Georges Marchais l?était autrefois à  couper la parole de ses interlocuteurs en disant:  « ne tombons pas dans l?antisoviétisme primaire ! ».

Il est permis de se demander à ce sujet : de quoi parle-t-on ?  Les Français sont-ils, furent-ils  jamais antiaméricains ?

 

Des divergences?

 

Il est vrai que depuis les années cinquante, certaines divergences sont apparues à plusieurs reprises entre les positions  de Paris et celles de Washington. Dès 1956, les Etats-Unis condamnèrent et firent cesser l?engagement militaire des Français et des Britanniques    aux côtés d?Israël  contre l?Egypte. Ils désapprouvèrent à la même époque l?aide discrète de la France à l?armement nucléaire israélien. Ils firent les yeux doux au FLN  algérien.

Mais c?est à la grande époque de la diplomatie gaullienne, entre 1964 et 1969,  qu?éclatèrent  les désaccords les plus fragrants : projet de force multilatérale (visant à contrer  l?armement nucléaire français qui irritait les Américains), reconnaissance de  la Chine de  Pékin, rôle du dollar, discours de Pnom-Penh contre l?intervention américaine au Vietnam, embargo sur les armes à destination d?Israël lors de la guerre des Six Jours.

Les points de friction ouverts furent par la suite bien moins nombreux Malgré les algarades de Michel Jobert, Pompidou et Giscard, puis Mitterrand prirent rarement l?Amérique de front,  d?autant qu?entre 1970 et 1985, la guerre froide s?était durcie. Les frictions principales portèrent sur les négociations commerciales (agriculture  et culture).

La France participa à la première guerre du Golfe, et participe encore aux côtés des Etats-Unis à la plus récente guerre d?Afghanistan. Même  si les efforts des Français à l?OTAN pour éviter les bombardements de civils serbes irritèrent les Américains (le genre d?irritation que veut désormais éviter Hervé Morin !), la participation de la France à la guerre de Yougoslavie (1999) marque un alignement sans précédent sur l?OTAN: on ne peut oublier le conformisme  obtenu de l?opinion française pendant cette guerre  par une pression médiatique sans égale. Approuvée au Congrès à une courte majorité, cette guerre le fut à la quasi-unanimité au Parlement français.

Dans la période récente,  seul le désaccord du gouvernement Chirac vis-à-vis de la guerre d?Irak (2003) exprimé  avec panache par  Villepin à l?ONU marque une divergence comparable à celles des années soixante.

Tout se passe comme si   cette divergence avait  été d?autant plus mal ressentie qu?elle était devenue exceptionnelle.

Le plus remarquable est que, presque toujours, le gouvernement français ne faisait que partager l?opinion  d?une partie substantielle de l?opinion américaine : sur la guerre d?Irak, une majorité des Américains considère aujourd?hui que la France avait raison. La dissidence  serait-elle permise aux seuls citoyens des Etats-Unis mais pas aux Etats supposés vassaux, comme au temps de la guerre du Péloponnèse, les citoyens d?Athènes avaient voix  au chapitre mais pas ceux de  Délos ?  

Il est également remarquable que tout au long de ces soixante  années, les Etats-Unis n?ont pas eu dans les crises  majeures  d?allié plus solide que la France: ce fut le cas avec l?affaire  des missiles de Cuba , ce le fut avec celle des euromissiles en Allemagne ( au moins après que Mitterrand ait succédé à Giscard) , ce le fut aussi après le 11 septembre (1)  où la coopération policière de la France avec les Occidentaux ( la seule qui importe face à ce genre de menace) fut exemplaire.  Au passage, on notera le contraste entre la solidarité sans faille des Français (opinion publique comprise)   avec les Etats-Unis après les attentats  de New York et la désinvolture avec laquelle le gouvernement américain laissait  ouvert à Washington six ans plus tôt un bureau du FIS algérien au moment où ce dernier faisait sauter des bombes dans le métro parisien  (2) !

Les Etats-Unis devraient avoir appris les leçons d?  Autant en emporte le vent. Dans les véritables épreuves, c?est la fille rebelle, Scarlett O?Hara qui est  l?appui le plus solide du clan.

 

Mais pas d?hostilité de principe

 

Mais aux yeux d?un certain atlantisme débridé, même nos divergences passagères témoigneraient d?un antiaméricanisme viscéral.

Divergences on l?accordera, mais y eut-il, y a t-il en France un antiaméricanisme viscéral à quelque niveau que ce soit ?

Un antiaméricanisme comparable par exemple à la vague antifrançaise hystérique qui s?est déchaînée aux Etats-Unis, excitée  par  Fox news et autres média, durant la dernière guerre d?Irak ? où l?on envisagea sérieusement de débaptiser les French fries en représailles de l?abstention française !

Nous savons qu?il ne faut pas confondre Anglais et Américains mais y a-t-il  un seul éditeur Français qui accepterait de publier, à l?encontre du monde anglo-saxon, les  tombereaux d?insanités antifrançaises à l?usage des touristes que l?on trouve à  la librairie anglaise de la rue de Rivoli ?

Cet antiaméricanisme viscéral, haineux, irraisonné qu?on nous impute, on le cherche.

Rien en tous cas  dans l?opinion française actuelle de comparable aux sentiments antianglais qui existaient sous   Napoléon ou au temps de Fachoda. Rien non plus qui s?apparente à l?antigermanisme qui a prévalu chez nous durant un siècle.

On peut même penser  que le sentiment antiaméricain était  plus vif dans les années soixante. Même si les événements de mai soixante-huit ont coïncidé avec le souhait américain de déstabiliser le général de Gaulle (3), le sentiment dominant des étudiants était alors, beaucoup plus qu?aujourd?hui, l?hostilité à l?Amérique : le mouvement de mai avait été   préparé, on l?oublie trop,   par une vague de manifestions de grande ampleur contre l?intervention américaine au Vietnam. Le Nouvel Observateur évoqua  une fois  une femme qui   ne pouvait regarder  John Wayne au cinéma car, disait-elle,  le grand acteur de western lui faisait penser  au président Johnson et aux cris des enfants vietnamiens sous le napalm. Qui aujourd?hui refuserait   de voir  une série américaine pour  pareil motif   ?

Entre temps, il est vrai, au cours de  la décennie soixante-dix, la gauche soixante-huitarde fit le pèlerinage Greyhound outre-atlantique et découvrit fascinée, l?Amérique underground. Cette fascination, vite étendue à l?Amérique officielle, a produit la « gauche américaine » de Libé à Bernard-Henri Lévy.

Il est vrai qu?il existe aujourd?hui une extrême gauche antiaméricaine et anti-Bush virulente. Mais nos altermondialistes n?ont jamais été aussi violents que ceux d?Angleterre ou d?Italie. L?Amérique qu?ils haïssent est une Amérique abstraite, tenue pour le symbole du capitalisme mondialisé (à tort car les Etats-Unis sont beaucoup moins mondialistes qu?on le croit dès que leurs intérêts en  jeu), bien plus que l?Amérique concrète que généralement ils ignorent.  Et le déclin du parti communiste a globalement affaibli cette mouvance.

Différent est sans doute le sentiment des pro-palestiniens virulents,  violemment hostiles  à Israël et à l?Amérique de Bush mais ces milieux débordent-ils de beaucoup la sphère de l?islam de France ?

L?antiaméricanisme d?extrême droite tel qu?il  avait pu être cultivé  par le régime de Vichy et la collaboration, n?existe pratiquement plus. Le Pen n?a, à notre connaissance, jamais joué de cette corde.

Il reste un nombre considérable de Français  qui,  tout en ne considérant pas les Américains comme des ennemis,  n?approuvent pas telle ou telle de leur politique. Certains vont jusqu ?à  se méfier, non sans quelques raisons, de  leur ambition hégémonique,  naturelle à toute  grande puissance :  dans la jungle internationale  le petit animal ne regarde pas sans appréhension  le gros, quel qu?il soit,  même s?il est supposé bienveillant.  Mais cela ne veut pas dire que ces Français aient aucune hostilité de principe   vis-à-vis de ce qui vient des Etats-Unis. Certains aiment les westerns et la country. On peut tenir la guerre d?Irak pour une grave erreur et même pour une agression injustifiée et en même temps    reconnaître que le cinéma américain est meilleur que le cinéma français. Cela n?empêche  d?ailleurs pas  non plus de soutenir l?exception culturelle qui permet à ce cinéma français d?exister encore.

La défense de la langue française, comme la défense de l?ensemble de nos intérêts essentiels,  n?implique aucune haine de l?Amérique. Il ne s?agit d?ailleurs nullement d?un  débat transatlantique mais un débat franco-français. L?adversaire, ce ne sont pas les Américains qui se moquent comme une guigne de la langue française (n?hésitant pas à emprunter sans complexes autant de mots  français que nous d?anglais) mais une lutte contre la veulerie de certaines élites françaises qui se refusent  aux obligations  élémentaires  qui furent celles de toute élite en tous temps et en tout lieu : défendre les intérêts et la  culture  de son pays. Quand le baron Seillière parle anglais dans une réunion européenne où figure Jacques Chirac, ce n?est pas l?Amérique qui se montre méprisable, c?est le baron Seillière.

Il est donc parfaitement légitime que des Français et même des dirigeants français (s?il s?en trouve encore d?assez courageux) formulent des divergences vis-à-vis de la politique américaine, ni plus ni moins que les citoyens américains ne le font.

Mais  il convient de rejeter catégoriquement cette rhétorique perverse qui tendrait à culpabiliser les Français pour leur supposé antiaméricanisme viscéral ; c?est les culpabiliser de  leur liberté. C?est le début de la servitude.  Il y a là, qu?on le veuille ou non quelque chose de l?attitude de Big brother  tendant à « purifier le cerveau des mauvaises pensées ». Ceux qui dénoncent le fantôme de l?antiaméricanisme cachent mal une  volonté d?assujettissement total inacceptable pour une nation libre.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

1.                    Et même avant s?il est vrai que les services secrets français ont prévenu les américains de la menace d?attentats.

2.                    Et ces attentats étaient tranquillement préparés à Londres dans l?impunité.

3.                    Au point que certains imaginent que ces événements auraient été, sinon fomentés, du moins excités par les services  américains.

 

 

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30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 16:08

 

Aussi longtemps qu’aucun pays européen ne l’avait essayée, la «  TVA sociale » était tenue pour une lubie réservée aux souverainistes et autres marginaux. On murmurait à Bercy   qu’elle était contraire aux règles de l’OMC et  de l’Union européenne.

Depuis que l’Allemagne l’a  expérimentée, l’idée  est prise au sérieux.    Dominique Strauss-Kahn, qui vient d’être intronisé  directeur général du FMI,  l’a crédibilisée au sein du Parti socialiste. Nicolas Sarkozy l’a évoquée  dans son programme.

Mais aujourd’hui le projet est en panne. Il a été renvoyé aux calendes par un gouvernement navigant au jour le jour et qui semble peu convaincu de son utilité. Il n’est d’ailleurs pas sûr que  tous ses  membres l’aient  compris et   soient  donc capables de l’expliquer aux Français.

Il en est résulté une série de maladresses qui ont au fil des semaines plombé l’idée.

Le nom qu’on lui a donné, quoique juste, n’est  pas très  heureux : lancé tel quel sans explications, il donne l’impression qu’il s’agit d’un impôt supplémentaire venant s’ajouter aux autres. A un moment où on allège l’impôt sur le revenu pour les tranches les plus élevées,     envisager une nouvelle taxe    qui, elle, frapperait  toutes les couches de la population n’est, il est vrai,  pas très habile.  Son  évocation entre les deux tours des législatives aurait coûté cinquante sièges à l’UMP : c’est en tous les cas ce qui se dit…

Autre maladresse : certains officiels  on laissé entendre que la TVA sociale servirait à boucher le trou de la Sécurité sociale, ce qui,  tel quel,  est une idée monstrueuse, totalement étrangère au concept d’origine.

Personne n’a dit en revanche nettement que, bien conçu, le dispositif ne devait se traduire par aucune perte de pouvoir d’achat pour les salariés.

  

L’équivalent d’une dévaluation

 

 

Techniquement, la TVA sociale revient   à  une dévaluation

Rappelons en le principe : il consiste à substituer  à quelques points de charges sociales (ou de CSG) quelques points de TVA pour financer la Sécurité sociale.  Les charges sociales ne sont payées que par les entreprises françaises ; les produits importés y échappent.  La TVA   par contre  est payée par les importateurs et récupérée par les exportateurs ;  elle  renchérit les produits importés et  dégrève d’autant les produits exportés, tout comme une  dévaluation de la monnaie.

La TVA sociale est,  en dehors d’une sortie de l’euro, la seule solution à la crise grave de compétitivité que traverse notre pays.

Cette crise de compétitivité se traduit par un déficit de plus en plus lourd de notre solde extérieur (camouflé  dans le compte global de la zone euro), par la langueur de la croissance et  en conséquence par la lenteur à résorber   le chômage, en dépit d’une conjoncture démographique  favorable.

La cause de cette crise est la  cherté de nos prix, laquelle résulte elle-même de la surévaluation de l’euro. Si ce dernier poursuit sa course au-delà de 1,40 $, c’est tout notre tissu  industriel, aéronautique comprise,  qui va s’effilocher au cours de prochains mois.

C’est dire qu’il  y a péril  en la demeure.  

Autrefois, la solution de ce genre de problème  était simple : on dévaluait le franc et très vite les choses rentraient dans l’ordre. Ainsi, jamais la France n’a été aussi prospère que sous Georges Pompidou, qui avait commencé  son mandat par une  forte  dévaluation.

Aujourd’hui que nous sommes avons adopté l’ euro, les choses sont plus compliquées. Il n’y a en fait que trois solutions :

-                          la première serait que la Banque centrale européenne baisse ses taux pour forcer l’euro à se déprécier vis-à-vis du dollar (et surtout de toutes les monnaies qui sont suspendues au dollar, le yuan chinois en tête). Mais le gouverneur de la BCE ,  M.Trichet,  est un homme obstiné : il n’a nullement l’intention de desserrer la vis. Parce que le  statut  de la Banque centrale européenne lui fait seulement obligation de veiller à la stabilité de la monnaie (qu’une surévaluation favorise en baissant les prix des produits importés) et non à l’emploi. Parce qu’il est attentif à la voix de l’Allemagne , laquelle s’accommode bien de la situation actuelle aussi longtemps  qu’elle peut vendre  à n’importe quel prix ses machines-outils à travers le monde – et aussi parce qu’elle a adopté, elle, à petite dose, la TVA sociale. Parce que M .Trichet est   prisonnier de l’idéologie simpliste de l’Inspection  des finances qui voit l’alpha et l’oméga de la politique économique dans le maintien d’une monnaie forte. Ajoutons que les Etats-Unis ne permettraient sans doute pas une réévaluation trop forte du dollar.  C’est dire que la partie de bras de fer que M.Sarkozy  a fait mine d’engager avec la BCE pour la contraindre à faire baisser l’euro a peu de chances d’aboutir (1).

-                          La seconde solution est une sortie de l’euro.  L’éclatement  de la Tchécoslovaque qui s’est traduit par la rupture de l’union monétaire entre ses deux composantes, montre que, techniquement,  le retour au franc peut se faire rapidement et sans douleur. Nous retrouverions ainsi la possibilité de dévaluer. Il reste que le traumatisme politique serait considérable. Ceux qui redoutent cette issue  ne doivent avoir aucune illusion : si les deux autres options sont exclues, c’est ce qui arrivera – hélas trop tard pour sauver notre tissu industriel.

-                          La troisième solution est l’instauration, même limitée d’une TVA sociale.

 

Aucune des objections faites aujourd’hui à ce mécanisme ne tient :

-                          en imposant moins le travail (que sont donc les charges sociales  sinon un impôt sur le travail ?) on  encourage moins, dit-on,  l’investissement : vieil argument en faveur de la surtaxation des salaires,  qui vaudrait  si nous étions en situation de plein emploi ou si les entreprises françaises n’étaient pas assez équipées, ce qui n’est pas le cas ;

-                          la TVA sociale risque  de relancer la spirale inflationniste,  pas officiellement puisque l’indice des prix est calculé sur les prix hors taxe, mais psychologiquement ; pourtant  la conjoncture monétaire n’étant pas inflationniste, ce risque paraît limité.  

Reste l’objection politique. Les maladresses s’étant accumulées, le mécanisme est tenu pour impopulaire et par là peu opportun.

Il  le sera d’autant plus qu’il sera mal expliqué.

Outre un bon travail pédagogique, la réussite de l’opération repose sur certaines conditions : il est impératif de dissocier radicalement la TVA sociale  de tout plan de rééquilibrage des comptes sociaux ; il convient d’associer étroitement  à sa mise en place les partenaires sociaux et le commerce  afin d’éviter tout dérapage inflationniste.

Il faut enfin veiller  à ce que les employeurs rattrapent  exactement la perte de pouvoir d’achat des salariés, au besoin  par la loi  ou  par des conventions  de branche  ( la TVA sociale peut n’être instaurée que dans certaines branches). Une autre solution est de substituer la TVA sociale aux seules cotisations salariales. Les  salariés doivent y  trouver leur compte  puisque la hausse des prix de détail doit être compensée et au-delà  par une hausse    de leur salaire net (2),

Ces conditions ne devraient pas être difficiles à réunir pour peu que l’on sache où l’on va.

Il n’est en effet  pas de bonne  pédagogie sans conviction : pour que nos dirigeants soient capables de bien expliquer ce mécanisme, il faut qu’ils l’aient   compris, qu’ils soient bien convaincus de sa nécessité, qu’ils aient bien vu  surtout que,  si on veut préserver à la fois l’euro et le tissu industriel français, il n’y a pas d’autre solution.

 

 

Roland HUREAUX

 

  1. En outre une baisse de l’euro ne rétablirait pas la compétitivité de la France à l’intérieur de l’Union européenne.
  2. Dans la mesure où les salaires ne représentent qu’environ 60 % de la valeur ajoutée, il serait possible, grâce à une assiette plus étalée, de compenser la baisse des charges sociales par une moindre hausse de la TVA.

     

 

 

 

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30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 11:27

 

Le véritable impact des délocalisations

 

 

Dès qu’il s’agit des délocalisations industrielles,  principal problème de la France d’aujourd’hui, la désinformation économique bat son plein.

Les rapports tendant à minimiser le problème sont légion : il n’y aurait selon l’INSEE qu’environ 13 500 emplois délocalisés de France par an, soit 95 000 de 1995 à 2001 (1). Par rapport à une population active de 27,5 millions de personnes (2), c’est évidement bien peu. C’est peu aussi par rapport à 4,2 millions d’emplois industriels.

Ceux-ci diminuent il est vrai à grande vitesse mais pour d’autres raisons, disent les experts,  que les délocalisations : rationalisation, évolution de la demande etc.

Ces chiffres ne prennent en compte qu’une petite partie de la réalité. Car tout emploi productif perdu entraîne avec lui un certain nombre d’autres emplois dits induits, en nombre variable , ce que les économistes appellent le « multiplicateur ».

Prenons un exemple  :  une petite ville de 10 000  habitants ( 5000 emplois) que pour la commodité de l’exposé on supposera en autarcie,  sous la réserve que  500 salariés ( soit 10 % de la population active )  y  travaillent pour l’exportation et font entrer dans la ville 1000 € ( profits et frais de structure exclus , le siège de l’entreprise et ses actionnaires se trouvant  à l’extérieur de la ville ). Dans l’exemple choisi, il ne s’agit que d’exportation hors de la ville mais comme c’est la vie de tout un pays que l’on veut figurer, on doit penser en fait exportations hors du pays.

Ces salariés dépensent leurs 1000 € mais ils ne consacrent que 100 € à acheter des produits « importés » par la ville  - au prix de gros puisque la marge du détaillant reste dans la ville.

Le reste du salaire sera dépensé de la manière suivante :

100 € pour le commerce local : marge des détaillants, transport  etc. 

100 € pour les médecins, l’hôpital, la maison de retraite des parents âgés (on  suppose que les cotisations sociales correspondantes restent sur place) 

200 € pour les services  locaux : coiffeur, salle de gymnastique, cinéma, café,  restaurant (matière première importée en moins), avocat  etc. ; on peut y inclure les services municipaux même si leur financement se fait par l’impôt et non par un paiement direct ;  

200 € pour financer l’enseignement (là aussi en oubliant le  détour par l’Etat)

200 € de construction (d’une maison par exemple dont le paiement est étalé sur plusieurs années),  travaux publics, services d’artisans : plombier, électricien etc.

100  € de loyers  versés aux propriétaires, habitant  la ville,  et services divers.

Avec les produits importés, le total fait 1000 (on suppose qu’il n’y a pas d’épargne, sauf le paiement étalé  des maisons).

Est-ce tout ? Non car les commerçants, les enseignants, les médecins,  les ouvriers du bâtiment et autres, qui perçoivent 90 % du revenu «extérieur », à leur tour le dépensent et en  importent le dixième, soit 9 % et redistribuent le reste à leurs concitoyens. On recommence donc pour les  90 % des 90 %  des gains ainsi générés etc.

On arrive au bout du raisonnement  à ce que :

-   au total, la ville importe 1000, soit ce qu’elle a exporté même si les salariés de l’usine eux-mêmes n’ont importé que 100 ;

-   la « production » totale de la ville, services locaux compris,  est de 10 000 et non pas de 1000 ;

-   les 500  emplois de départ en ont généré 4500, soit 5000 au total.

Comme l’ « importation » de certains biens est une nécessité absolue, que l’homme ne peut pas vivre seulement de  services locaux (coiffeur, médecins etc.), on conçoit que si l’usine ferme, c’est toute l’économie locale qui va dépérir. Sans doute, dans les cas concrets de délocalisation, des revenus de substitution (subventions, préretraites, allocations de chômage) permettent de tempérer l’effondrement. Mais on observe aussi que dans toutes les petites villes  où des usines ferment, la population diminue au cours des années qui suivent.  Et on imagine ce qui arriverait si tout le pays était frappé.

Il est donc absurde de réduire l’impact des délocalisations aux seuls emplois délocalisés. Il faut leur affecter un « multiplicateur » variable,  qui dans notre exemple est de 10,  pour mesurer l’emploi total.

Si l’on se réfère aux chiffres de l’INSEE, ce ne sont donc pas 90 000 emplois qui ont été perdus de 1995 à 2001  mais 900 000. Et sans doute autant plus depuis.  

Il est extraordinaire que des rapports officiels sur les délocalisations  ne pas mentionnent même pas le phénomène du multiplicateur !

Ce phénomène   explique l’extrême sensibilité de l’ensemble de l’économie à la variable du taux de change extérieur, laquelle  détermine largement la capacité d’exportation.

Le multiplicateur est-il de 10 ? Il  est peut-être que de 5  ou de 15 ; tout dépend de la structure de consommation des Français,  mais  il tend à s’élever : dans une économie de services (dont notre exemple montre cependant quelle ne peut pas être que de services) les produits proprement dits, surtout si on les évalue au prix de gros, pèsent de moins en moins dans le budget des ménages.

On ajoutera pour être complet que l’argent  « extérieur » à la ville, dont on a vu qu’il était nécessaire au circuit économique,   peut s’obtenir autrement que par la production manufacturière. Il peut être apporté par exemple par les touristes. Dans le cas des Etats-Unis, en raison du  privilège du dollar, monnaie mondiale,    la possibilité de pouvoir émettre de l’argent sans contrepartie productive  et donc de vivre en déficit chronique,  suffit à amorcer la pompe d’une économie de services intérieurs  prospère : les Américains étant de grands procéduriers, ils suffit  qu’ils dépensent de plus en plus pour payer leurs avocats  pour   que le produit intérieur  augmente, sans accroissement des exportations.

Un  pays comme la France n’a pas ce privilège (3). Il ne saurait non plus  se résigner à n’être qu’un   parc à touristes (même si le tourisme contribue beaucoup à notre balance des paiements). Il est donc impératif qu’il défende son appareil productif.

 

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

1.                     On se référera par exemple au chapitre « Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française » du rapport INSEE 2005 ou encore à la note de Laurence Bloch « Impact et mesure des délocalisations »  ( rapport CPCI – 2005) .

2.                     Mais la population active ayant effectivement un emploi n’est que de 25 millions.

3.                     Cependant l’économie de certaines collectivités d’outre-mer, dont les exportations sont faibles,  ne fonctionne pas différemment  de celle des Etats-Unis. Grâce aux transferts de la métropole et au  multiplicateur, le PIB / habitant de la Polynésie française est ainsi supérieur à celui de la Nouvelle-Zélande mais on mesure combien cette situation est artificielle.

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29 septembre 2007 6 29 /09 /septembre /2007 22:01

 

 

Il est des décisions apparemment anodines qui  représentent  un grave danger pour la paix.

Il en est ainsi de l’indépendance du Kosovo souhaitée par le président Bush et plusieurs Etats européens.

L’indépendance du Kosovo serait la première transgression d’une règle non écrite qui a prévalu partout en Europe depuis 1990. De même que les frontières entre Etats sont, conformément à la charte de l’ONU et aux accords d’Helsinki, tenues pour  intangibles, l’éclatement des fédérations quand il a lieu doit suivre le pointillé des limites entre les entités antérieurement fédérées. C’est dans le respect de  cette règle  qu’ont éclaté l’URSS, la Yougoslavie puis la  Tchécoslovaquie.

Les effets en  sont sans doute discutables : la Biélorussie qui ne souhaitait pas être indépendante l’est devenue. La Tchétchénie qui voudrait l’être ne l’est pas,  tout comme  l’Abkhazie ou la Crimée. La Bosnie-Herzégovine et la Macédoine ,  dépourvues d’homogénéité sont devenues des  Etats,  le minuscule Monténégro aussi  parce qu’ils étaient fédérés au sein de l’ensemble yougoslave,  à la différence du  Kosovo qui n’était , lui, qu’une province autonome de la Serbie.

Mais pour discutable que soit cette règle, sa transgression aurait d’immenses conséquences : elle ouvrirait vite la voie à toutes les revendications sécessionnistes et appellerait à terme un immense redécoupage de la carte politique de l’Europe  qui ne pourrait se faire que dans le sang. En Russie, non seulement les Tchétchènes, mais encore les Ingouches, les Tatars voudront leur  Etat. Les Serbes et les Croates de Bosnie revendiqueront légitimement leur rattachement à la Serbie et à la Croatie. L ’équilibre fragile auquel est parvenu la Bosnie-Herzégovine serait remis en cause. Les Hongrois de Roumanie, de Slovaquie ou de Serbie pourraient seraient aussi fondés à bouger. Des pays comme la Belgique ou l’Espagne  pourraient être ultérieurement ébranlés.   

En écartant le critère abrupt  de l’intangibilité des frontières internationales ou internes aux ex-fédérations, l’indépendance du Kosovo ouvrirait la porte à une  logique purement ethnique, celle qui avait  en son temps fondé la revendication des nazis sur les Sudètes, sur l’Autriche, puis sur Dantzig et l’Alsace-Moselle. On voit poindre à terme une immense remise en cause de l’équilibre européen.

Dire que cette transgression ne vaudra que pour le Kosovo et pour personne d’autre ne pourrait être ressenti par les Serbes de Bosnie et plus largement le monde orthodoxe, Russie en tête,  que comme une  grave injustice.

Avec  le risque de rallumer chez lui de nouvelles  dissidences, c’est ce qui motive le raidissement de Poutine  sur ce sujet.

Il n’est pas sûr que le président  Bush ait une pleine conscience de ces risques. C’est avec la même  inconscience  que le président Wilson avait, en 1919, à partir de quelques principes abstraits, imposé à l’Europe un découpage politique ingérable.

C’est pourquoi il faut espérer qu’au sein de l’Union européenne, quelques dirigeants avisés sauront  éviter que l’on ouvre à nouveau la boîte de Pandore.

L’incendie balkanique des années 90 avait été contenu. Rien n’assure que, si l’on joue avec le feu, le prochain le sera.

 

 

 

 

Roland HUREAUX*

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29 septembre 2007 6 29 /09 /septembre /2007 21:12

 

 

DU TOUR DE FRANCE  AU JEU DES CHAISES MUSICALES

 

 

Les vrais économistes le savent: parmi les facteurs qui dépendent de la puissance  publique, aucun n’a un effet aussi déterminant sur l’économie que le taux de change de la monnaie.

Un pays peut survivre à un grave déficit budgétaire, à une inflation excessive, à une politique sociale trop généreuse, à  des nationalisations inopportunes mais une mauvaise politique monétaire peut avoir pour lui des effets catastrophiques.

 

Les erreurs monétaires ne pardonnent pas

 

 

Les exemples abondent : quand l’Angleterre, avant   et après la deuxième guerre mondiale , a voulu défendre à toute force le cours de la livre, tant pour des raisons de prestige que  pour éviter qu’on lui demande de rembourser les balances sterling  (1), elle l’a payé d’un demi-siècle de  croissance ralentie et d’un grave déclin ; elle n’en est sortie que quand cette hypothèque a été levée, au début des années quatre-vingt : plus qu’aux réformes libérales, le redressement  de l’époque Thatcher est l’effet de  l’affaiblissement délibéré de la livre (2).

Le dogmatisme d’Antonio Salazar,  professeur d’économie et dictateur qui prétendit faire de la monnaie portugaise, l’escudo, la monnaie la plus forte du monde, a contraint  à l’émigration des centaines de milliers de travailleurs portugais victimes du chômage et de la faible croissance que cette politique absurde avait  entraînés. 

L’extrême sensibilité de la variable économique s’observe  encore aujourd’hui : la baisse du dollar intervenue depuis  quelques années a déjà remis en équilibre la balance commerciale américaine.

Comment en irait-il autrement ?  Le taux de change n’est rien d’autre que  le  prix de vente moyen  des produits d’un pays. Quel commerçant ignore  combien son chiffre d’affaires est tributaire de ses  prix de vente ?

A condition de maîtriser l’inflation qui risque d’en résulter,  un pays a donc toujours intérêt à tirer sa monnaie vers le bas, comme un commerçant à  tirer  ses prix. Il risque sinon de perdre  sa substance économique. Si le Massif central avait eu autrefois  son autonomie monétaire,  nul doute qu’il eut pu garder son tissu industriel, comme l’a fait la Suisse. Mais prisonnier d’un étalon monétaire national peu adapté à ses handicaps, il a peu à peu perdu, comme on le sait,  sa substance.

Ce rôle décisif de la variable monétaire   doit être gardé en perspective dans le débat actuel sur l’euro fort.

 

Raisonner à la marge

 

 

A tort,  on dit que ce débat ne porte que sur une fourchette de dix à quinze pour cent alors que les salaires de  nos concurrents  asiatiques sont dix ou vingt fois plus faibles, qu’une dévaluation  de l’euro de 10 % n’apporterait donc pas de solution  au problème que rencontrent nos industries en voie de « délocalisation ».  Les questions monétaires, comme presque toutes les questions économiques,  doivent faire l’objet d’une approche marginaliste : notre problème n’est pas de multiplier par dix ou vingt notre emploi : l’augmenter de seulement 5 % (ou empêcher qu’il s’affaiblisse de la même proportion)  suffirait à rétablir le plein-emploi : une baisse de notre monnaie, même modeste,  fait passer au dessus du  seuil de compétitivité  un certain nombre d’entreprises qui sans cela seraient au dessous. A quoi s’ajoute l’effet du « multiplicateur » qui, à partir d’un certain nombre d’emplois directement tributaire de  l’exportation démultiplie les emplois intérieurs créés.

 

Une question de braquet

 

 

Un autre mauvais argument consiste à  déplacer la question sur un terrain qui n’est pas le sien, celui de la morale,  à dire d’un air pincé : le taux actuel de l’euro convient aux Allemands, les Français doivent s’y adapter aussi,  mais il faut pour cela  qu’ils soient  plus disciplinés, qu’ils acceptent des réformes, qu’ils fassent  moins grève, qu’ils se serrent la ceinture etc.

Raisonnement simpliste : un taux de change est comme le braquet avec lequel  un cycliste monte un col au  Tour de France (ou  toute autre compétition). Selon son gabarit,  le coureur  utilisera pour arriver à  la même performance que les autres un gros ou un petit braquet. Le coureur qui prend un braquet trop élevé pour son tempérament risque de s’effondrer alors qu’en le réduisant, il irait plus vite que son concurrent. La société allemande et la société française présentent des différences sociologiques et culturelles profondes. Ce qui convient à l’une ne convient pas forcément à l’autre. Rien de honteux à cela. De 1958 à 2000, le mark s’est réévalué d’environ  un facteur trois par rapport à toutes les autres monnaies dont le franc. Dans cette histoire, c’est le mark qui a eu un comportement aberrant par rapport  au courant dominant. Le franc a, lui,   sur cinquante ans, avec des hauts et des bas, vogué de conserve avec le dollar, ce qui somme toute n’est pas si mal.

Quand on est en difficulté  à mi-pente, il  est plus facile de changer de braquet que de jambes.  C’est la monnaie que l’on ajuste d’abord,  pas l’économie. L’ajustement d’une monnaie a des effets immédiats, l’ajustement d’une économie peut prendre des années et se trouver même lourdement entravé  si le taux de change demeure  artificiel. 

Si l’économie allemande tient, pour le moment,  le choc d’un euro fort , c’est un peu  parce que  l’Allemagne  a , sous le gouvernement Schröder, réduit ses salaires réels, c’est surtout parce qu’elle se trouve   pour quelque  temps encore en quasi-monopole mondial sur les machines-outils (2)  . Tant que la Chine qui lui en achète beaucoup n’aura pas entièrement assimilé  sa technique, elle a donc plutôt intérêt à vendre cher. Nos productions phare (aéronautique, automobiles, agriculture) sont au contraire directement exposées à la concurrence   de la zone dollar. Il y a toujours dans une zone monétaire des secteurs ou des régions qui tiennent mieux le choc que d’autres,  mais si l’on veut employer toute la population active, il faut aussi protéger les plus faibles. Si l’Ile de France était indépendante, elle pourrait peut-être, comme l’Allemagne ou l’Irlande,  s’accommoder d’un euro fort, mais la France ne se réduit pas à la seule région parisienne.  Pas davantage l’Europe ne se réduit   à la seule Allemagne.

On aura compris que la  zone euro recouvre des économies  qui ne sauraient toutes rouler  avec le même « braquet ». Alors pourquoi l‘euro,  dira- t-on ? La création de  l’euro aurait dû reposer  sur un pacte implicite : le comportement de l’euro serait  la moyenne du comportement des monnaies auxquelles il s’est substitué. Mais l’euro tel qu’il fonctionne aujourd’hui, c’est le  mark élargi à tous. De graves  tensions mettant en cause sa pérennité ne peuvent pas, dans ces conditions, ne pas apparaître.

Ces considérations montrent ce qu’avait  de déplacé la morgue du ministre des finances allemand qui, lors du dernier sommet de Bruxelles, répondait  à son homologue français  que pour sa part, le  taux actuel de l’euro  lui convenait très bien. La France critique le taux de l’euro – et par  là la politique de M.Trichet – mais les autres pays en dehors de l’Allemagne souffrent au moins autant que nous, si ce n’est plus, quoique , subjugués , ils ne disent rien. 

Mme Christine Lagarde, notre ministre des finances a fait presque toute sa carrière aux Etats-Unis  mais il n’est pas sûr qu’elle sache qui est Robert Mundell.  Dommage ! Si  Mme Lagarde connaissait Robert Mundell, elle aurait pu  clouer le bec à  son homologue allemand. Mundell, professeur à l’Université de Columbia  et prix Nobel d’économie est le théoricien des zones monétaires optimales, lesquelles selon lui   supposent un minimum d’homogénéité économique et culturelle. L’Europe, au regard de cette théorie,  se trouve  à la limite de  l’optimum, ce qui justifie une politique prudente de la Banque centrale européenne tenant compte des intérêts de tous. Avec M.Trichet qui se comporte comme s’il était aux  ordres  de l’Allemagne (3), nous sommes loin du compte.

On  a également  tort de dire que le taux de  l’euro  n’affecte que la compétitivité extra-européenne    de l’économie française puisque tous les pays d’Europe ( hors le Royaume-Uni et les nordiques bien entendu) sont  logés à la même enseigne : avec le temps, les économies européennes ont divergé quant  à la hausse des prix et  des salaires, quant aux  politiques  de crédit et budgétaires. Ils  se sentent plus ou moins à l’aise dans le corset commun. Là aussi, pour que l’enveloppe ne craque pas, il faut que tout le monde y trouve son compte.  

 

Le jeu des chaises musicales

 

 

Mais comment, dira-t-on, définir le bon taux de change d’une monnaie ?  Depuis que l’étalon-or n’existe plus,   les grandes monnaies du monde se définissent les unes par rapport aux autres. Si globalement  chacun des grands blocs monétaires a intérêt à  dévaluer sa monnaie pour trouver un avantage compétitif, comment éviter l’anarchie des   dévaluations compétitives en cascade ?

De fait un équilibre s’établit entre les grands blocs mais il n’est pas également avantageux à tous. Pour le définir on utilisera une autre image : le jeu des chaises musicales. Pour que le majorité des joueurs  soit avantagée, il faut qu’au moins  un des partenaires soit, en termes relatifs,  désavantagé.  Comme dans le jeu où il n’y a que cinq sièges pour  six  joueurs, l’un des joueurs reste debout. 

Dans le monde actuel, le joueur debout, c’est manifestement l’Europe, qui, à ses dépens, laisse les autres grandes monnaies du monde se dévaluer par rapport à la sienne.

Situation  d’autant plus remarquable qu’avec M.Trichet à la tête de la Banque centrale européenne, elle est une victime consentante. Trichet  tient, comme Salazar autrefois, que l’optimum économique, c’est  la  monnaie la plus forte possible. En se tenant à cette ligne, davantage fondée sur l’idéologie que sur  une véritable expertise économique,   le grand argentier de Francfort  facilite la tâche de ceux qui régissent les autres grandes monnaies, dollar en tête. L’Europe le paye d’un taux de croissance plus  faible que le reste du monde : peu lui en chaut.

 

Face au couple dollar-yuan

 

 

Reste un dernier argument en faveur de l’euro fort  auquel il nous faut faire un sort : la balance commerciale des Etats-Unis a été jusqu’à une date récente la plus déficitaire du monde et leur  balance des paiements  l’est toujours alors que celle  de la zone euro demeure (au moins jusqu’ici) excédentaire. On sait que les Etats-Unis peuvent s’offrir ce luxe en raison du privilège du dollar, monnaie internationale. Il reste que tout économiste orthodoxe contestera à juste titre  que la monnaie d’un pays excédentaire puisse  être tenue pour surévaluée par rapport à celle d’un pays déficitaire.

Ce raisonnement tiendrait sans aucun doute si l’Europe avait pour seul partenaire les Etats-Unis, si l’euro n’avait en face de lui que le dollar stricto sensu. Mais derrière le dollar , se trouve toute  la zone dollar, c’est  à dire toutes les monnaies alignées  en droit ou en fait sur le dollar par un taux de change fixe, la principale et de loin  étant le yuan chinois.

Ce que l’Europe a en face d’elle, ce ne sont donc pas les Etats-Unis seuls, c’est le couple Etats-Unis–Chine (et quelques autres pays dans une situation analogue). Couple assurément fort dissymétrique, « sado-masochiste » diront certains. En accrochant le yuan au dollar à un taux très faible, les Chinois pratiquent un dumping monétaire aux effets  dévastateurs pour les vieux pays industriels dont nous sommes (4). Au taux de  1,40 dollar pour 1 euro,  si l’économie américaine n’est devenue  que moyennement compétitive, celle de la Chine est, elle,  ultra-compétitive. La Chine casse les prix, notamment dans toute une  série de produits manufacturés que l’Europe fabriquait  naguère en abondance.  Entre la Chine et les Etats-Unis,  la situation est certes très déséquilibrée : la première travaille dur  et consomme peu, elle accumule des dollars qui ne lui servent à  rien mais qui perdraient leur  valeur si elle demandait à les changer brutalement.  Les Etats-Unis produisent de moins en moins  (en dehors du secteur de l’armement et des secteurs connexes) et accumulent des dettes qu’ils n’auront jamais à rembourser. Les produits manufacturés traversent le Pacifique d’Ouest en Est, le papier–monnaie (ou son équivalent) fait le chemin  inverse. Combien de temps durera cette situation ? Il s’agit là d’un vrai problème mais qui n’est  pas directement le notre,  à nous européens : le fait est que par rapport au couple dollar-yuan, l’euro est bien surévalué et que notre continent se trouve durablement dans la position du joueur qui, au jeu des chaises musicales, s’est  fait « couillonner ».

 

 

Roland HUREAUX

 

 

1.                          Les balances sterling étaient les avoirs libellés en livres sterling détenus par un certain nombre de banques centrales, notamment du Commonwealth ou par des  particuliers, reste de l’époque où la livre avait été  une monnaie de réserve.

2.                          Il s’en faut de beaucoup que l’Allemagne ait cherché à partager sa compétence dans les domaines où elle était en tête alors que la France n’a pas été avare des siennes dans des domaines où elle surclassait l’Allemagne comme l ‘aéronautique ou l’espace.

3.                          M.Trichet dira qu’il ne fait que respecter les statuts de la banque centrale européenne qui lui assignent la : mission prioritaire de lutter contre l’inflation. Cet accent unilatérale sur la stabilité fut une condition exigée par l’Allemagne pour entrer dans l’euro, dont, au départ, elle  n’était pas demandeur.  

4.                          On estime que le yuan est sous-évalué  d’environ 50 %.

 

 

 

 

 

 

 

 

  

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