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Roland HUREAUX

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21 avril 2007 6 21 /04 /avril /2007 01:11

 

Rarement une élection aura suscité en France tant de passion et tant d’espoirs que la présente présidentielle.

Passion : non point que cette campagne ait donné lieu à des excès, au contraire,  mais du fait que, comme jamais, les Français s’y sont investis, ont suivi le parcours des candidats, les ont écoutés, ont discuté leurs propositions. Pour qui rêve d’une république citoyenne idéale, dont chacun des membres s’impliquerait profondément et gravement dans la chose publique, on n’est pas loin du compte. Tout laisse penser que le taux de participation sera dimanche très élevé.

Espoirs. La France a le sentiment de traverser une crise profonde. Pas seulement une crise économique et sociale : on a vu pire ; mais surtout  une crise de leadership : l’impression  confuse que les chefs qui ont eu mission de la diriger  au cours des trente dernières années n’étaient pas à la hauteur, que la classe politique a eu une action globalement négative,  ce pourquoi elle   est discréditée.

A cela s’ajoute une relève de génération : à droite  comme à gauche, les hommes qui ont dominé le paysage depuis trente ans ont disparu ou disparaissent de la scène : Giscard, Mitterrand, Chirac, Balladur, Jospin. Les candidats des deux grands partis  sont, sinon des hommes et des femmes neufs, du moins de nouveaux candidats,  relativement jeunes.

Les Français attendent une rupture avec le passé récent. Ils veulent, sans savoir exactement quelle forme elle doit prendre, une  nouvelle « gouvernance ». Malgré son côté fallacieux, voire dangereux, l’annonce d’une rupture constitutionnelle, voire d’une VIe République, vise à répondre à  cette confuse aspiration.

Or cette immense attente des Français est profondément pathétique.

Elle est pathétique parce qu’elle ne rencontre aucune offre politique qui soit à la hauteur, ni près.

Aucun des trois grands candidats qui se proposent à leur choix ne présente quelque garantie que ce soit d’instaurer  une nouvelle politique, fondamentalement différente de celles qui ont  au fil des  ans attisé leur  mécontentement.

Qui peut croire que Nicolas Sarkozy, clone de Chirac à presque tous  égards, d’autant qu’il n’a connu depuis ses vingt ans d’autre école politique qu’un  RPR déjà chiraquisé : pragmatisme sans principe, langue de bois, vide de la pensée, esclavage du politiquement  correct médiatique,  rodomontades de chef et  propension démagogique  à plier au premier obstacle, puisse représenter un changement  par rapport à ce qui se pratique depuis trente ans  à droite :  fausses réformes en trompe l’oeil, toc, concessions aux modes, laxisme financier et  policier, en dépit d’une rhétorique contraire ?  Comment attendre des miracles d’un gouvernement  Sarkozy  dont les membres  ne seront guère différents des équipes Raffarin ou Villepin ?

Qui peut croire que Ségolène Royal, élevée dans le sérail de François Mitterrand, bordée d’éléphants tous issus de la même école,  peut représenter quelque nouveauté que ce soit dans une gauche en grave crise idéologique ?  Quel effet fera sur l’opinion cette fine équipe rassemblée au sortir du premier conseil des ministres comme autrefois à  Solutré ?

François Bayrou est certes moins le fils de Giscard que les autres ne le sont de Chirac et Mitterrand  Mais à peine. Plaide pour lui un parcours personnel original, un tempérament plus calme, une vraie connaissance de l’histoire de notre pays (pas seulement  celle d’Henri IV ! ). Mais personne ne croit sérieusement qu’il réconciliera la droite et la gauche, ce qui d’ailleurs n’est pas souhaitable dans une démocratie moderne. Au mieux peut-il  espérer  renouveler en profondeur le personnel de la droite et du centre, ce qui ne serait déjà pas si mal. A condition toutefois d’élargir ses équipes  bien au-delà d’un vivier centriste à la culture politique singulièrement étriquée. Son populisme tourne en partie à vide dans la mesure où il  ne remet pas en cause la mécanique européenne actuelle, obstacle à toute  réforme profonde de la politique française (mais s’il l’avait fait, n’eut-il pas été impitoyablement marginalisé ? ) . C’est peut-être pour cela que,  au moins si l’on en croit les sondages, sa victoire n’est pas la plus probable.

Non seulement l’offre politique n’est pas à la hauteur de l’immense espérance que suscite   cette élection,   dans  le moment particulier que nous vivons, mais le risque, quel que soit l’élu, est celui d’une tout aussi immense déception. On sait que  Ségolène Royal n’arrive  pas, par ses capacités,  à la  cheville de François Mitterrand.  Sarkozy, enfant de Chirac quoi qu’on dise,  n’a aucun de ces stabilisateurs qui s’appelaient la Plateau de Millevaches ou Bernadette.  François Bayrou demeure une inconnue : avec lui,  la déception n’est pas d’avance certaine mais elle n’est pas à écarter non plus. 

Les partisans  des  uns et des autres ne  se  cramponnent à leurs illusions, parfois avec intolérance,   que parce qu’ils ont peur de regarder ce vide en face.

Non seulement donc les choses ont peu de chances d’aller mieux mais elles risquent d’aller plus mal. C’est parce que les Français  le pressentent qu’ ils hésitent tant .

C’est ce qui rend pathétique l’ espérance considérable que semble porter avec elle cette élection.

Quoi qu’en dise la chanson, il y a quelquefois des « sauveurs suprêmes » mais les peuples ne les méritent pas toujours.

Qui dira avec quelle ardeur combien  nous souhaitons nous tromper ?

 

Roland HUREAUX

 

 

 

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