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Roland HUREAUX

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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 14:45

Voilà dix-huit ans que  ça dure !  Chacune des lois  touchant à l’organisation des collectivités locales contient des dispositions tendant  à vider de leur substance les communes, petites et grandes.  Faute de pouvoir rayer d’un trait de plume   ces entités millénaires (certaines datent le la période la Tène III) , la technocratie,  ambitieuse  de les « réduire » comme  les légions romaines voulaient  réduire  la dissidence des villages gaulois, leur fait une  guerre d’usure, profitant de chacune  des réformes  pour avancer ses pions.

C’est avec  la loi Joxe  de  1992 que tout  a commencé (1) , puis il y eut la loi Pasqua (1995) , la loi Chevénement   (1979) :  chaque fois , l’étau se resserre. La seule pause de ce rouleau compresseur mu  par une technocratie   impitoyable  fut la loi Raffarin de 2005 .  Sans doute parce que l’ancien premier ministre connaissait mieux la France profonde, pour la première fois, une loi de décentralisation ne portait pas atteinte aux prérogatives des  petites communes.  Las , avec le projet actuellement en discussion au Parlement, le mouvement a repris.  

Moins médiatisé  que la question du département, parce qu’il  touche  moins aux intérêts  des grands élus, députés, sénateurs, présidents de conseil régional et régional, ce volet de la loi est pourtant le plus lourd de conséquences  en termes de civilisation.

Les communes  avaient  été dès 1992 encouragées à s’intégrer dans des communautés de communes ( en zone urbaine,  communautés  d’agglomération) destinées à se substituer aux anciens syndicats. Théoriquement libres d’adhérer, les petites communes furent soumises à  une forte pression des préfets ;   il fut même établi  en 1975  que les dotations de l’Etat seraient proportionnelles au degré d’ « intégration financière » des communautés désormais tenu pour une fin en soi. . 

Non seulement ce dispositif n’entraîna nulle part de vraie réflexion sur l’aménagement du territoire (2), mais il fut le point de départ  , promesses de financement  aidant, d’une  multiplication de projets dispendieux. Les nouvelles entités furent aussi le prétexte de recrutements massifs   : environ  250  000 nouveaux  postes de fonctionnaires, alors même que les effectifs des communes  continuaient  d’augmenter.    

La raison de cette aberration ? Notre classe dirigeante  s’est persuadée  au fil des ans que 36 682 communes étaient un archaïsme , un handicap pour la France .  Ignorants du terrain,  oubliant que sur les 500 000 élus locaux, 450 000 étaient des  bénévoles, ou   que    la plupart des petites communes  étaient gérées par leurs conseils municipaux avec la même parcimonie que des propriétés privées   , certains y ont  même vu une source de gaspillage. Jamais au demeurant un créateur e richesse quel qu’il soit (chef d’entreprise, agriculteur,  artisan,) ne s’était plaint du morcellement communal , au contraire.

C’est à tort que l’on a dit que le projet de loi  actuellement soumis au Parlement  « sanctuarisait » la commune. Sans aller jusqu’à reprendre les propositions de la  commission Balladur qui prévoyait son « évaporation », il met néanmoins en place toutes les armes  pour lui donner le coup de grâce.  L’élection au suffrage direct des   délégués communautaires , conjuguée à l’intégration financière,   vide  de toute  raison d’être  les instances communales.   Le  poids des petites communes dans les conseils communautaires est   réduit ,  la création de  « communes nouvelles » fusionnées est    encouragée, la   « rationalisation de l’intercommunalité » ne  doit   subsister, selon certains préfets,  que trois ou quatre  grands ensembles par département ; enfin le    pouvoir de police du maire pourra être transféré aux exécutifs intercommunaux.  Même si la commission compétente du Sénat a atténué certains aspects du projet,  son  sens général demeure.

Dans une société qui perd ses repères, est-il donc  si urgent  de détruire un des plus anciens qui soient, de  transformer nos communes   en lieux-dits, de remplacer , car c’est bien à cela qu’on aboutira , un demi-million de bénévoles par des fonctionnaires ?

Toute la mécanique que nous venons de décrire repose sur  l’illusion de  la fausse modernité propre aux modes de pensée idéologiques : quand comprendra-t-on qu’en préservant,  en pleine révolution industrielle, le décorum de la monarchie britannique, Disraeli fut  plus moderne que Ceauscescu  rasant les villages pour les remplacer par des  blocs HLM ? Quand notre élite reconnaîtra-t-elle que 36 000 communes , coopérant dans le liberté et sans perspective de fusion, sont pour la France une  force et non une faiblesse ?

 

        Roland HUREAUX

 

 

1.      La loi Marcellin de 1972  qui déjà visait à la réduction du nombre des communes, mort-née, n’a qu’un intérêt historique.

2.      Sauf au sein des « pays » qu’il est pourtant question d’abolir.

 

 

 

 

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commentaires

H
<br /> <br /> Bien d'accord avec votre vision fonctionnelle et historique du rôle communal. Juste un détail : la Loi Marcellin date de 1971 et non 1972. Elle montre bien la venue rapide de concepts<br /> Jacobinistes, qui, sous une tentative de "fusion" cachait les débuts de la destruction des communes. Ces dernières finissant bientôt "coquilles vides" pour reprendre l'expression de Maurice<br /> Bourjol.<br /> <br /> <br /> <br />
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