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Roland HUREAUX

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:21

Paru dans Marianne2  

 

La déroute de François Bayrou fait oublier qu’il fut bien près de gagner la dernière élection présidentielle.

Revenons  trois mois avant  celle-ci. La cote de Sarkozy était au plus bas : on s’accordait même autour de lui à penser  qu’il ne  pouvait plus gagner. Il payait le prix à la fois d’une  politique de  réformes brouillonnes  qui lui avait valu beaucoup d’ennemis, souvent pour pas grand-chose,  et d’une personnalité imprévisible et stressante, qui, aux yeux de beaucoup de Français,  ne convenait pas à la fonction.  Au même moment, les sondages donnaient  Bayrou gagnant au second tour contre tout adversaire,  y compris Hollande.

Une conclusion s’imposait :  Bayrou  ne devait pas faire campagne « à mi-chemin de la droite et de la gauche »  -  un lieu  géométrique  pour le moins difficile à situer  pour  les  électeurs qui dénonçaient  la ressemblance des programmes UMP et  PS et qui auraient dû  être sa cible principale !    

Bayrou devait faire campagne au centre droit et  même à droite. C’est d’ailleurs là que  le parti communiste,  mais aussi une partie de l’électorat a toujours situé  le soi-disant centre. Souvenons-nous  du duel  Pompidou-Poher vu   par Jacques Duclos : « blanc bonnet  et  bonnet blanc » ! C’est aussi comme cela qu’on le voit  dans les campagnes béarnaises  où les centristes sont  du côté du curé, donc de droite.  

L’affaiblissement extrême du candidat de l’UMP, dans une partie du spectre politique  proche  du sien  où les électorats sont relativement fongibles, lui offrait un trou d’air, une chance exceptionnelle   qu’il n’a pas saisie.

Il a cru  au  contraire que  son potentiel électoral  était à gauche. Grave erreur !  Il se fondait    sur l’expérience de 2007.  Une expérience  très singulière et qui avait peu de chances de se répéter : le machisme du PS et la  personnalité  bien  injustement contestée de Ségolène Royal,   conjugués à un effet de mode « bobo » , avaient  porté une partie des  électeurs naturels du PS à se rallier à lui (c’est essentiellement ceux-là  qu’il a perdus, descendant de 18,5  à 9,3  %).  Mais dès lors que François Hollande avait une  pleine légitimité à gauche,  François Bayrou n’avait en 2012  aucun espace de ce côté.

Au  souvenir  de l’élection précédente s’ajoutait le vieux complexe des centristes vis-à-vis de la gauche.  Non reçus à gauche, autrefois  à cause de la religion, aujourd’hui, de la pesanteur sociologique et du  sectarisme, ils sont d’autant plus  fascinés  par elle  et passent leur  temps à lui faire des clins d’œil, des avances,  jamais payés de retour. Ceux de Bayrou aux rocardiens au cours de la dernière campagne sentaient tant  leurs années soixante-dix !

C’est le même complexe qui avait amené le président du MODEM à se rallier, il y a déjà quelques années, au mariage (mais non à l’adoption)  homosexuel. Il n’en tira pas une voix à gauche, tandis qu’il se coupait de sa base catholique – la vraie, pas l’équipe de Télérama ! 

Bloqué  à gauche,   Bayrou  avait encore, pour percer,   la solution d’aller droit  au peuple  sur de sujets qui n’étaient encore investis par aucun des extrêmes. Il l’a tenté une fois, mollement, en promouvant le made in France. Ce fut  à peu  près tout. Hélas pour lui, il  n’eut  pas l’occasion, comme en 2007 d’administrer  une  claque à un  jeune effronté  ce qui n’avait  pas peu contribué, on s’en souvient, à  sa percée populaire.   Le reste de ses propositions n’avait pas de  quoi emballer l’électeur : retour à la proportionnelle, non-cumul des mandats, prise en compte du vote blanc,  équilibre budgétaire au prix d’un alourdissement des impôts, des propos raisonnables sur l’éducation nationale mais qui ne pouvaient susciter l’enthousiasme. Même sans empiéter sur les plates-bandes du Front national , les sujets pourtant ne manquaient  pour aller au devant du sentiment populaire , notamment   les mille et une réformes  qui désespèrent les Français :  démantèlement des services  publics, abandon de la politique d’aménagement du territoire, désordre des politiques sociales,  pénurie de logement, intercommunalité  désordonnée,  escalade normative  etc.

François Bayrou est resté prisonnier de ce qui caractérise désormais, plus que tout,  le centre : non plus l’idéologie démocrate-chrétienne, à bout de souffle,   mais la proximité avec la technocratie. Camdessus, Peyrelevade, une partie des « Gracques »  trouvent Bayrou très bien : c’est déjà  mauvais signe. Car c’est de ces ceux-là  que viennent , sur fond d’  européisme intégriste , à peu  près toutes ces  réformes que nous venons d’évoquer et qui  sont  si mal reçues des  Français,  y compris celles  que l’on a imputé à tort à Nicolas Sarkozy comme l’introduction des méthodes  managériales  dans le secteur public et  la mesure généralisée de la  performance qui va avec.

 

L’attentat  de Montauban  

 

La rupture de Bayrou avec la droite fut  consommée avec  l’attentat    de Montauban.  Pointant immédiatement un doigt  accusateur vers Le Pen et Sarkozy,  il  péchait non seulement  contre la  vertu de prudence mais aussi contre celle  de justice,  car on ne savait encore rien du meurtrier. C’était ensuite  une grave erreur sociologique. Il y a certes en France quelques  allumés  d’extrême-droite : depuis trente ans c’est eux que l’on accuse en premier,  comme les Juifs au Moyen-Age, avant de devoir généralement  se   raviser. Mais c’est bien mal connaître la psychologie de ces gens-là (fort peu nombreux au demeurant)  que d’imaginer qu’ils pourraient tirer  sur un soldat français, quelle que soit la couleur de sa peau. Gageons que dans leur piaule trône un képi blanc !   Le  racisme français s’est toujours arrêté  aux portes  des casernes de la  Légion !  

Mais Bayrou commettait aussi une erreur politique : même si la droite n’est pas l’extrême droite,  une partie   ressent mal, qu’on le veuille ou non, les attaques véhémentes dont  celle-ci fait l’objet,  comme beaucoup d’électeurs de la gauche modérée ressentaient  mal  autrefois ce que Georges Marchais appelait l’ « anticommunisme primaire ». En faisant du Front national  (et indirectement  de  Sarkozy)  sa  cible privilégiée, Bayrou avait, certes,  la satisfaction de jouer au progressiste  mais il se coupait   de l’électorat qui seul pouvait lui permettre d’accéder au second  tour : on ne convainc pas les gens de  droite, même modérés,  avec des arguments  de gauche !    L’idée, propagée par les médias, qu’à côté de la « droite glauque », existerait une  « droite républicaine » partageant avec la gauche l’horreur du FN   est largement  illusoire. Il  y a certes  des politiciens de la droite classique qui prennent cette posture, à la fois parce que  Le Pen chasse sur  leurs terres (si mal gardées !) et qu’  ils veulent continuer d’être invités par les médias.    Mais  la grande majorité de l’électorat modéré, sans vouloir nécessairement que Marine Le Pen vienne au pouvoir, ne sympathise pas du tout, au contraire,  avec les campagnes  supposées  antiracistes  menées contre elle. Le durcissement  des attaques contre le FN en fin de campagne a sans doute  contribué à  la remontée de Sarkozy ! On pourrait même aller plus loin :    combien de retraités de l‘EDF ou de La Poste,  qui votent   socialiste par habitude,  s’inquiètent    en privé davantage   de l’immigration ou de  l’insécurité que  de leurs avantages acquis?

La droitisation de l’opinion (qui rend d’autant plus paradoxal un basculement à  gauche du gouvernement ! ) , le passage  au parti socialiste  de ce qui reste de la démocratie chrétienne ( l’Ouest, incarné par le nouveau premier ministre, formé au MRJC , comme les Pyrénées atlantiques,  est en passe de devenir un  fief socialiste ) :  tout cela  laisse peu de place au centre tel qu’on l’avait connu autrefois. Quant à la vingtaine de centristes qui demeurent au sein de l’UMP autour de Borloo, il est vraisemblable que, plus que jamais, ils ne seront que des figurants.

Il est  significatif que , dans le naufrage du MODEM , les seuls survivants soient  les deux représentants de  ce qu’on pourrait  appeler, sans que  cela ait pour  nous rien de péjoratif , le populisme du centre ; Philipe Folliot et  Jean Lassalle , le premier ancien du RPF de Pasqua, le second  défenseur intraitable de son terroir  pyrénéen, crypto-souverainistes l’un et l’autre (ce qui est tout de même  un comble pour les deux  rescapés  du courant démocrate-chrétien !)   Ils furent tenus aux marges de la campagne de Bayrou, plus  inspirée  par les  inspecteurs des finances des Gracques et conduite par    l’entourage parisien   de Marielle de Sarnez ; on les assimilait  sans doute à ces groupes  folkloriques, à ces « bandas »,  chargés de donner de la couleur et de chauffer la salle  dans   les meetings.  Bref, on ne les prenait pas au sérieux.  A  tort.  Bayrou  n’en serait pas où il en est s’il avait   un peu plus écouté Lassalle et  un peu  moins Peyrelevade.

 

Roland HUREAUX

 

 

Club de hauts technocrates situés à gauche et au centre-gauche

Le premier de ce genre fut l’attentat de la rue Copernic (1980) auquel Giscard d’Estaing doit largement son échec. Il suscita une mobilisation massive de la gauche contre le retour du fascisme  alors que l’auteur s’est avéré ultérieurement être un palestinien. La profanation du cimetière de Carpentras vient, lui de l’extrême-droite, mais pas  du FN.

Mouvement rural de la jeunesse chrétienne

Dont le premier acte, jeune élu à l’Assemblée nationale, fut de demander le rétablissement du privilège des bouilleurs de cru.

Au point de faire une grève de la faim retentissante en pleine Assemblée nationale contre le déménagement d’une usine de sa circonscription 

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