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Roland HUREAUX

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 18:44

 

 

Dans le climat de sentimentalisme démocratique régnant, l’opinion a tendance à mettre sur   le même plan tous les Etats où les normes européennes en matière de droits de l’homme ne sont pas respectées.

On  ne saurait pourtant  établir une équivalence entre  des dictatures classiques comme l’Egypte de Moubarak ou la Tunisie de  Ben Ali où, certes, les  libertés fondamentales n’étaient pas respectées,  mais qui n’ont ni commis des massacres de masse,  ni répandu la violence en dehors de leurs frontières,  et  la Libye de Khadafi régime quasi-totalitaire qui a , depuis quarante ans,  passé son temps à   soutenir le terrorisme  ( y compris en Irlande et au Pays basque) , fomenter des attentats ,   provoquer des guerres   ( au Tchad en particulier) et  tenter  de déstabiliser à peu près tous ses  voisins  ( notamment le Maroc).

Autant une diplomatie mûre se devait, quitte à décevoir les  partisans de l’ ingérence tout azimut, de  garder une certaine  réserve vis-à-vis de pays comme la Tunisie et l’Egypte, autant une intervention armée pouvait être tenue pour  légitime dans un cas comme la Libye, quoique pas  dans n’importe quelles conditions.

Où situer la Syrie par apport à  cette distinction ? Clairement du côté de la Libye.

Le président Hafez el Assad,  issu, comme tout son entourage,  de  la secte minoritaire des Alaouites (variété de chiites) qui ne représente que 12 % de la population, est  venu au pouvoir par un coup d’état en 1970. Il  a toujours mené le pays d’une main de fer. Il n’  a ainsi  pas hésité en 1982 à massacrer   20 000 personnes  à  Hama, ville où s’était produite une révolte dite intégriste, ce qualificatif accolé aux rebelles  suffisant à  excuser  la répression aux yeux de l’opinion occidentale.

En 1980, son fils Bachir el Assad lui succède ; la répression sanglante qu’il mène depuis le début des révoltes est dans la lignée du  régime de son père.

Sur le plan extérieur, la Syrie, qui a longtemps  abrité  les plus extrémistes des mouvements palestiniens,  a,  faute de pouvoir  l’annexer,  toujours voulu  mettre le Liban sous sa tutelle. Il a ainsi, dans ce pays où chrétiens et musulmans avaient longtemps vécu en harmonie, attisé  une longue guerre civile (1975-1989), qui  s’est terminée par la reconnaissance de son  influence privilégiée  sur ce pays avec les accords de Taef en 1989. Et malheur aux Libanais, chrétiens ou musulmans qui auraient voulu  secouer le joug : ils étaient systématiquement  assassinés, le dernier en date étant Rafik Hariri en 2005, longtemps l’homme des Syriens, mais qui avait, semble-t-il,  pris ses distances.

De même que le comportement mûr exige de réserver les interventions extérieures aux cas les plus graves, il implique aussi   de ne pas  juger seulement un régime  au travers de  considérations  morales à caractère universel,  mais de son attitude par rapport à la France. Au passif de Khadafi, on le sait, l’attentat du Ténéré  du 19 septembre 1989 contre le DC-10 d’UTA Brazzaville-Paris (170 victimes), ainsi que des interventions incessantes dans les anciennes colonies françaises.  A  cet égard aussi,  le bilan de la Syrie est accablant. Animé de la volonté d’éliminer toute influence française au Liban, le régime d’Assad a multiplié les aggressions contre les intérêts français  : l’ assassinat de l’ambassadeur  Louis Delamarre, homme de paix,  en 1981,  et l’attentat-suicide contre le contingent français du poste Drakkar[1]  qui a fait 58 morts   en 1983,   lui sont généralement attribués, sans compter plusieurs  prises d’otage au Liban et  attentats à Paris dont les fils remontent généralement jusqu’ à Damas.

Le régime d’Assad est même plus blâmable encore que celui de Saddam Hussein, tout aussi répressif à l’intérieur mais  qui  n’avait jamais  soutenu  au même degré le terrorisme, en tous cas contre nous. Les deux régimes, que l’on qualifie abusivement de laïques, n’ont eu qu’un seul mérite, de plus en plus rare dans cette région et pour cela non négligeable, celui d’assurer la sécurité des  chrétiens.

Autre ressemblance, peu glorieuse,  entre la Libye et la Syrie : loin de sanctionner ces comportements comme un grand pays aurait dû le faire, la France  a, non seulement passé l’éponge,  mais multiplié les marques de bienveillance  à l’égard de ces régimes.

Celles dont a bénéficié le régime Assad dépassent  de loin la réception au goût douteux et à l’arrière-goût amer dont  avait été honoré Khadafi  à Paris  en décembre 2007. Le président Chirac a, seul occidental et  décidément peu   rancunier,  honoré de sa présence les obsèques de Hafez el Assad alors qu’il avait méprisé celles, autrement plus significatives pour nous, de l’ancien  président Senghor – dont la contribution à la culture française dépasse  il est vrai celle de  l’ancien maire de Paris ! En ce domaine comme en d’autres,  Nicolas Sarkozy s’est montré  le digne successeur de Jacques Chirac allant encore plus loin que lui en recevant  Bachir el Assad comme invité d’honneur au  défilé du  14 juillet 2008. On objectera le réalisme diplomatique : mais commandait –il de pousser aussi loin les complaisances ?

Comme ces comportements n’étaient guère inspirés par le courage, ils auraient du inspirer la méfiance de leurs  bénéficiaires : les difficultés venues, l’âne qui savait si bien encaisser,  est toujours prêt à donner le coup de pied.  Khadafi en fait l’amère expérience !

Cela veut-il dire qu’il faille  intervenir en Syrie comme on le fait  en Libye ?  Evidemment pas. Parce qu’il y a belle lurette que la Syrie ne se trouve plus dans la zone  directe de l’influence de la France. Parce qu’elle se situe dans une région autrement  plus dangereuse que la Libye, un Proche-Orient où toute intervention extérieure  pourrait avoir un effet explosif. Parce que,  parmi les puissances régionales proches, aucune n’a intérêt à bouger : la Turquie  a laissé de trop mauvais souvenirs dans les pays arabes pour se le permettre  et n’a d’ailleurs aucune raison de le faire; l’Arabie  saoudite et l’Iran ont toujours soutenu le régime d’Assad. Reste Israël qui, tout en subissant depuis longtemps l’hostilité verbale du régime syrien ainsi que  son soutien au Hezbollah et au Hamas, sait que la famille Assad est un adversaire rationnel,  conscient de sa faiblesse militaire,  et qui sait depuis belle lurette jusqu’où ne pas aller   avec son puissant voisin. La position des Etats-Unis n’est guère différente.

Il est donc à craindre  que le régime syrien ait, hélas, les mains libres pour réprimer sans pitié  la révolte en cours.

 

Roland HUREAUX



[1] Après l’attentat de Drakkar, le président Mitterrand  a ordonné un raid aérien de représailles contre un base   syrienne,  non sans avoir   prévenu Damas pour qu’il l’évacue avant.  

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commentaires

J
<br /> <br /> La France a failli remplir sa mission historique en soutenant il n'y a pas si longtemps le Liban chrétien face à la Syrie baasiste. La donne a évolué depuis car on ne peut plus intervenir<br /> partout.<br /> <br /> <br /> A condition qu'il s'agisse uniquement de préserver un équilibre, empêchant Khadafi de réduire trop vite l"insurrection, la France avait mieux à faire en intervenant en Lybie ne serait-ce que pour<br /> empêcher un exode massif vers l'Europe (nous ne pouvons plus attirer "la misère du monde") et, pourquoi pas geler un territoire (la Cyrénaïque) où s'approvisionner facilement en pétrôle,<br /> accueillir des populations nord-africaines surnuméraires et surveiller la situation des chrétiens d'Orient  dans le grand pays voisin qu'est l'Egypte ce qui pour le coup correspondrait à<br /> notre mission historique et à nos intérêts.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> Oui. La Libyese situe aussi dans une zone moins dangereuse où il y a peu de risques qu'un conflit local déclenche un incendie généralisé. RH<br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Je termine, Monsieur, à l'instant votre article sur les relations entre l'Algérie et la France depuis 1962<br /> paru dans le spectacle du monde. Deux points m'en semblent discutables. Vous faîtes, en premier lieu, de l'incurie des dirigeants du FLN, qui avaient certes proclamé à l'adresse des pieds noirs<br /> "la valise ou le cercueil", le facteur essentiel du départ des Européens d'Algérie. Considérez, comme le montre l'article qui précède le votre dans ce magasine que l'OAS et les erreurs françaises<br /> ont joué un rôle qui n'est pas moins déterminant que la médiocrité du FLN dans cet exode. En second lieu, votre article a, en général, une vision figée de l'Algérie. Or il est peu de pays où la<br /> classe politique est, aujourd’hui, davantage discréditée que l'Algérie. Et si des sentiments anti-français y ont prospéré un temps et y prospèrent malheureusement encore, la jeunesse qui<br /> représente une part écrasante de la population est moins réceptive aux discours anti-français car elle sait la mauvaise gestion des dirigeants et les misères que la guerre civile, à laquelle la<br /> France est étrangère, a causées. Je rejoins en revanche votre démonstration sur la lâcheté de la France face aux mises en causes des dirigeants algériens. Elle a pour principal effet d'éloigner<br /> les Français des Algériens car elle humilie la France, et l'humiliation est toujours mauvaise. L’humiliation des peuples est d'ailleurs l'un des principaux torts des mouvements de<br /> colonisation.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> Pas d'objection. Il me semble que mon article évoque les changements récents de l'opinion algérienne. RH<br /> <br /> <br />