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Roland HUREAUX

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 17:53

Article paru dans Valeurs actuelles

 

Les silences de la presse officielle ne signifient pas nécessairement que les informations tues sont subversives. Il suffit quelles n’entrent pas dans les schémas habituels pour faire l’objet d’une censure,  pas toujours consciente : ainsi une grève d’une semaine de la fonction publique allemande, il y a quelques années, avait été à peine évoquée en France tant elle heurtait le préjugé  de la discipline allemande.  La même en France aurait fait la une de la presse internationale.

Ce mois d’octobre,  s’est produit à Lyon, dans la  même discrétion,  un événement extrêmement important pour l’avenir de l’euro et  peut-être même de l’Europe.

Un panel d’économistes de premier rang,  français et allemands, ont débattu pendant une journée de la crise de l’euro et des moyens d’en sortir : plus exactement de l’organisation monétaire qu’il convient de substituer à l’euro, dont l’éclatement est apparu  inéluctable aux  participants.

Côté français,  Jean-Pierre Vesperini, membre du  Conseil d’analyse économique,  Gérard Lafay,  Gabriel Colletis,  André Vianès .

Côté allemand , une délégation de haut niveau comprenant le Professeur Joachim Starbatty de l’Université de Tübingen, Wilhelm Nölling, doyen de l’Académie des sciences politiques de l’Université de Hambourg, ancien député ( SPD ) et membre du conseil de la Bundesbank et Bruno Bandulet, consultant indépendant et éditeur  à Münich , ancien  collaborateur du président du Land de Bavière (CSU). Comme on le voit, il ne s’agit pas d’extrémistes.   Les deux premiers appartiennent  au cercle  qui a entrepris autour du juriste  Karl Schachtschneider de contester les plans de soutien à la Grèce auprès du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe.

Les débats ont mis en relief les contradictions internes de l’union monétaire européenne, dont les  chances de succès, à supposer quelles aient jamais existé,  ont été obérées au départ par la féroce déflation des coûts salariaux menée par le gouvernement Schroeder en Allemagne  et par la politique de l’euro fort consécutive à l’arrivée de Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne en novembre 2003 :  son prédécesseur Duisemberg avait eu soin au contraire de maintenir  le cours de l’euro au plus bas et donc à portée des pays  les plus vulnérables.

Parmi les solutions alternatives, les participants ont envisagé, sans en exclure aucun, différents scenarios, depuis le plus libéral :   retour au monnaies nationales avec flottement généralisé,  jusqu’aux plus structurés : monnaie commune, nouveau système monétaire européen de parités fixes et ajustables, sans oublier la possibilité d’une Europe multizone ( un euro du Nord et un euro du Sud, qui pose la question de ce que serait la place de la France.) 

L’événement qui s’est produit à Lyon  contrefit bien des idées reçues.

Contrairement à la doxa officielle  qui tend à opposer aux Allemands,  premiers de la classe,   les Français mauvais élèves de l’euro ,  l’opposition à l’ euro est au moins aussi forte en Allemagne qu’en France, non seulement dans l’opinion mais aussi parmi les experts : les positons du  Pr Hans Werner Sinn, président de l’IFO de Münich, le plus important institut de recherche économique allemand  sont ainsi de plus en plus critiques vis-à-vis de la monnaie unique.

Mais face à cette division de l’opinion, le prisme politique a, des deux côtés du Rhin, le même effet déformant : l’opposition ouverte à l’euro est cantonnée aux partis extrémistes ( surtout  l’extrême gauche en Allemagne)  et à quelques personnalités atypiques  du « mainstream » , les participants allemands (et naturellement français)  au colloque de Lyon se rattachant à celles-ci. Mais dans les partis classiques, UMP et PS ici, CDU et SPD là,   la pression de la pensée unique est au moins aussi forte en Allemagne qu’en France.

A l’encontre du  stéréotype qui voudrait que les anti-euros  ne soient que des franchouillards chauvins sans ouverture internationale, le forum de Lyon montre que ce sont eux au contraire qui font preuve d’une vraie capacité de dialogue européen : aussi curieux que cela paraisse, après cinquante ans d’une  construction européenne marquée par le primat de l’économie, le monde des économistes français et celui des économistes allemands s’ignorent largement. Qu’une rencontre de ce type ait pu avoir lieu sous les auspices non point de la monnaie unique  mais du souci de la dépasser  n’est un paradoxe qu’en apparence.

Le forum de Lyon montre en même temps que la fin de l’euro, si elle se traduirait sans nul doute par un séisme financier de première magnitude, ne serait pas, pour  l’Europe et en particulier pour la coopération franco-allemande, la catastrophe que l’on redoute. Que les participants à ce  forum aient  promis de se revoir pour étudier  notamment comment pourrait s’opérer une sortie ordonnée de l’euro, est singulièrement prometteur pour cette coopération. Pour tous ceux qui pensent que l’euro est non une protection mais un insupportable  carcan, c’est un signe d’espoir.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

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