Publié par Atlantico
LA FIN DE LA FIN DE L’HISTOIRE
Le double veto de la Russie et de la Chine à l’ONU à une intervention occidentale en Syrie marque le début d’une ère nouvelle dans les relations internationales
Depuis la chute du communisme soviétique, rien ne semblait pouvoir arrêter la toute-puissante Amérique. Le monopole de l’hyperpuissance, représentant à elle seule près de la moitié des dépenses militaires dans le monde, semblait présider au règne, tenu pour définitif, de l’économie libérale et de la démocratie élective.
Forts de cette hégémonie, les Etats-Unis entreprirent de répandre par les armes le bien dans le monde . En Yougoslavie, puis en Afghanistan, en Irak, en Libye. Chaque fois au prix de dizaines ou de centaines de milliers de victimes, principalement civiles, et sans que le nouveau régime mis en place donne nulle part de meilleures garanties démocratiques – ni même, dans le cas de l’Irak, d’allégeance au camp occidental. Nul ne doutait que viendrait le tour de la Syrie d’Assad, la dernière dans le collimateur, une dictature certes, mais sûrement pas pire, au contraire, que certains alliés des Etats-Unis comme l’Arabie saoudite ou le Qatar.
Mais la Chine et la Russie qui s’étaient senties flouées par une intervention occidentale en Libye dépassant largement le mandat du Conseil de Sécurité auquel ils avaient consenti, ont juré qu’on les y reprendrait plus. Un premier veto avait été opposé à une condamnation unilatérale du régime d’Assad en octobre 2011 mais les Occidentaux n’en avaient pas perçu tout le poids ; forts de leur bonne conscience inébranlable, ils pensaient ramener sans mal Moscou à ce qu’ils jugeaient être la voie de la raison. Avec deux nouveaux vetos en février puis en juillet 2012, beaucoup plus directement dirigés contre l’idée d’une intervention militaire de l’OTAN, leurs illusions sont tombées.
Certes ils pourraient, comme ils l’avaint fait en Yougoslavie en 1999, passer outre, mais le risque politique, dans une région qui demeure une poudrière et face à une Russie plus forte qu’en 1999, serait cette fois démesuré.
Comme un enfant, les Occidentaux, qui ne semblent pas avoir compris immédiatement le massage, donnent des coups de pied dans la porte qu’on leur a fermée au nez. Sans craindre l’emphase, Juppé a ainsi dénoncé le comportement de la Russie comme « criminel ».
Beaucoup espèrent aussi arriver à renverser le régime sans intervention directe, en fournissant des armes sophistiquées à la seule opposition sérieuse que rencontre aujourd’hui le régime d’Assad : des djihadistes de plus en plus radicalisés. Les avertissements pourtant clairs selon lesquels les Russes ne laisseront pas s’effondrer ce régime sans réagir sont minimisés par la presse.
Poursuivre sur cette voie, c’est faire courir les risques les plus graves à la sécurité régionale et même à la paix mondiale.
D’autant que des pays comme l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud qui ne disposent pas du droit de veto, sont néanmoins sur la même ligne que la Russie et la Chine.
Au total les pays réticents à l’action occidentale représentent 80 % de la population de la planète. Ce n’est plus l’Empire du Bien contre un groupe d’Etats-voyous ou de terroristes ( en l’occurrence, les terroristes sont dans le camp occidental) , ce sont les Etats-Unis et leurs vassaux, gouvernements européens et arabes, contre le reste du monde. Que dans un tel contexte, les gouvernements français successifs ne cherchent à se singulariser que par la surenchère, reconnaissant seuls, par exemple, le pseudo-Coalition nationale syrienne installée à Doha, parait singulièrement irresponsable.
Roland HUREAUX
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