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Roland HUREAUX

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 07:00

Et si la partie franco-allemande  autour de la crise grecque, telle qu’on l’a encore vue au dernier sommet européen,  n’était qu’un vaste jeu de rôles ?

La  cause  semble  entendue :   l’Europe accablée par les plans d’austérité a besoin aujourd’hui de croissance  -  les méchants sont pour l’austérité, les gentils  pour la croissance : l’Allemagne est du  mauvais côté, la France du bon,  mais elle a du mal à arracher des concessions à  Mme Merkel, chancelière de fer  ( au dictionnaire des idées reçues de quel autre métal pourrit être un chancelier allemand ? ). L’Allemagne exige de la Grèce   des  mesures de plus en plus saignantes  pour continuer à l’aider ; la France tente de les adoucir.

A ce scénario franco-allemand, s’ajoute depuis deux semaines un scénario (ou une comédie ?) franco-français : la France serait désormais plus ouverte à la  problématique de la croissance, Hollande ferait davantage pression sur l’Allemagne, en   proposant en particulier de réviser le traité européen de stabilité et de mettre en place des euroobligations (dites eurobonds), au risque de remettre en cause le partenariat franco-allemand, moteur de l’Europe.

Hélas pour ceux qui colportent cette vision des choses, soit  une grande partie de la presse économique, tout  ou presque y est faux.

 

La France et l’Allemagne demeurent d’accord sur l’essentiel

 

La France et l’Allemagne demeurent d’accord sur l’essentiel : maintenir  l’euro et sauver suffisamment  les apparences pour que la Grèce y demeure – la laisser partir, c’est courir le risque  que tout  l’édifice s’effondre comme un château de cartes -  qu’il est. Pour sauver les apparences, il faut que la Grèce, pourtant à bout de souffle, ait l’air de faire toujours plus d’efforts. Paris et Berlin sont d’accord, mais à Paris, sur ce sujet, Sarkozy et Hollande le sont aussi.

Les sacrifices exigés de la Grèce ? Ils ne sont pas le remède au problème grec. Tout le monde    sait qu’aucune cure d’austérité, quelle qu’elle soit, assortie ou non d’une défaillance, ne remettra la Grèce dans le train de l’euro. Les déséquilibres croissants entre les pays d’Europe ne résultent pas d’abord de la politique  budgétaire ; ils  sont dus aux différentiels des  taux d’inflation et à l’évolution des compétitivités,  or, ces différentiels subsistant, les décalages de compétitivité   ne  cessent de s’aggraver. La déflation, qui serait la seule solution pour les pays du Sud, n’avait pas  réussi  dans l’Allemagne de 1930, même si les néo-nazis grecs que l’on découvre ces jours-ci semblent eux aussi de comédie à   côté des vrais  de 1933.  Pas davantage la déflation, engagée par Pierre Laval, n’avait abouti  dans la France de 1934. Proposer à l’inverse comme Paul Krugman[1] que l’Allemagne fasse plus d’inflation, c’est rêver, connaissant la  phobie  qu’elle inspire à  cette nation.  La seule solution  est la rupture de l’union monétaire de telle manière que les différentiels  de compétitivité  soient neutralisés par de nouvelles parités.

Pas davantage les euro-obligations  ne rétabliraient les  équilibres : des investissements publics dans l’Europe du Sud, financés par un grand emprunt garanti par l’Europe en théorie, par  l’Allemagne en pratique,   ne seraient qu’un expédient  provisoire en termes de flux financiers et une solution de fond  aussi lointaine qu’aléatoire.    

Tout le monde sait aussi que la Grèce, ni sans doute  les autres Etats, ne rembourseront jamais leurs  dettes,  en tous les cas pas toutes.

 

Angela Merkel s’adresse d’abord à l’opinion allemande

 

L’Allemagne, en exigeant de nouveaux plans d’austérité,  exprime   une position névrotique,    deux pulsions contradictoires qui se paralysent ;  elle ne veut pas que l’euro éclate, mais elle ne veut pas faire les efforts de solidarité nécessaires pour le sauver (et comment le lui reprocher, puisque cette solidarité serait sans doute le tonneau de Danaïdes ?)  C’est cela  le message qu’elle envoie  en durcissant toujours les conditions des  prêts  européens. Ces  conditions n’étant ni tenables ni  tenues, on aiderait la Grèce sans conditions que cela reviendrait au même. Mais le message  de Berlin    s’adresse d’abord à  l’opinion allemande qui  ne veut aider personne, ni courir le risque de l‘inflation : le seul choix cohérent serait dès lors de quitter l’euro.  Incapable de le  faire, Angela Merkel  fait de la gesticulation : elle pose des exigences très dures   et  qui,  de toutes les façons,  ne sont pas la solution du problème. Cela pour  consentir à des rapiéçages qu’elle ne peut  de toutes les façons pas refuser car, pour des raisons historiques, l’Allemagne ne veut rien faire qui donnerait le sentiment que c’est elle qui met fin à l’euro. Loin d’être une émule de Bismark, Angela Merkel apparaît aujourd’hui à beaucoup d’Allemands comme   une gestionnaire à la petite semaine incapable de faire de vrais choix.

En ayant l’air de vouloir,  davantage que l’Allemagne, « sauver la Grèce » (en fait sauver  les banques françaises et allemandes engagées auprès de l’Etat grec)  et relancer la croissance, le gouvernement français  aussi se valorise face à sa propre  opinion. Même si  notre pays   n’a aucun intérêt au maintien de l’euro, il  joue  le rôle de la France ouverte et généreuse qui plait tant à nos compatriotes.

Quant aux divergences supposées entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, au « changement de ton », selon l’expression consacrée pour  désigner une nuance  dans une position de toutes les façons fausse,   là aussi on est au théâtre. Tous les deux font la même politique : faire durer  l’euro  en faisant du rapiéçage au jour le jour ; entrer  dans le jeu  de l’Allemagne en donnant l’impression qu’elle  se fait prier, ce qui l’arrange et qui nous arrange.   Entre des pseudo-gaullistes qui déplorent que le nouveau gouvernement ne s’aligne pas davantage sur les exigences de Berlin et des socialistes qui font semblant de croire qu’il ne s’aligne pas, qui est le pus ridicule ?

Hollande serait plus ouvert à la problématique de la croissance ?   Mais introduire de la relance publique  dans la rigueur  est contradictoire : en stricte orthodoxie keynésienne, c’est l’un ou c’est l’autre,   pas  les deux. Dans la logique actuelle, celle de l’euro,  un peu plus de croissance, c’est forcément plus d’endettement et donc moins de rigueur. Vouloir à la fois la rigueur et la croissance, c’est faire comme l’automobiliste qui appuie  à la fois sur l’accélérateur et sur le frein.

Hollande serait–il plus gentil (pardon,  plus « social ») parce qu’il propose des euroobligations  et une révision à la marge du traité de stabilité ?  Mais il sait depuis le départ  qu’il ne les obtiendra pas, comme Sarkozy  le savait  aussi.  Et à supposer qu’il les obtienne, nous l’avons dit, ça ne changerait rien. Ca ne mange donc pas de pain d’en parler.   Mais du pain, les Grecs en  mangent  de moins en moins !     



[1] Der Spiegel, 23/05/2012

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