A Hannah Arendt revient l’immense mérite d’avoir, la première, appelé l’attention sur le risque de la déraison qui, en notre temps, guette les dirigeants politiques ou même les classes dirigeantes dans leur ensemble.
Cela en rupture avec une tradition philosophique millénaire, débouchant sur Hegel, selon laquelle l’Etat était l’incarnation de la raison.
Cette plongée dans la déraison s’est exprimée de la manière la plus extrême dans les régimes totalitaires. Régimes absurdes avant d’être criminels. Mais, à plus petite échelle, chacun peut en voir l’effet, de moins bien grande ampleur bien sûr, dans telle ou telle décision jugée aberrante par ceux qui ont gardé le sens commun.
Arendt précise que le vecteur de la folie, c’est l’ idéologie laquelle présente partout un certain nombre de caractères communs : partir d’une analyse simplifiée du réel ou une fausse science, se dire portée par le progrès et, à ce titre, exclure violemment ceux qui s’y opposent, détruire les repères de la nature ou de l’histoire. C’est ainsi que le communisme était fondé sur l’idée que la suppression de la propriété rendrait l’homme bon et la vie meilleure, que c’était là le sens de l’histoire ; il a abouti à la destruction d’une société et à un régime d’exclusion violente.
Ceux qui pensent que le mariage homosexuel s’inscrit dans une démarche idéologique telle que la décrit Hannah Arendt verront leurs motifs d’inquiétude confirmés par la lecture du projet de loi tel que s’apprête à le déposer le gouvernement.
Ce projet introduit une véritable révolution dans le Code civil. Partout où elle apparait, les expressions «le mari et la femme » seront remplacées » par « les époux », l’expression « le père et la mère » par « les parents ». On va même jusqu’à remplacer « le beau-père et la belle-mère par les beaux-parents ; l’aïeul et l’aïeul par les aïeux ». C’est à une véritable désexuation du mariage et de la parentalité qu’il est procédé.
Et l’article principal pose clairement que « Le mariage est l'union célébrée par un officier d'état civil entre deux personnes de sexe différent ou du même sexe » (Article 144 du Code civil).
Ainsi, le mariage unisexe, loin d’être une exception à un principe général est mis sur le même plan que le mariage entre personnes de sexe différent ; il en même est un simple cas particulier.
Conformément à la théorie du gender, hommes et femmes sont interchangeables.
Se trouve subvertie non seulement la nature mais le sens des mots : de même que Georges Orwell nous montrait une société totalitaire pour laquelle « la guerre, c’est la paix », « la liberté, c’est l’esclavage », « l’ignorance, c’est la force » on voit émerger une société où, « l’homme, c’est la femme ; la femme, c’est l’homme » !
Ne croyons pas que cette subversion restera enfermée dans les Codes ou qu’il ne s’agit que d’une question de vocabulaire. Comme toutes idéologies, celle du gender a vocation à passer en force dans le réel, elle appelle une complète rééducation de nos comportements. En Suède où ces absurdités ont déjà force de loi, un petit garçon qui s’aviserait de parler à l’école de « mon papa » ou de « ma maman » est déjà suspect de déformation. Il discrimine sans le savoir. Le livret de famille parle de parent 1 et de parent 2. Les romans de Stieg Larsson (série Millenium) montrent la déréliction qui résulte de ces folies pour la société suédoise.
Loin d’être un aménagement secondaire de la législation civile, le projet gouvernemental, tel qu’il apparait déjà, serait en réalité la plus importante révolution du quinquennat. Autrefois la propriété, aujourd’hui la sexuation : c’est à un des fondamentaux anthropologiques les plus décisifs que s’attaque le « normal » François Hollande.
Le refus d’un débat public par ses partisans qui considèrent que le mariage homosexuel fait déjà partie des « paradigmes » de notre temps et qu’il n’est ainsi plus ouvert à la discussion, procède, dans son côté terroriste, de la démarche totalitaire.
Combattre un tel projet n’est d’abord une affaire ni religieuse, ni morale. C’est bien d’un combat contre la déraison qu’il s’agit.
Roland HUREAUX