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Roland HUREAUX

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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 20:34

 

 

Je n’ai jamais rencontré Nelson Mandela, seulement son bras droit Oliver Tambo.

J’eus en effet en 1985 le privilège d’être le premier diplomate français à visiter un camp de l’ANC en exil (Africain National Congress, mouvement de résistance des noirs d’Afrique du Sud présidé par Mandela  alors en prison). La France qui avait longtemps coopéré avec le régime de l’apartheid dirigé par les blancs venait de prendre un train de sanctions à son encontre qui avait grandement amélioré nos relations avec les résistants. Mais à ce moment-là, seul le numéro 2 de l’ambassade de France en Tanzanie que j’étais,  pouvait se permettre cette démarche, l’ambassadeur étant tenu à une certaine réserve.  Le camp était composé d’un centre d’entrainement à la guérilla et d’une école. On ne me laissa voir que l’école.

Il est habituel de représenter l’extraordinaire épopée de Nelson  Mandela comme la lutte du bien contre le  mal.  Je ne crois pas que lui-même  l’ait jamais vue ainsi. Moins que l’ange de la liberté, il se considéra d’abord comme  un patriote, voie un nationaliste. Les noirs qui constituaient la grande majorité de la population de l’Afrique du Sud étaient exclus du  pouvoir. Il s’attacha à ce qu’ils se gouvernassent  enfin eux-mêmes, ce qui était une revendication bien naturelle.

Il se heurta à la minorité blanche   qui n’était pas pour autant composée de « salauds ». Ceux qui la dirigeaient  étaient aussi des nationalistes : la communauté qu’ils constituaient, surtout depuis la guerre effroyable que les Anglais leur avaient faite au début du XXe siècle, voulait aussi se gouverner  elle-même. Mais compte tenu de l’imbrication des populations, ce n’était possible qu’en excluant  les noirs, une solution  qui n’était pas viable à long terme.

Loin de les considérer comme des vaincus,  Mandela, dès sa venue au pouvoir en 1992  s’attacha à les réintégrer  dans la communauté nationale réunifiée, à leur montrer que la nouvelle Afrique du Sud était aussi la leur. Il utilisa  notamment,  pour ce faire,  le rugby. Ce sport avait été était jusque-là réservé aux blancs; il   montra  aux uns et aux autres qu’une victoire des Springboks était aussi une victoire de toute la  nation. C’est ce que relate l’admirable film Invictus.   

Ce qui distingue par-dessus tout Mandela est la manière dont il conduisit  son combat. Tout en n’acceptant jamais, en principe, de renoncer à la lutte armée, il s’attacha à la limiter au strict minimum. De même,    devenu président, il limita autant  qu’il le put  les représailles, se contentant, au lieu de procès politiques et d’actes de barbarie,    de repentances publiques   devant les fameuses   commissions « Vérité et réconciliation ».

Aristocrate né, issu d’une grande famille de chefs de la tribu des Xhosas, il sut faire preuve  de cette éminente  qualité qu’est la magnanimité.  Tout  cela le  place à des années-lumière au-dessus des dirigeants  d’autres mouvements dits de libération, tels ceux qui accédèrent au pouvoir  en Algérie ou en Indochine, lesquels multiplièrent  un peu partout  les représailles les plus cruelles et les exactions les plus sanglantes, au point de plonger leurs pays respectifs  dans un cycle de violence de plusieurs dizaines d’années.

En cela, Mandela fut vraiment un très  grand homme.

 

 

Roland HUREAUX

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