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Roland HUREAUX

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13 août 2009 4 13 /08 /août /2009 18:31

 

Au moment où est rapatrié le corps d’un nouveau soldat français mort en Afghanistan, on ne sait de quoi il faut s’étonner le plus : de  la passivité de l’opinion publique ou du  silence de la classe politique sur cette guerre. Un silence qui contraste avec les critiques de plus en plus vives qu’elle  suscite  au Royaume-Uni et en Allemagne.

Et pourtant, s’il y a un pays  qui devrait être critique sur cet engagement, c’est bien la France. La France marquée par sa double et tragique expérience de l’Indochine et de l’Algérie, la France dont la figure emblématique du dernier siècle, Charles de  Gaulle fonda  l’essentiel de son action politique sur le pari  que les solidarités nationales l’emportaient toujours en dernière instance. Un pari qu’il n’a jamais perdu : l’occupant allemand a été vaincu, les peuples colonisés se sont émancipés, l’Amérique a perdu au Vietnam,  « la Russie a bu  le communisme comme le buvard boit  l’encre ».

Or, comme si ces expériences n’avaient jamais  eu lieu , comme si de Gaulle n’avait jamais existé, une presse de plus en plus paresseuse évoque la nécessité de protéger les populations d’Afghanistan des talibans, dont au fond elle ne voudrait pas,  l’espoir de  consolider le régime du président Karzaï ,  le  juste combat des  soldats de l’OTAN  pour la civilisation contre la barbarie etc. Ne se croirait-on pas revenu au  conformisme du milieu des années cinquante sur le  problème algérien : nos soldats se battant pour protéger les   indigènes des « fellaghas », appelés aussi  terroristes, l’action  psychologique auprès des   populations etc. N’avons-nous pas entendu   que l’état-major américain avait voulu  s’informer des méthodes françaises de « pacification » utilisées à cette époque ?

Tout cela, comme s’il y avait lieu de douter un instant des sentiments de cette population quand elle voit d’un côté des maquisards issus de ses rangs, de son sang, de l’autre des étrangers dont elle ignore la langue et exècre les mœurs, venus de pays lointains avec  un état d’esprit complètement différent,  des moyens techniques démesurés et sans  doute la délicatesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Comme si on pouvait espérer la moindre sympathie de villageois qui ont appris qu’à quelque distance de chez eux,   l’aviation américaine avait  fait des centaines de morts en bombardant par erreur une noce, comme si le problème du président Karzaï se réduisait à sa corruption. Corrompu, certes, il l’est ;  mais quel gouvernement ne l’est pas sous ces  latitudes ?  La question n’est pas là ;  elle est la  profonde illégitimité d’un régime venu « dans les fourgons de l’étranger » comme la monarchie restaurée de 1815, un vice irrémédiable pour une population  montagnarde, où le sentiment national  - ou tribal qu’importe - est à vif.

Moins encore qu’en Algérie  où   une communauté d’un million de Français devait être  défendue, au Vietnam, où les Américains avaient l’alibi d’endiguer le  communisme, cette guerre n’a la moindre légitimité, une fois acquis que les grandes opérations terroristes ne se sont jamais préparées là et que savoir si les femmes d’Afghanistan porteront ou non la burkha ne nous regarde pas – nous qui ne sommes même pas capable de décider si elle sera autorisée  ou non   sur notre sol ! 

Parmi  les conditions de la guerre juste énumérées par  saint Thomas d’Aquin, outre celles qui sont bien connues – légitime défense, épuisement des autres moyens de  régler le conflit,  proportionnalité des moyens aux fins, etc. il en est  une moins connue : avoir des chances raisonnables de l’emporter.

En l’espèce, ces chances se réduisent à près de zéro. Ce n’est pas quelque tiers-mondiste attardé ou un vieux  gaulliste du canal historique, c’est le premier ministre du Canada, Stephen Harper, faucon repenti,  qui avoue publiquement  son scepticisme sur les chances de jamais gagner cette guerre.

Le premier ministre du Canada, pas de la France. Combien faudra t-il encore rapatrier de cercueils pour que notre opinion se réveille de sa léthargie et que  notre classe politique ose dire  l’absurdité d’un   engagement militaire français dans les lointaines montagnes de l’Hindou Koush ?  

 

Roland HUREAUX

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commentaires

J
<br /> L'indifférence des Français à l'égard des morts en Afghanistan ne vient-elle pas de ce que ce sont des engagés et non des soldats du contingent?<br /> <br /> <br />
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