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Roland HUREAUX

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4 mai 2008 7 04 /05 /mai /2008 20:09

Après la carte famille nombreuse,

 

IL Y AURA D'AUTRES DERAPAGES

 

Après l'affaire de la carte famille nombreuse et celle du remboursement des lunettes, le président a prévenu qu'il ne devait pas y avoir de nouveau dérapages.

Il y en aura pourtant.

Cela en raison de la  méthode de gouvernement suivie depuis un an – et davantage.

Quand des ministres peu inspirés sont sommés de produire des projets de réforme à tout va – ou tout simplement de faire des économies -, ils pressent leurs services de leur faire des propositions.

Ceux-ci ont tous dans les tiroirs des projets en réserve, généralement depuis plusieurs années. Mais si ces projets en réserve étaient bons, cela se saurait et  il y a longtemps qu’on les aurait appliqués.

La méthode  Sarkozy s’est traduite par un raffinement   supplémentaire  de la démarche : la « révision générale des politiques publiques » fait appel à des consultants privés, au départ peu au fait des spécificités des organisations  publiques,  et qui sont allés eux aussi chercher des idées dans les cartons des ministères. On croit savoir que même Jacques Attali a  fait  appel à un grand consultant.

Le rapport Attali propose de plafonner les prestations familiales en fonction du revenu. Juppé s’y était essayé, puis Jospin. L’un et l’autre avaient échoué. Et voilà à nouveau l’idée sur le tapis.

Pour ce qui est de la Sécurité sociale, après l’abandon de l’idée saugrenue, chère  à  Raffarin, de travailler le  lundi de Pentecôte, la restriction aux remboursements des frais dentaires ou  optiques font partie des projets toujours prêts à ressortir en cas de nécessité, de pair avec la hausse de la franchise  ou la fermeture des petits hôpitaux.

Egalité ou équité ? Les Français préfèrent l’égalité

En matière sociale, ces projets reprennent une vieille antienne de l’Inspection des finances – et de tout ce qui depuis trente ans est supposé penser réformes, si pensée il y a, l’idée de mieux « cibler » (une expression technocratique qui fait florès) les aides sociales en direction des plus nécessiteux, manière de paraître à la fois plus juste et plus économe. Alain Minc avait formulé cette idée en proposant de substituer l’ « équité » à l’ « égalité » (qu’en termes élégants ces choses là sont dites !). Les allocations familiales ? Pour les plus pauvres seulement. En matière d’assurance maladie  ou d’allocations de chômage, voire de retraites, on s’efforcera, dit-on, de mieux distinguer la  logique dite « assurancielle » – que l’on peut éventuellement privatiser - de la logique de solidarité – qui doit rester au secteur public. En matière de logement, on proposera d’expulser des HLM les classes moyennes indûment incrustées dans les cités. En matière universitaire, le relèvement des droits d’inscription pour tous doit être compensé (du moins on le suppose) par l’allocation de bourses plus conséquentes aux étudiants nécessiteux  etc.

Ces  logiques technocratiques sont impeccables. Le problème est qu’elles  heurtent de front la mentalité  française : n’en déplaise aux  grands augures, nos concitoyens préfèrent l’égalité à l’ équité ( si tant est que cette dernière soit vraiment équitable !) et on n’est pas prêt de les faire changer d’avis car ils ont de bonnes raisons pour  cela. La logique dite de l’ « équité » contribue en effet  à enfermer un peu plus dans des ghettos les catégories que l’on voudrait privilégier, à commencer par les immigrés; surtout  elle frappe  en premier lieu  les classes moyennes inférieures qui   s’estiment déjà lésées par des impôts lourds dont elles voudraient voir le retour. Elles en ressentent d’autant plus le poids qu’elles ne bénéficient, elles, à la différence des vrais riches, ni du bouclier fiscal,  ni de possibilités  d’évasion.  

C’est pourquoi la plupart des tentatives tendant  à substituer l’équité à l’égalité ont jusqu’ici échoué. S’agissant des droits d’inscription universitaires, nos   dirigeants,  échaudés par les événements de 1987, savent qu’il ne faut pas y revenir. Pour d’autres sujets, par exemple  pousser hors des HLM ceux qui dépassent le revenu plafond (ce qui figure dans le projet de loi sur le logement en préparation), il y a fort à parier que l’idée aura  les mêmes effets que précédemment: levée de bouclier, recul du gouvernement, bref de nouveaux couacs en perspective.

Services publics : haro sur les petites structures

En matière de services publics, les poncifs  proposés par nos grands cerveaux sont aussi peu inspirés : s’agissant de l’Etat, de  La Poste, des préfectures, des hôpitaux, il n’est que rarement  question de réduire les effectifs dans les grandes structures où chacun soupçonne pourtant  qu’il y a bien des économies à faire ;  ce sont toujours les bouts de chaîne : sous-préfectures, petits tribunaux, petits centres de tri,   hôpitaux ruraux, jugés à tort ou à raison peu rentables,  que l’on se propose de supprimer. La réforme de la carte  judiciaire présentée comme la pierre angulaire  de la remise en ordre de la justice, s’inspirait de cette optique sans que les bénéfices financiers  en  soient encore avérés. En  fermant la caserne, le tribunal, l’hôpital et demain la sous-préfecture, c’est  notre réseau de petites et moyennes villes, celles qui ont fait pendant  longtemps la spécificité de la géographie et de la civilisation française que l’on mine. Si la DATAR existait encore, elle nous expliquerait qu’en poussant ainsi   la population vers les  grandes métropoles, on induit des surcoûts collectifs considérables qu’il faudrait aussi mesurer.  Curieusement, la France   du milieu du  XXe siècle, pourtant beaucoup moins  riche,  pouvait s’offrir  tous ces services de proximité. A quoi sert le « progrès », se demande légitimement la population, s’il conduit à appauvrir systématiquement l’offre de  services publics ?  La volonté réitérée, malgré plusieurs échecs, de réduire  les  petites brigades de gendarmerie fut une des causes de la révolte des gendarmes de la fin 2001. Comme dans le cas de la carte familles nombreuses, les mesures que l’on dut prendre pour apaiser l’incendie coûtèrent beaucoup plus cher que les économies prévues au départ.    

Les idées de réforme ou d’économies ainsi tirées des placards ont en commun de s’en prendre à des fondamentaux de la politique française au sortir de la guerre, comme la politique familiale et l’aménagement du territoire. N’est-ce pas parce qu ’il avait quelques remords sur ces sujets aujourd’hui délaissés que le président a nommé lors du dernier remaniement  Nadine Moreno secrétaire d’Etat à la famille et Hubert Falco à l’aménagement du territoire ? Mais à quoi bon si   toutes  ces politiques demeurent inchangées ?

La « fusion-acquisition » n’a pas sa place dans l’Etat

Si l’on voulait dresser un tableau complet des marottes de la haute fonction publique, reprises par les cabinet d’audits ou les grands experts de type Camdessus ou Attali, il faudrait ajouter les regroupements de services de l’Etat sur le modèle propre au secteur privé de la  « fusion-acquisition » : Impôts-Trésor, Police-Gendarmerie, Agriculture-Equipement, Patrimoine-Archives etc.  Le but est « un Etat stratège et efficient », répètent nos hauts fonctionnaires sans se rendre compte du ridicule d’une formule déjà usée. Là aussi beaucoup de bruit, un « coût de transition », comme disent les spécialistes, très élevé, pour des économies finalement problématiques. Surtout l’oubli de cette donnée élémentaire que l’on ne peut faire fondre les structures publiques, à la différence des entreprises, que par la base  et non par le sommet - et aussi de cette autre que  dans le secteur public, la productivité diminue la plupart du temps avec la taille des organismes. Caricatural est le fait que  les mêmes qui proposent ces mesures de simplification des structures proposent en même temps de créer toujours plus de nouvelles agences, offices etc. : ainsi le rapport Attali   lance l’idée d’  agences de services publics, d’agences de  formalités pour les  PME etc. Le plan Sarkozy d’avril 2008: « 250 mesures pour économiser 7 milliards d’euros », après avoir annoncé « la suppression d'une trentaine de structures d'administration centrale ou d'organismes divers » (sans dire lesquels) propose dans la foulée  sans sourciller « la  création d'une Haute autorité chargée de garantir l'indépendance du système statistique », la « création d'une Haute autorité de la concurrence », la  « création d'un centre national d'appels pour les consommateurs» etc !  

M.Sarkozy voulait réformer l’Etat de fond  en comble. Il ne décolère pas, paraît-il, sur l’incompétence de ses équipes. Il a raison. Malheureusement pour lui, elles reposent sur les mêmes hommes, les mêmes idées, généralement éculées,  la même culture qui ont si bien assuré l’échec des tentatives de réforme précédentes. Faute d’un vrai  renouvellement de la pensée réformatrice – et sans doute du personnel  chargé de proposer et mettre en œuvre les réformes - ,  sa politique aboutira aux mêmes échecs que précédemment, alors que la situation est plus grave. Dans certains cas  comme la réforme de la carte judiciaire, le pouvoir peut encore  passer en force -  pour quel bénéfice et à quel coût politique ?  Gageons que dans bien d’autres cas,  il sera contrait de reculer comme il vient de le faire sur la carte famille nombreuse.

 
Roland HUREAUX

 

 

 

 

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commentaires

L
 <br /> Je salue la pertinence du propos et je le prolonge sur le principe du recrutement par concours qui semble devoir être remis en cause par les projets de «  réforme »,<br /> Ce principe est à la base de l'égalité républicaine : c'est sur lui que s'est appuyé l'ascenseur social.<br /> Le fils de paysan devenait instituteur ou petit fonctionnaire et son fils devenait lui-même médecin ou ingénieur.<br /> En privilégiant le recrutement sur titres pour les titulaires de diplômes courants , on aboutira au principe de la recommandation voire du clientélisme ou du népotisme.<br />  
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