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Roland HUREAUX

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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 20:54

 

Tandis que Nicolas Sarkozy règne sans partage sur l’ « Etat UMP », la France des collectivités locales, elle, vire à gauche.

Certes ce partage informel du pouvoir n’est pas nouveau : sous de Gaulle, Pompidou et Giscard, la gauche , PC en tête, écartée du pouvoir national, avait largement investi les collectivités locales , ruminant tout au long des  années soixante-dix le projet de décentralisation. La loi Deferre qui en  fut,   une fois Mitterrand  élu, l’aboutissement, devait pourtant  profiter à la droite, de retour au plan local sous un président de gauche. En 2001, Chirac régnait mais Jospin gouvernait : les élections furent favorables à la droite. En  2003,  sous Raffarin, ardent  décentralisateur lui aussi, la gauche rafla toutes les régions sauf une.

Rien de nouveau sous le soleil, donc ?  Pas tout à fait :   jadis quelques citadelles  aux couleurs indéterminées résistaient aux  mouvements nationaux. On ne savait pas si Louis Pradel,  maire de Lyon,  était de droite ou de gauche. Maurice Faure, maire de Cahors,  à peine davantage. On savait seulement qu’ils étaient indéracinables. Quel qu’ait été le vent, Marseille n’aurait su passer à droite, ni Rodez à gauche.

La nouveauté des élections municipales de 2008, c’est la radicalité du mouvement qui tend à polariser les scrutins locaux – dans les grandes et moyennes villes et même maintes petites – en fonction des enjeux nationaux.

En annonçant de manière bravache  - et fort imprudemment -  que ces élections seraient un test national, le président   a certes a amplifié  le mouvement. Le parti socialiste l’a pris au mot et, profitant de l’effondrement de la popularité du président,  a joué le même jeu  et   emporté la mise.

Mais dans ce mouvement de bipolarisation, le rôle des grands média a été aussi essentiel : rarement ils  ont autant  couvert les  élections locales.  Naturellement simplificateurs,  les  médias ne connaissent que les étiquettes. Comme aux dernières présidentielles, ils ne surent  qu’égrener  les  UMP et  les  PS,   comme d’autres les Pater et les Ave.

Les électeurs sont entrés eux aussi   dans le jeu : dans la plupart des villes, seules  les étiquettes  ont compté. Et la bonne était cette fois celle du PS. Non  que l’électeur ignore l’état lamentable où se trouve aujourd’hui ce parti. Mais il voulait sanctionner Sarkozy, un point c’est tout. Contraint par l’ambiance   d’employer un langage binaire, il comprit que Non à Sarko se disait PS. Un point c’est tout.

Le laminage du facteur personnel, l’impossibilité pour les hommes de troisième force  ou issus de la société civile d’exister dans le débat  fut  le corollaire de cette infernale mécanique. L’échec emblématique de François Bayrou à Pau  (tout comme l’effondrement du radicalisme dans le Lot)  ne furent que  la pointe émergée d’un immense processus  de simplification de l’expression démocratique.

Inconsciemment l’électeur ne s’y est pas trompé : si le taux d’abstention a été plus fort qu’il ne l’est d’habitude dans les scrutins municipaux, c’est que l’enjeu  local gommé, l’élection  perdait de son intérêt propre . Le maire demeure, dit-on,  l’homme politique le plus populaire. Cela est peu apparu. Préférant  l’écran de télévision aux  réunions de quartier,  les électeurs  se sont en fait peu intéressés à ce scrutin. S’abstenir n’était-il pas d’ailleurs   une autre manière  de faire un bras d’honneur au pouvoir en place ?

Certes, à cette règle  il y  eut  quelques exceptions : plus frondeurs, moins légalistes, les habitants des beaux quartiers ont su à Versailles ou à Neuilly récuser des candidats UMP par trop médiocres ou illégitimes. Au contraire, d’excellents  maires UMP comme Antoine Ruffenacht, au Havre,  pourtant ville de gauche,  ont été épargnés par  la vague socialiste. Sans doute aussi pour la même raison Alain Juppé à Bordeaux. Alors que le grand Sud-Ouest presque dans son entier allait vers la  gauche (qui gagne Toulouse, Brive, Périgueux, Rodez , Dax et même, qui l’eut dit ?  les conseils généraux de l’Aveyron et des Pyrénées atlantiques !), Agen vire à droite. La raison ? La gestion calamiteuse de la ville par une équipe de gauche inexpérimentée élue en 2001. Pour les même raisons, le maire sortant UMP de Cahors,   n’atteint pas, fait inouï,  les  20 % au premier tour. A Agen comme à Cahors, les impôts avaient augmenté de plus de 50 %, ce que l’électeur ne pardonne pas en  en pleine stagnation  du pouvoir d’achat.

D’une façon générale, il fallait être très bon pour résister au courant ou très mauvais pour être battu à contre-courant.  Cela n’est arrivé que rarement.

La  bipolarisation, que Bayrou avait failli mettre en  échec aux présidentielles, confirme ainsi son emprise. C’est dommage. Les élections locales y perdent de leur intérêt. Or     les nouveaux maires sont le vivier où se renouvelle en France le personnel politique : s’il suffit pour gagner d’une étiquette délivrée par un parti au bon moment, il y a  peu de chances que la classe  politique  se régénère par là.  Tant pis pour les électeurs qui, d’une certaine manière l’ont bien cherché, en restant, malgré  la proximité de l’enjeu,   aux stéréotypes.

Dernier constat : on savait que les élections régionales et européennes, plus encore que les municipales,  sont conditionnées par l’état d’esprit national. Au moment où tout le monde prophétise  le recul de l’Etat national, n’est-il pas paradoxal de le voir s’affirmer comme  le seul enjeu électoral autonome  et celui qui impose son rythme à  tous les autres, la seule scène encore vivante du jeu  démocratique ?

 

Roland HUREAUX


 

Article publié par    www.Marianne2.fr

 

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