Le rapport Attali, pot-pourri de ce qui se trouve dans l’air du temps en matière de réformes administrative a provoqué un beau tollé en proposant de supprimer le département.
Le lobby des présidents de conseils généraux s’en est ému ; le département parait si bien ancré dans notre réalité administrative que la proposition a paru une incongruité.
Mais le débat engagé demeurera dans la confusion tant qu’on n’aura pas rappelé que le terme de département recouvre deux réalités différentes.
Il s’agit d’abord d’une circonscription administrative des services de l’Etat, à la tête de laquelle, depuis Bonaparte, se trouve placé un préfet.
Mais le département est aussi devenu dans le courant du XIXe siècle une collectivité locale autoadministrée à l’instar de la commune - et aujourd’hui de la région. Depuis 1983, ce n’est plus le préfet qui en assure l’ exécutif, c’est le président du conseil général à la tête d’un conseil délibérant composé de conseillers généraux élus au scrutin uninominal dans chaque canton. Le département ainsi conçu, généralement appelé « conseil général », se consacre d’abord à l’aide sociale et à l’entretien des routes départementales mais il tend à s’occuper aussi de bien d’autres choses, comme le tourisme.
Dans le panorama touffu de notre administration locale, les conseils généraux ont, non sans quelques raisons, mauvaise presse. Leur existence affaiblit la région et pèse sur les maires de plus en plus pris – à l’exception des plus importants - dans un réseau serré de féodalités politiques. Leurs attributions facilitent le clientélisme. Les présidents de conseils généraux ont plus de poids au Sénat que les présidents de région, moins nombreux. Il est pratiquement impossible de faire carrière dans un parti donné contre le président du conseil général s’il est du même bord.
Proposer comme le fait le rapport Attali de partager les attributions de la collectivité départementale entre les communes (aide sociale ) et les régions (routes, développement économique) n’est pas absurde. Encore faudrait-il faire avaliser une telle réforme au Sénat qui a le dernier mot en matière de libertés locales, ce qui est une autre affaire.
Faut-il pour autant remettre en cause le département comme échelon de l'Etat ? Créés au moment de la Révolution dans le but d’harmoniser les découpages et de rapprocher l’administration des citoyens (la taille des départements devait être telle qu’on puisse aller et revenir au chef-lieu à cheval en un jour.), les départements sont devenus au fil des ans une réalité forte de notre paysage administratif. Les grands services régaliens, ceux qui seuls subsisteront quand les autres auront disparu – gendarmerie, services fiscaux – sont organisés à ce niveau. Au demeurant bien des administrations non étatiques (les banques par exemple, mais aussi les diocèses) fonctionnent aussi sur la base du département. La réforme Dati, en concentrant les juridictions au niveau départemental, va dans le même sens. Même si certains services de l’Etat ont été affaiblis par la décentralisation et tendent donc à se regrouper à l’échelon régional, le préfet de département demeure un point fixe de notre paysage administratif.
Supprimer le département, comme échelon de l’Etat était le rêve des maurrassiens hostiles à cet héritage révolutionnaire et favorables au contraire à la région , qui rappelait la province d’Ancien régime. Mais ces considérations sont aujourd’hui bien oubliées. La suppression du département irait surtout dans le sens de ce brouillage systématique des repères auxquels l’univers libéral se complait sans que l’on perçoive encore les économies qui en résulteraient.
Mais peut-on faire l’un sans l’autre : conserver le préfet et supprimer le président du conseil général ? Pourquoi pas ? Les sous-préfets, qu’il est aussi question de supprimer, n’ont pas, eux, de vis-à-vis. Le dogme français qui fait correspondre aux échelons départementaux et régionaux un représentant de l’Etat et une exécutif local, ne se justifie pas. Comme on le voit, il y a dans le rapport Attali à prendre et à laisser.
Roland HUREAUX
Article publié par www.marianne2.fr