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Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 23:14

POURQUOI AREVA N'A JAMAIS REPONDU AUX AVANCES DE TAÏWAN QUI A UN BESOIN URGENT DE RETRAITER SES COMBUSTIBLES NUCLEAIRES ?

 

Le premier ministre Bernard Cazeneuve se préoccupe-t-il du devenir d'AREVA dont la cotation en Bourse a été suspendue le 10 janvier ?   Comme il se trouve en contrat à durée très déterminée, ce n'est pas sûr.

Mais il a été élu député de la Manche.  Sait-il que dans sa circonscription, il y a une mise d'or ?  Une mine qui pourrait rapporter à la France 4 milliards d’euros immédiatement, et le double plus tard ce qui ne suffira peut-être pas à sauver AREVA, dont le besoin de financement est estimé à 15 milliards, mais pourrait améliorer sa trésorerie et par là même celle de l'Etat.

Il n'est pas sûr que Cazeneuve le sache car l’ancienne présidente d’AREVA, Anne Lauvergeon, aujourd'hui en examen, n'a rien fait pour le faire savoir, ni pour exploiter le filon.

Cette mine se trouve à l'usine de retraitement de La Hague, un site qu’il connait bien.  

Pendant des années, Taïwan a été demandeur, tantôt ouvertement, tantôt en sourdine, du retraitement de ses combustibles usés.

Dès les années 80, Taïwan s’est doté de six réacteurs nucléaires [1]  dont les combustibles usés ont été accumulés de manière préoccupante techniquement et inquiétante pour les populations [2]. Ces   combustibles se trouvent dans les piscines (dites de transfert) de ces quatre réacteurs, la « réserve de cœur » qui permettrait de décharger en urgence, en cas de besoin, l’intégralité d’un cœur de réacteur en activité n’est donc plus respectée, ce qui met en danger les populations.

 

Un engagement non tenu par la France

 

Cette sursaturation de 4 « piscines de transfert » est un cas unique au monde, largement dû à un engagement moral non-tenu depuis une vingtaine d’années d’AREVA de recycler un premier lot de 3 000 tonnes de combustibles usés (sur 7 à 8 000 tonnes à terme).

Or aujourd'hui, comme il y a vingt ans, pour des raisons à la fois techniques et administratives, le seul pays à même de retraiter ces combustibles usés est la France à l'usine de La Hague.

Dès 1997-98, COGEMA sous la présidence de Jean Syrota, avait donné un accord de principe à la demande de Taïwan Power Compagnie (TPC) pour évacuer et recycler trois mille tonnes de ces combustibles usés. Son successeur, Anne Lauvergeon, ne donna pas suite.

Non seulement cet engagement représentait une recette intéressante de près de 3 milliards de dollars de l’époque, mais il était logique - du fait que COGEMA avait précédemment fourni une importante partie des combustibles   à Taïwan Power Compagnie : COGEMA avait signé dès 1982   un contrat lucratif qui avait assuré - de 1987 à 2013 - un tiers de besoin de Taïwan en uranium enrichi.

Si un grave séisme de type Fukushima se produisait à Taïwan, et s’il entraînait aussi un accident au niveau de ces piscines, la responsabilité morale de la France - et singulièrement celle d'AREVA - pourrait être mise en cause, du fait de ces engagements non honorés.

Compte tenu de l'accumulation intervenue au fil des ans, le marché total de ce recyclage peut être estimé aujourd’hui à 8 milliards d’euros (4 immédiatement, le reste plus tard.).  Ce budget a été mis en réserve par l’électricien taïwanais, dans un compte distinct de la trésorerie de l’entreprise.

 

L'incompréhensible passivité d'AREVA

 

Pour des raisons à ce jour inexpliquées, AREVA, depuis de nombreuses années, a multiplié les échappatoires pour ne donner aucune suite à ce qui était une demande explicite de l’électricien taïwanais, alors appuyé fortement par son gouvernement : le président de TPC, reçu à Paris en 1997 avait proposé un acompte d1 milliard de $ en échange d’un engagement de la COGEMA d’effectuer l'opération sur quelques années. Le ministre de l’énergie atomique et ses adjoints furent reçus à plusieurs reprises et les   arrangements administratifs et gouvernementaux de part et d'autre furent précisés.  Washington, dont l'accord est nécessaire du fait que les Etats-Unis ont fourni les réacteurs, approuva et appuya le projet.

Cette passivité obstinée est d'autant plus inexcusable que notre capacité de retraitement de la Hague est sous-employée.

Il est vrai que la situation politique a évolué à Taïwan : le gouvernement est désormais anti-nucléaire (tout en conservant un ministère de l’énergie atomique[3] !) Certains antinucléaires jouent même la politique du pire, espérant l’incident, ou l’accident.

Les connaisseurs de ce pays ne doutent cependant pas que, compte tenu du besoin, un travail politique de terrain déterminé, mené par un représentant compétent, aboutirait très vite à un accord.

De toutes les façons, il n'est pas d'usage que le client courtise son fournisseur - comme c'est le cas depuis vingt ans (en vain) : le contraire   serait plus normal.

Depuis des années, les dirigeants successifs d’AREVA, quand ils se sentent poussés à bout (ce qui est rare, les politiques s'étant peu intéressés à la question) répondent « Soyez tranquilles, l’affaire suit son cours ». Mais on ne voit rien venir.

On allègue aussi que les taïwanais se sont dotés d’un système d’entreposage à sec sur site rendant inutile le retraitement ou permettant d’attendre. C’est bien parce qu’AREVA ne tenait pas les engagements de COGEMA que Taïwan a été contraint de se doter de ce dispositif. Un système en fait inacceptable pour toutes les composantes politiques de l’ile car il perpétuerait la présence au milieu de l’agglomération de Taipei de 7000 tonnes de combustibles usés.

Il y a eu également, sous le successeur immédiat de Lauvergeon, un début de négociation pour évacuer un lot « pilote » de 220 tonnes. Un leurre que les députés taïwanais ont fait annuler car il n’apportait qu’une solution minime.

Parmi les mauvaises raisons que l'on soupçonne à ce blocage chez AREVA, figure la crainte révérencielle de la Chine populaire : pourtant Pékin n’a jamais émis la moindre objection aux relations industrielles électronucléaires entre la France et Taïwan ; et comment objecterait-elle puisqu'elle n'aura pas de capacité de retraitement propre avant de très longues années ? Imaginer que faire des affaires avec Taïwan nous mettrait mal avec la Chine de Pékin relève de    considérations    diplomatiques qui retardent de 35 ans :  10 000 passagers par jour, hommes d'affaires, étudiants et touristes, prennent un vol entre la Chine populaire et Taïwan !   40% du commerce extérieur de Taïwan se fait avantageusement avec la Chine. Le plus gros employeur privé de la Chine continentale, Fox Conn est un Taïwanais qui emploie un million d’ouvriers [4] .

Peut-être faut-il chercher la clef de cette énigme dans le mauvais souvenir de « l’affaire des frégates » de Taïwan, négociée sous l'ère Mitterrand, et dans le rôle qu’y aurait joué Anne Lauvergeon ? 

Ou alors a-t-on affaire à un cas finalement assez fréquent de la pathologie des organisations : l'incapacité de toute la structure AREVA (désorganisée par Lauvergeon) de prendre une décision dans quelque domaine que ce soit. L'aboulie n'est pas seulement une névrose individuelle, elle peut toucher aussi toute une structure.

Malgré l’intérêt électoral de l’actuel premier ministre à débloquer cette affaire, il n’est pas sûr qu'il en ait encore le temps.  L'affaire sera donc entre les mains du nouveau président, qui aura bien besoin de ces 8 milliards d'euros.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Plus deux, plus récents, gelés en raison de l'opposition de la population au nucléaire

 

[2] Les quatre réacteurs du Nord de l’île sont situés dans lagglomération de Taipei, un bassin de population de 7 millions dhabitants.

 

[3] Il a même lancé le projet dune agence de gestions des déchets radioactifs sur le modèle français.

 

[4] En décembre 2016, lors des célébrations à Fuzhou autour des statues et de linauguration dune exposition remarquable à la gloire de notre compatriote Prosper Giquel (le Français le plus célèbre de Chine), des descendants taïwanais de ses élèves étaient à

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