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Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 23:20

 

L'AVORTEMENT ENTRE L'IDEOLOGIE ET LE REEL

 

Une jeune femme qui se trouve enceinte confrontée aux pressions de son employeur ou de son chef de service qui lui laissent entendre ou font dire qu'encore un congé de maternité, ce n'est plus supportable pour l'entreprise :  gare au prochain "plan social".

Une autre menacée par son compagnon que la paternité affole    d'être plaquée si elle garde l'enfant.

Une troisième, lycéenne mineure que ses parents veulent à toute force faire avorter :  "Tu es trop jeune pour te charger d’enfant. Ce n'est pas raisonnable". Tout le monde lui dit qu'elle risque de gâcher ses études et donc son avenir.  Les professeurs, au moins ceux qui sont au courant, aussi.   Elle n'avait d'ailleurs pas osé au départ avouer sa grossesse.

Ces pauvres femmes se retrouvent seules ; elles ne savent, face à tous ces gens qui les poussent à avorter, à qui se confier.  Les collègues de bureau sont de l'avis de tout le monde, à l'hôpital on ne "juge" pas et donc on ne fait rien pour la dissuader, au contraire. Heureusement la lycéenne   a quelques copines de classe, secrètement admiratives de   sa promotion de fille en femme, pour comprendre son désir de garder l'enfant. Mais feront-elles le poids ?  

Ces cas ne sont pas isolés. Tous ceux qui connaissent la "vrai vie" savent qu’ils sont très répandus, probablement majoritaires.

Le drame des avortements sous pression laisse parfois des traces, intermittentes, dans la rubrique des faits divers. Il y a quelques années, du côté de Bordeaux, un   adolescente était allé voir un avocat pour attaquer en justice ses parents qui l'avaient forcée à avorter. En Bretagne, le petit ami de la fille assassine ses beaux-parents après l'avortement auquel ils l'avaient contrainte et qui avait entraîné leur rupture[1].

N'y a-t-il pas là une bonne cause à défendre pour les associations féministes ?  Ces femmes subissent dans ce qu’elles ont de plus intime des pressions extérieures. Des pressions qui, pour la plupart, viennent d’hommes, d'hommes qui, en la circonstance, refusent d'assumer leur rôle de père et   font la preuve de leur lâcheté, n'illustrant ainsi que trop bien une certaine imagerie féministe.  

Ceux qui exercent ces pressions sont presque tous en position hiérarchique : les parents, l'employeur, le médecin, on n’ose plus dire le chef de famille.

 

La Barbe et ivg.net, même combat ?

 

A quand donc l'union sacrée de La Barbe ou des Tumultueuses avec   IVG.net ?

Ce serait possible si les réalités avaient encore une place en politique. Hélas les idéologies on tout envahi.

Loin de défendre les femmes victimes de ces pressions bien réelles, bien plus réelles aujourd’hui que les inhibitions ou interdits qui viendraient de la vieille morale (un fantôme évanoui depuis longtemps), les mouvements féministes ont fait pression sur le gouvernement pour qu'il   confère un caractère délictueux aux publications des sites qui tenteraient de donner aux femmes des raisons pour résister à ces pressions. En les informant par exemple à la fois des risques de l'avortement, bien réels eux aussi, et des solutions alternatives (accouchement sous X par exemple). Le délit   d'entrave à l'IVG   instauré à la sauvette en 1992 a été étendu "en urgence" en décembre 2016 aux sites, principalement catholiques, dédiés aux femmes qui s’interrogent. Parlons d'une urgence !

Les pressions que nous évoquons sont d’une légalité douteuse, mais comme elles ne sont jamais sanctionnées, personne ne se gêne pour les exercer. Inciter la femme qui hésite à résister à ces pressions est au contraire puni très sévèrement par la loi. Pire : avec la nouvelle loi  , une femme pour qui l’avortement aura été une expérience douloureuse (et il y en a tant !)    N’aura   pas   le droit de s'exprimer publiquement, par exemple sur Youtube. Elle doit garder sa souffrance pour elle.

La douleur est censurée comme a été censurée par le CSA, puis par le Conseil d'Etat la joie d'une mère qui avait gardé son enfant trisomique.

Car ce n'est pas le réel qui compte, c'est l’idéologie ; ce ne sont pas les souffrances des femmes soumises à des pressions de leur entourage, c'est la symbolique, une symbolique figée, schématique : plus d’avortement, de gauche ; moins d’avortement, de droite et même très politiquement incorrect :  la Marche pour la vie sera bientôt plus compromettante qu'une manifestation néo-nazie.

On peut aussi bien dire : pour la méthode globale, de gauche ; pour les méthodes classiques :  de droite. Pour Castro, de gauche, pour Poutine, de droite etc.  

 

Un champ symbolique simplifié

 

Cette sémiologie simplifiée à l’extrême a envahi tout le champ politique   au point d'interdire non seulement le débat, mais le réel.

La victime de la dégénérescence idéologique, c’est en effet le réel. Le réel qui se trouve forclos (verwerft), selon l'expression de Jacques Lacan, comme le sont   les souffrances de femmes ayant été contraintes à avorter - une souffrance si   politiquement incorrecte que non seulement elle ne doit pas s'exprimer mais que, pire, elle n’est pas supposée exister.  

Les opposants à l'avortement ne sont pas exempts non plus de ce déni du réel :  quand fut abrogée l'obligation de l'autorité parentale, ils poussèrent des hauts cris, ignorant apparemment que dans la majorité des cas, ce sont les parents qui poussent leurs filles mineures à avorter et elles qui résistent.  

En ce domaine, comme dans d’autres, c’est le réel qui se trouve perdant à ce jeu absurde.

L 'autre nom de l'idéologie est l’absurdité. Mais par derrière, beaucoup de souffrances comme celles que nous évoquions au début de cet article. 

Les féministes se mettront-elles à défendre les femmes vraiment en détresse ? Les changements de pied sont déjà arrivés en politique : la défense des langues régionales était cataloguée autrefois à l'extrême droite : Mistral était un ami de Maurras. Quand l'auteur de cet article s'était    pointé il y a quelques années à un gala de poésie occitane, il fut pris à partie   par des écolos barbus selon qui, étant de droite, il n’avait rien à faire là !  

L’homosexualité était au temps de Proust associée à une vieille aristocratie décadente et réactionnaire. Encore en mai 68, qui s'en souvient ?  Les homosexuels ou ceux qui en avaient l’air étaient catalogués à droite : ils étaient tenus pour des « esthètes », amateurs d'une culture raffinée donc bourgeoise, tolérés parce qu’insignifiants. Les groupuscules de gauche (PC) ou gauchistes (Ligue communiste, UJCML etc.) cultivaient au contraire un style macho, à l’imitation de l'idée qu’ils se faisaient de la virilité ouvrière genre Stakhanov. Comme on voit, les choses ont bien changé. Tout est donc possible.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

[1] Ces faits, déjà anciens, ont été mentionnés le premier dans Marianne, le second dans Ouest-France.  

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