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Roland HUREAUX

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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 19:13

Compte-rendu de :

Cardinal Robert Sarah (avec Nicolas Diat), Dieu ou rien , entretien sur la foi, Fayard, février 2015.

paru dans la Revue Résurrection

Pour qui se demanderait s'il existe encore dans le monde francophone une personnalité religieuse suréminente, il est clair qu'avec le cardinal Sarah, originaire de la Guinée, l'Eglise dispose d'un homme à la mesure des défis de notre temps.

Malgré le cadre contraint de l'entretien, le livre où il expose à la fois son expérience et sa vision de la foi - et de l'Eglise - est traversé d'un souffle qui rappelle les plus grands textes de Jean-Paul II, qu'il cite d'ailleurs souvent, comme l'ensemble des papes de la période récente, notamment François.

Etonnant destin que celui de cet enfant de la brousse né en 1946 à Ourous (Guinée) , au temps de la colonisation française, dans une famille pauvre , convertie récemment, unie et pleine de foi. Il dit avec émotion tout ce qu'il doit aux missionnaires spiritains présents dans son village: non seulement la foi mais aussi une formation de base solide. Ils l'orientent très tôt vers le séminaire: successivement étudiant à Abidjan, Nancy, Rome, Jérusalem , il acquiert une formation d'une extrême solidité , notamment biblique et patristique, qui transparait à chaque page de son entretien . C'est ce qui lui permet d'être ordonné prêtre à 21 ans puis , quand le pouvoir expulse tous les missionnaires du pays , d'être nommé par Paul VI archevêque de Conakry à 33 ans ! Son prédécesseur est au bagne, il n'a pas de résidence et doit gérer au jour le jour une difficile relation avec le dictateur communiste Sékou Touré, plus complexe apparemment qu'avec la majorité musulmane. Il est appelé à Rome en 2001 comme secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, puis nommé en 2010 , à la fois président de Cor unum et cardinal avant d'être désigné par François en 2014 préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements .

La vision qu'il exprime tout au long de son ouvrage a la grandeur de la simplicité : "l'Eglise est uniquement faite pour adorer et pour prier", ce qui n'empêche pas de dire aussi que "la charité est la nature même de l'Eglise."

La prière - et le jeûne sur lequel il insiste - , est la base de tout. Elle est "le plus grand besoin du monde actuel". Quand elle est vivante , la foi se développe et les œuvres suivent, à commencer par l'évangélisation qui suit tout naturellement la prière : "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'évangile" (1 Co 9, 16).

Une grande partie du chapitre VII est consacrée à la prière . Ce devrait être un grand classique par son originalité et sa profondeur. On en retiendra qu'elle "consiste finalement à se taire pour écouter Dieu qui nous parle et l'Esprit Saint qui parle en nous" , qu'elle est moins parole que silence.

Admirateur du monachisme qu'il a implanté en Guinée, il voit le sommet de la prière dans la liturgie qui doit refléter la gloire de Dieu. Toujours dans la ligne de son christocentrisme radical, il rappelle que "la messe est un acte du Christ et non des hommes" , que le sacrement est une actio dei - et pas seulement un signe comme on le dit trop, selon nous, depuis le Concile.

Très sensible à ce qui advient à l'Europe chrétienne et à l'Occident en général, lieu d' "un athéisme de plus en plus prosélyte", il y voit l'effet d'un effondrement de la prière et donc de la foi. L'Occident déchristianisé est selon lui le foyer d'un nouveau colonialisme beaucoup plus dangereux et pervers que le premier car il vise à l'"imposition violente d'une fausse morale et de valeurs mensongères". Sarah se réfère aux pressions insensées, peu connues en France, de l'ONU, des Etats-Unis et de certaine fondations (Bill Gates) sur les pays d'Afrique pour qu'ils adoptent le mariage homosexuel , sous peine de voir l'aide coupée.

La théorie du genre est pur lui un véritable "totalitarisme onirique", témoignant d'une perte de sens du réel . L'homosexualité n'est pas la cause d'une minorité mais "la pierre angulaire d'une nouvelle éthique mondiale" . Le vrai christianisme est au contraire du côté de la réalité qui, selon lui, est "supérieure à l'idée". L'officialisation de l' avortement et de l'euthanasie entrent dans le même projet alors que , "l'Occident est le continent qui humilie et méprise le plus honteusement la femme".

Les conséquences de cette situation pourraient être immenses : "L'immense influence économique, militaire et médiatique d'un Occident sans Dieu pourrait être un désastre pour le monde" .

Déjà une victime : les Chrétiens d'Orient: "Certaines puissances occidentales auront été actrices directement ou symboliquement d'un crime contre l'humanité ". On peut penser que la cardinal , qui évite les attaques directes, vise l'aide apportée par les Occidentaux aux mouvements djihadistes. Tout cela est l'œuvre du diable contre lequel Jésus nous dit que seuls sont efficaces la prière et le jeûne.

Envisageant que l'Afrique puisse être au contraire le lieu d'un "printemps de Dieu" et ne méprisant pas ce que les traditions africaines qu'il connait bien peuvent avoir de positif, le cardinal ne fait cependant preuve d'aucune complaisance, ni pour les rites d'initiation qui, dit-il, bloquent la société , ni pour les superstitions qui maintiennent l'homme en état d'angoisse. Il évoque le rôle passé de l'Afrique dans l'Eglise, depuis la fuite en Egypte et Simon de Cyrène jusqu'au concile de Carthage (IVe siècle ) qui imposa le célibat des prêtres, ce qui lui permet de dire : "J'affirme donc avec solennité que l'Eglise d'Afrique s'opposera fermement à toute rébellion contre l'enseignement de l'Eglise". L' enfant de l'Afrique n'hésite pas à contredire, avec déférence, le cardinal Reinhardt Marx , président de la toute puissante conférence épiscopale de l'Allemagne , s'indignant que "pendant que des chrétiens meurent pour leur foi et leur fidélité à Jésus, en Occident, des hommes d'Eglise cherchent à réduire au minimum les exigences de l'Evangile". "Pour beaucoup, il est normal que Dieu déverse sur eux sa miséricorde alors qu'ils demeurent dans le péché" . Pour lui, des questions comme la place des femmes ou celle des divorcés remariés , a fortiori des homosexuels sont "très typées géographiquement", c'est à dire cantonnées à un Occident en grave décadence spirituelle.

Le cardinal a au fil des pages de belles formules :"l'Eglise est comme la lune ; elle ne brille pas d'une lumière propre, elle reflète la lumière du soleil " , l'Eglise ne faisant que refléter la lumière du Christ. "La miséricorde consiste à jeter son cœur dans la misère d'autrui , à aimer l'autre au cœur de sa misère". Ou encore : "la recherche scientifique est toujours une avancée dans la compréhension de la Révélation et du monde" .

Il évoque les papes sous lesquels il a vécu , de Pie XII , le premier à ordonner des évêques africains et Jean XXIII, à Paul VI qui l'ordonna archevêque , Jean Paul II, Benoit XVI et François, sans oublier une mention de Jean Paul Ier.

Un seul regret : que, critiquant certaines idéologies contemporaines , ce parfait francophone use de l'anglicisme "droit humain" , au lieu de l'expression française correcte "droit de l'homme" !

RH

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