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Roland HUREAUX

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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:20

Publié dans Marianne

Le Parlement ne va pas tarder à adopter l'absurde réforme des régions, le Sénat où la droite est pourtant devenue majoritaire, ne lui offrant qu'une molle résistance.

Parmi les présupposés de cette réforme, on le sait, une idée fausse : que nos régions seraient trop petites par rapport à celles des autres pays d'Europe. Si on ne regarde que l'hexagone, elles sont aussi grandes qu'en Italie, plus grandes qu'en Espagne. La région est embryonnaire en Angleterre.

Mais c'est d'abord de l'Allemagne les promoteurs de la réforme ont voulu s'inspirer L'idée sous-jacente est de faire des länder à la française et pourquoi pas, de transformer la France en Etat fédéral.

Cette démarche est fondée sur une série d'illusions et de malentendus qu'il importe de dissiper, le débat parlementaire ne l' ayant guère fait.

D'abord la taille des länder : leur population moyenne ( 5 millions d'habitants) est tirée vers le haut par quelques grosses entités : la Rhénanie-Nord-Westphalie (17,5 millions ) , la Bavière (12, 5 millions ) ou le Bade-Wurtemberg (10,7 millions ) - à rapporter au passage à notre Ile-de-France (11,8 millions). Mais les autres länder ont une taille comparable à celle de nos régions : sait-on que 8 sur 15 sont plus petits que la moyenne française (2,9 millions d'habitants)

Ce n'est pas, comme on le croit, par goût du kolossal que l'Allemagne a ces puissants Länder, c'est en raison de l'histoire. Avec à peine 15 millions d'habitants, l'ancienne Allemagne de l'Est aurait pu aussi constituer un Land unique ; nos voisins d'outre-Rhin ont préféré en faire six ( 2,5 millions d'habitants en moyenne). Pourquoi ? Parce que la Thuringe n'est pas la Saxe, qui n'est elle-même pas le Brandebourg ! La Sarre, de son côté, autre entité à l'histoire singulière, se contente de son petit million et ne demande à se rattacher à personne.

Ce n'est pas seulement en Allemagne, c'est dans toute l'Europe que les entités régionales ont été découpées en fonction des solidarités historiques, comme la France l'avait d'ailleurs fait remarquablement en 1964 ( seule anomalie regrettable : la division entre Haute et Basse-Normandie ) . En regroupant Bourgogne et Franche-Comté , Nord et Picardie, Auvergne et Dauphiné , provinces dont les caractères sont très différents, notre pays s'écarte donc de la norme européenne qu'il avait suivie jusque là . En mariant Alsace, Lorraine et Champagne , nous aurons la seule région d'Europe qui chevauche une frontière linguistique, ces frontières étant scrupuleusement respectées ailleurs ( Catalogne, Flandre, Wallonie, Val d'Aoste) !

Le fédéralisme allemand n'est plus ce qu'il était

En rêvant de Länder, nos dirigeants ignorent tout autant que le fédéralisme allemand n'est plus ce qu'il était. Les compétences des Länder se sont rétrécies avec le temps: l'essentiel de la réglementation économique dont ils avaient la charge a été centralisé à Bruxelles. Les Länder pouvaient après la guerre légiférer dans les domaines où le Bund (échelon fédéral) ne l'avait pas fait ; or ces domaines sont aujourd'hui réduits presque rien. Ils ne décident pas librement du montant de leurs dépenses comme les régions françaises mais le négocient à l'échelon fédéral. Si les budgets des Länder semblent plus lourds que ceux de nos régions, c'est qu'ils gèrent de grosses masses comme les salaires des enseignants ou des policiers sur lesquels des accords-cadre conclus à l'échelon fédéral ne leur laissent guère de marge de manoeuvre. La vérité est qu'il n'existe plus en Europe de véritable Etat fédéral, en dehors de la Suisse sont les cantons, beaucoup plus libres, eux, n'ont pas précisément la dimension qu'on voudrait donner à nos régions !

Parce que l'Allemagne supporte mieux la crise , on s'imagine sans bien entendu être jamais allé y regarder de près , que c'est à cause de son système fédéral. Rien ne le prouve. La puissance de l'industrie allemande a précédé le fédéralisme. Bien au contraire, celui-ci contribue à alourdir et complexifier les circuits de décision au préjudice des entreprises. Il a favorisé une surenchère écologique qui a abouti à refuser le nucléaire.

Par derrière la carte des régions, certains admirent que l'Allemagne, au lieu d'avoir une grande capitale écrasant les autres villes, soit polycentrique, qu'elle se structure autour d'une dizaine de villes moyennes-grandes que nous n'avons pas. Force ou faiblesse ? Là non plus on ne sait. Mais quelle naïveté d'imaginer qu'en agrandissant l'Aquitaine, on mettra Bordeaux au rang de Paris ! Les cartes urbaines de la France et de l' Allemagne n'ont pratiquement pas changé depuis le temps de Saint Louis où déjà Paris écrasait les autres villes de France. Qui peut imaginer qu'en redessinant la carte des régions on arrivera à modifier cette donnée de l'histoire longue ?

Maréchal , nous voilà !

On sait bien d'où vient cette volonté d'imiter l'Allemagne à tout prix ! Comment ne pas y voir , encore une fois, les complexes d'une France défaite en 1940 et qui, malgré les efforts du général de Gaulle pour lui rendre sa fierté, ne ne s'en est jamais remise. Pour la bourgeoisie française ( y compris de gauche), comme pour le régime de Vichy, point de salut si la France ne se met pas à l'école de l'Allemagne !

Tout cela est absurde.

En politique , comme dans la vie, il vaut mieux rester soi-même et jouer se propres cartes que singer les autres . Ainsi l'euro fort, continuation du mark fort était adapté à l'Allemagne mais pas à la France: c'est depuis qu'il existe que nous avons décroché de notre grand voisin avec lequel nous faisions jusque là jeu égal.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait rien à tirer de l'exemple allemand. Par exemple les Instituts Fraunhofer : des centres de recherche appliquée puissants à la charge de l'Etat fédéral et des Länder qui permettent de faire financer par la puissance publique l'essentiel de la recherche des PMI ! Mais qui sait en France ce que sont les Instituts Fraunhoffer ? Sûrement pas ceux qui veulent copier le système scolaire allemand lequel ne se distingue du notre que parce qu'il est entré en décomposition plus tôt !

Mais en France, un certain parisianisme aidant , on veut toujours imiter l'étranger tout en n' ayant sur ce qui s'y fait que très peu d'informations et beaucoup d' idées reçues. Qui sait par exemple que l'apprentissage que l'on a longtemps considéré comme une des forces de l'Allemagne n' y attire plus les jeunes ? Au contraire, nos grandes écoles qui n'ont pas d'équivalent ailleurs (et qu'on voudrait pour cela supprimer !) attirent encore de nombreux talents vers l'industrie , ce qui manque ailleurs , même en Allemagne.

La réformée territoriale offre une caricature de ce qu'a chez nos de frivole le processus réformateur. En voulait se faire allemands , Hollande et Valls , ne réussissent qu'a se montrer caricaturalement français !

Publié dans Marianne.fr le 24 novembre 2014

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